Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 611 / 29.12 – Le ciel redevient un fardeau sur les plaies de Gaza"
Brigitte Challande, 30 décembre 2025.- Une nouvelle dépression atmosphérique a touché la bande de Gaza, récit du 29 décembre.
« Dans une scène qui résume l’ampleur de la tragédie accumulée, la violente dépression atmosphérique qui frappe la bande de Gaza est venue ajouter un nouveau chapitre de douleur au livre de la souffrance ouvert depuis plus de deux ans. Un chapitre dont les lignes ne s’écrivent pas seulement avec la pluie, mais aussi avec le froid, la peur et l’effondrement de ce qu’il reste de la capacité des gens à supporter l’insupportable.
Dès les premières heures du matin, le bruit des vents violents et le fracas des pluies torrentielles n’étaient pas un simple phénomène hivernal passager, mais un nouvel avertissement de danger frappant aux portes de centaines de milliers de familles déplacées, qui vivent déjà sur les décombres de villes détruites, dans des tentes délabrées incapables de protéger du froid ni de repousser l’eau.
Cette fois-ci, les pluies n’étaient pas ordinaires : abondantes et continues, accompagnées de vents puissants qui ont arraché les tentes de leurs ancrages et transformé de vastes zones, en particulier dans le sud du territoire, en étendues submergées d’eau et de boue. La catastrophe la plus grave s’est produite dans la région d’Al-Mawasi, où les eaux de la mer ont rencontré celles du ciel, se rejoignant au-dessus des tentes des déplacés pour en submerger des centaines, dans une scène qui ressemblait à une noyade collective de la patience et de l’espoir.
Depuis hier et jusqu’aux premières heures du matin, la dépression atmosphérique a frappé la bande de Gaza sans relâche, depuis le nord de Rafah à l’ouest, en passant par les zones d’Al-Shakoush, Al-Attar, Bir 19, Al-Najjar et Zouarba, jusqu’au nord d’Al-Mawasi. Elle a laissé derrière elle des milliers de tentes arrachées ou inondées, et des centaines de familles qui se sont soudainement retrouvées à la belle étoile, sans abri, sans couvertures, et sans la capacité de protéger leurs enfants d’un froid intense et d’une forte baisse des températures.
Dans ces moments-là, le froid n’est pas le seul ennemi : il y a aussi le sentiment d’impuissance, la douloureuse prise de conscience qu’une ville en ruines ne peut plus protéger ses habitants. Les municipalités et les instances locales, malgré leurs tentatives incessantes, se retrouvent incapables de faire face à l’ampleur des destructions : comment gérer des rues dévastées, une infrastructure déchirée, des puits d’eau hors service, des réseaux d’assainissement et d’évacuation des eaux pluviales totalement détruits ? Le résultat cest des eaux qui envahissent les maisons endommagées, inondent les tentes, enferment les habitants dans un danger permanent.
Depuis le début de l’hiver, des centaines de milliers de familles vivent dans des camps de déplacement temporaires qui n’ont de « temporaire » que le nom. Des tentes installées à la hâte, avec de fines bâches en plastique distribuées par des organisations humanitaires aux moyens limités, se sont rapidement transformées en passages boueux. Les enfants ne peuvent y marcher sans enfoncer leurs pieds dans la boue, et les mères sont incapables de protéger leurs petits de l’humidité et du froid.
Ces camps, censés être des refuges sûrs, sont devenus des scènes quotidiennes de souffrance : les gens s’endorment dans la peur, les enfants se réveillent au sifflement du vent, et chaque nuit pluvieuse se transforme en cauchemar collectif.
La mémoire des Gazaouis n’a pas encore effacé la vague de pluies précédente de la mi-décembre, lorsque la tempête Byron a frappé le territoire, causant la mort d’au moins 18 personnes : certaines sous les décombres de bâtiments détruits, d’autres emportées par le froid glacial, comme si la nature elle-même avait décidé de participer à ce châtiment sans fin.
Seulement depuis le début du mois de décembre, au moins 235 000 personnes ont été affectées par les dépressions atmosphériques successives, avec l’effondrement de 17 bâtiments et des dommages, totaux ou partiels, à plus de 42 000 tentes ou abris temporaires. Des chiffres qui ne représentent pas de simples pertes matérielles, mais des histoires humaines entières qui se sont effondrées avec chaque tente tombée.
Au cœur de cette tragédie, s’élèvent les cris de centaines de milliers de familles : des cris de colère, de fatigue et de désespoir. Des familles qui ont le sentiment d’être laissées seules face au froid, à la pluie et à la destruction, sans réponse réelle de la part des décideurs et sans solutions radicales pour arrêter cette hémorragie quotidienne de la dignité humaine. La colère ici n’est pas un luxe, mais une réaction naturelle à des conditions cruelles imposées de force : à des mères qui serrent contre elles des enfants grelottant de froid, et à des pères qui se tiennent impuissants devant des tentes inondées, n’ayant pour tout recours que leurs mains nues.
Les appels à l’aide se répètent, les cris de détresse sont lancés jour et nuit, mais les oreilles attentives sont rares, et les promesses, si elles existent, restent suspendues dans l’air, comme les tentes arrachées par le vent.
À Gaza aujourd’hui, les habitants ne font pas face uniquement à une dépression atmosphérique, mais à tout un système d’injustice, de négligence et d’impuissance, où la pluie devient une épreuve de survie, l’hiver une punition supplémentaire; les droits humains les plus élémentaires, comme le logement et la sécurité, se transforment en un rêve lointain.
Entre le rugissement des vents et le bruit des pluies, la question demeure suspendue : jusqu’à quand les déplacés continueront-ils à payer le prix d’une catastrophe qu’ils n’ont pas choisie ? Et jusqu’à quand leurs cris continueront-ils de se heurter au mur du silence, tandis que le territoire s’enfonce toujours davantage, non seulement sous les eaux, mais aussi dans la tristesse et l’abandon ? »
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix. *Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance. Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
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* Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025 (partie 1 à 268) * Témoignages du 5 janvier au 9 mai 2025 (partie 269 à 392) * Témoignages du 10 mai au 5 octobre 2025 (partie 393 à 540)
Pour participer à la collecte "Urgence Guerre à Gaza" : HelloAsso.com Les témoignages sont publiés sur UJFP / Altermidi / Le Poing