Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 613 / 30.12 – Priver la population de toutes les conditions nécessaires à la vie"
Brigitte Challande, 31 décembre 2025.- Un texte d’Abu Amir le 30 décembre au soir : Gaza entre les décombres et l’abandon, une tragédie dont les chapitres se complètent.
« Gaza vit ces jours-ci un état pesant de peur renouvelée, comme si elle était contrainte de retourner au cœur de la guerre sans annonce officielle ni préambule clair. Les sons qui ébranlent le territoire ne sont plus de simples bruits familiers et passagers, mais de violentes explosions résultant d’opérations continues de dynamitage d’immeubles dans les zones classées comme « zones jaunes », où l’armée israélienne est présente, notamment dans les régions orientales du territoire telles que l’est de Rafah, l’est de Khan Younès et la zone centrale, ainsi que l’est et le nord de la ville de Gaza. Ces explosions, audibles à de grandes distances, ravivent les souvenirs de la dernière guerre avec tout ce qu’elle a porté de terreur et de destruction, au point que les habitants du territoire ont l’impression que le ciel a de nouveau ouvert les portes de l’enfer, et que le calme fragile qui a suivi la guerre n’était qu’une courte pause entre deux vagues de douleur.
L’impact de ces explosions ne se limite pas à l’instant où elles se produisent, mais s’étend pour façonner une tragédie cumulative dont les chapitres se dévoilent jour après jour. Dans une scène humaine d’une cruauté extrême, des dizaines de bâtiments qui avaient été partiellement détruits pendant la guerre, dont il ne restait parfois qu’une chambre ou un salon ayant survécu par miracle, s’effondrent aujourd’hui. Ces vestiges étaient devenus le dernier refuge de centaines de familles qui avaient préféré vivre entre des murs fissurés plutôt que de s’installer dans des tentes incapables de protéger de la chaleur estivale ou du froid hivernal. Ces familles, qui tentaient de s’accrocher à ce qu’il leur restait de la notion de foyer, se sont retrouvées face à une nature impitoyable : les fortes pluies et les vents violents, conjugués aux secousses répétées provoquées par le dynamitage de bâtiments voisins, ont entraîné l’effondrement de ces constructions délabrées, s’abattant sur leurs occupants et transformant un abri provisoire en tombe soudaine.
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À Gaza, la mort n’est plus uniquement le résultat de bombardements directs ; elle est devenue la conséquence inévitable d’une destruction différée. Chaque jour apporte son lot de nouvelles sur une maison qui s’est effondrée sur ses habitants, sur des victimes tombées parce qu’elles avaient tenté de survivre en s’abritant sous ce qui restait de murs et de toits. Ainsi se poursuit la tragédie humaine d’un peuple puni jusque dans sa tentative de se protéger, un peuple laissé seul face à son destin, tandis que le monde choisit de détourner le regard et de préférer le silence à l’action.
Alors que cette catastrophe humanitaire s’aggrave et que les besoins de la population en soutien et en aide augmentent sous toutes leurs formes, la décision des autorités israéliennes de retirer les permis de travail à plus d’une dizaine d’organisations humanitaires internationales, parmi lesquelles Médecins Sans Frontières, est venue porter un coup supplémentaire et sévère à une société déjà dévastée. Cette décision, qui entrera en vigueur au début du mois prochain, s’accompagne d’une demande faite à ces organisations de mettre fin à leurs activités d’ici le 1er mars, ce qui signifie concrètement priver des centaines de milliers de personnes de services vitaux qui constituaient une véritable bouée de sauvetage dans un contexte d’effondrement quasi total des infrastructures sanitaires et humanitaires du territoire.
La gravité de cette décision ne réside pas seulement dans son caractère administratif, mais dans ses conséquences directes sur le terrain. La majorité de ces institutions œuvraient dans les domaines de l’aide humanitaire et des soins de santé, fournissant des services qu’aucune entité locale, dans les conditions actuelles, ne peut remplacer ni combler le vide qu’elles laisseront. Avec le départ de ces organisations, les hôpitaux seront encore plus démunis, la capacité de porter secours aux blessés et de soigner les malades diminuera, et les civils paieront, une fois de plus, le prix de décisions politiques prises loin de leurs souffrances quotidiennes.
Le tableau à Gaza aujourd’hui apparaît profondément interconnecté : les opérations de dynamitage, l’effondrement des bâtiments et le retrait des permis accordés aux organisations humanitaires ne sont pas des événements isolés, mais des maillons d’une même chaîne de pression et d’asphyxie systématiques, visant à priver la population de toutes les conditions nécessaires à la vie, après l’avoir déjà dépouillée de ses maisons, de sa sécurité et de ses droits fondamentaux. Dans ce lieu, les habitants ne vivent pas seulement sous la menace de la mort, mais sous le poids d’une attente permanente de ce qu’il y a de pire, tandis que le monde reste un témoin silencieux d’une tragédie dont les chapitres se répètent sans qu’aucune fin ne se profile à l’horizon.
Gaza aujourd’hui n’est pas seulement une zone géographique sinistrée, mais un témoignage vivant d’une souffrance humaine complexe, où s’entremêlent les séquelles de la guerre, la dureté de la nature et la cruauté des décisions politiques, pour façonner une réalité insoutenable. Pourtant, ses habitants sont contraints de composer avec elle jour après jour, dans une lutte ouverte contre la douleur, dans l’attente d’une justice absente depuis trop longtemps. »
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix. *Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance. Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
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* Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025 (partie 1 à 268) * Témoignages du 5 janvier au 9 mai 2025 (partie 269 à 392) * Témoignages du 10 mai au 5 octobre 2025 (partie 393 à 540)
Pour participer à la collecte "Urgence Guerre à Gaza" : HelloAsso.com Les témoignages sont publiés sur UJFP / Altermidi / Le Poing
