Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 530 / 23.9 – Le langage devient impuissant pour décrire Gaza"
Brigitte Challande, 24 septembre 2025.– Le 23 septembre, un texte d’Abu Amir : un génocide aux yeux du monde et une résistance défiant l’anéantissement.
« La guerre à Gaza n’est plus seulement une scène parmi tant d’autres de conflits politiques ou militaires ; elle s’est transformée en une épopée de douleur et de massacres, où la tragédie habite chaque foyer et emplit les cœurs de tristesse et de deuil. Les mots s’amenuisent devant l’ampleur de la catastrophe, et le langage se révèle impuissant à décrire la destruction, les tueries et les déplacements, comme si l’Apocalypse s’était abattue sur cette ville résistante. Gaza aujourd’hui n’est plus Gaza d’hier : c’est une cité sinistrée à tous égards, gémissant sous ses ruines, pleurant sur ses décombres, tandis que le monde reste spectateur, incapable d’arrêter la machine infernale de guerre.
L’occupation israélienne poursuit sa guerre d’extermination méthodique depuis plus de deux ans, sans rencontrer un véritable frein de la part de la communauté internationale ou de ses institutions. Bombes et missiles pleuvent sans relâche, frappant maisons, écoles et hôpitaux sans distinction, brûlant tout sur leur passage, transformant les tours d’habitation en amas de gravats, bloquant les routes et isolant les quartiers. Plus encore, de nouvelles technologies meurtrières sont utilisées : des drones planent dans les ruelles et tirent au hasard, tandis que des robots explosifs sont introduits par les forces d’occupation dans les quartiers pour les faire sauter et tuer tout ce qui s’y trouve. C’est un spectacle qui dépasse l’imagination du diable lui-même, comme si le mal s’était incarné dans sa forme la plus achevée.
Gaza est effacée de la carte comme l’ont été Rafah, Beit Hanoun, Jabalia, Beit Lahia et Khan Younès auparavant. L’occupant se hâte d’effacer la mémoire des lieux, de transformer l’histoire en vide. Les villes jadis pleines de vie sont devenues des ruines désertes ; leurs habitants sont soit morts, soit blessés, soit déplacés. Les réfugiés s’entassent sur les routes depuis des jours, sans abri, sans nourriture ni médicaments. Les hommes meurent mille fois en voyant leurs enfants et leurs épouses dépérir de faim et de soif, ou tomber victimes des bombardements à tout moment. La scène condense toute la cruauté de l’Histoire : un peuple désarmé puni depuis plus de soixante-dix ans à cause de la funeste Déclaration Balfour, ce simple trait de plume qui a plongé les Palestiniens dans une tragédie éternelle.
Les chars israéliens encerclent Gaza de toutes parts, du sud au nord, de l’est à l’ouest, jusqu’à se trouver à quelques centaines de mètres du cœur de la ville. Ils ont atteint le siège de l’UNRWA près de l’Université Al-Aqsa au sud, les quartiers anciens de Gaza à l’est, ainsi que la rue du Tunnel et la rue Al-Jalaa au nord. La ville est presque vidée de ses habitants, sauf quelques groupes refusant de partir, faute de lieu, de moyens, choisissant de mourir chez eux plutôt que d’errer sur les routes de l’exil. Ceux-là ont signé leur propre acte de décès, non par choix, aucune autre option ne leur restait.
Le visage de Gaza a totalement changé : ville autrefois vibrante, elle est devenue cité fantôme. Les hautes tours sont des blocs de béton inertes, les rues jonchées de cadavres et de débris. Les cris des enfants et des veuves déchirent le ciel, tandis que l’odeur de la mort emplit l’air. Ses habitants marchent encore, mais leurs âmes les ont quittés depuis longtemps : le désespoir a détruit tout espoir, et la tristesse a écrasé toute signification de la vie. Les déplacés souhaitent mille fois la mort plutôt que de vivre cette catastrophe humanitaire sans précédent dans l’histoire moderne.
Le monde entier reste impuissant devant la barbarie de l’occupation, comme si les lois internationales et les chartes humanitaires n’avaient été créées que pour enchaîner les faibles, et non pour freiner les tyrans. Les Nations Unies et le Conseil de sécurité ont perdu toute crédibilité ; la voix de la conscience mondiale s’est réduite à de fades communiqués de presse. L’occupant piétine toutes les normes et menace ouvertement les grandes puissances, allant jusqu’à menacer l’Europe si elle reconnaissait l’État palestinien. Cet État né sur une terre illégitime il y a plus de soixante-dix ans défie aujourd’hui des puissances qui furent jadis des empires dictant le destin du monde. C’est un tableau de chaos universel, comme si la fin approchait.
Les crimes ne se limitent pas aux tueries et aux destructions, mais englobent aussi une guerre méthodique contre la mémoire et l’identité. L’occupation efface les repères, brûle les bibliothèques, détruit les universités ; même les écoles et hôpitaux n’échappent pas à sa brutalité. L’objectif n’est plus militaire : il s’agit bel et bien d’un génocide, d’un déracinement complet d’un peuple de sa terre, de l’effacement de la mémoire d’une ville historique comme Gaza. Ce qui se déroule n’est pas une simple guerre, mais un nouvel holocauste du XXIᵉ siècle, mené par une entité soutenue par des puissances qui se parent des mots de liberté, de justice et de droits de l’homme.
Au cœur de ce désastre, la bravoure des habitants de Gaza resplendit malgré leur faiblesse et leur dénuement. Des enfants jouent sur les décombres en tentant d’oublier l’instant fatal qui approche, des femmes transforment leur douleur en patience, et des hommes creusent à mains nues sous les ruines pour sauver ceux qui respirent encore. Des scènes qui brisent le cœur, arrachent des larmes et qui témoignent aussi d’une résistance légendaire : Gaza, malgré sa destruction, reste vivante, palpitant de dignité et de volonté.
La guerre contre Gaza n’est plus une guerre ordinaire : c’est une tache indélébile sur le front de l’humanité. Une ville exterminée quotidiennement sous l’œil des caméras et des écrans, tandis que le monde se contente de regarder. Ce qui accroît encore la douleur, c’est que le sang innocent versé à Gaza n’a pas ébranlé la conscience de ceux qui ont le pouvoir de stopper ce désastre. Le peuple de Gaza est abandonné à son destin, tué, déplacé, ses villes effacées, simplement parce que certains ont décidé que son existence était un fardeau pour ce monde.
Gaza aujourd’hui résume toutes les douleurs de l’humanité. C’est une ville devenue miroir révélant la fausseté des lois internationales et l’impuissance du monde civilisé. C’est l’histoire d’un peuple qui n’a réclamé que de vivre dignement sur sa terre, mais qui affronte une guerre impitoyable, mélange de cruauté et de technologie, de haine et de volonté d’extermination. Et tandis que Gaza brûle chaque jour, une question reste suspendue dans le ciel du monde : Jusqu’à quand ? Et existe-t-il encore une once de justice en ce monde pour sauver ce qui reste de vie sur cette terre sacrée ? »
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
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Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFP, Altermidi et sur Le Poing.