Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 513 / 6.9 (1) – l’histoire ne pardonnera pas le silence des lâches."
Brigitte Challande, 8 septembre 2025.- Impertubablement, les équipes de l’UJFP persistent dans leur actions de solidarité hebdomadaires, vitales et essentielles. Compte rendu du 6 septembre dans le contexte général d’une tragédie sans précédent dans la bande de Gaza où se déroulent coûte que coûte la distribution de repas, la scolarisation et le soutien psychologique.

Capture d’écran de la vidéo publiée par Quds News Network le 8 septembre 2025.
« La bande de Gaza traverse l’une des pires tragédies de l’histoire contemporaine, une tragédie où se mêlent le fracas des explosions aux gémissements des affamés, et le grondement des avions aux pleurs des enfants. Plus de deux millions de personnes vivent sous un blocus implacable depuis des années, et aujourd’hui, elles affrontent une guerre d’extermination qui décime leurs vies et transforme les détails les plus simples de leur quotidien en une bataille pour survivre. Déplacements massifs, morts et exils, faim et soif, conditions de vie qu’il n’est plus possible de qualifier autrement que comme un effondrement total des fondements de l’existence.
Avec l’intensification des bombardements sur la ville de Gaza et le nord de l’enclave, des milliers de familles ont été contraintes d’abandonner leurs maisons sous le feu de la guerre. Plus de quatre-vingt-dix mille déplacés ont pris la route vers le sud et le centre, certains à pied, d’autres entassés dans des voitures surchargées, emportant ce qu’ils pouvaient : parfois une couverture pour protéger leurs enfants. À leur arrivée dans les zones décrites comme « sûres », ils se sont retrouvés au milieu de routes bondées de déplacés et de tentes éparpillées sur les trottoirs et places publiques, mais aucun lieu ne pouvait accueillir un tel afflux. Les familles dorment au bord des routes, les enfants s’endormant dans les bras de leurs mères, couchés sur le sol glacé, tandis que les pères cherchent désespérément une gorgée d’eau ou un morceau de pain. Les rues ne sont plus des voies de circulation, elles se sont transformées en camps de fortune où la souffrance s’accumule à chaque coin.

Capture d’écran de la vidéo publiée par Haitam où il filme la route qu’il a pris pour fuir vers le sud les bombardements israéliens du nord de Gaza.
Témoignages au cœur de la tragédie
Sur la plage de Nuseirat, une femme déplacée se tient au milieu de ses enfants, le visage enfoui dans ses mains, en pleurs. « J’ai fui la mort au nord, mais je ne sais pas où aller maintenant. Je suis arrivée ici avec mes enfants pour échapper aux bombardements, mais je n’ai ni abri, ni nourriture, ni destination. » Ces mots résument l’histoire de milliers de mères soudain responsables de familles entières après avoir perdu leurs maris sous les décombres ou sur les routes de l’exil. La scène était bouleversante : de jeunes enfants se pressant autour de leur mère, leurs yeux pleins de peur et de faim, s’accrochant à elle comme à leur ultime refuge dans ce monde cruel. Non loin, un vieil homme assis au bord de la route, la tête entre les mains, incapable de se relever, murmurait qu’il avait perdu sa maison et ses enfants, il ne lui restait que deux petits-enfants qu’il ne savait pas comment nourrir ce soir-là. De telles scènes se répètent dans chaque rue et chaque place.
C’est une souffrance multiple : faim, soif, maladie et absence totale d’espoir.
La situation dans le sud n’était déjà pas facile avant l’arrivée de milliers de déplacés. Les habitants souffraient déjà d’un manque d’espace, de ressources et de nourriture. Aujourd’hui, avec l’afflux massif des réfugiés, la vie est devenue presque impossible. L’eau potable est extrêmement rare, et les déplacés doivent patienter des heures dans de longues files pour en obtenir. Le pain est devenu un rêve rare : la production quotidienne ne suffit même pas aux habitants d’origine, à plus forte raison avec la population multipliée. Les tentes dressées à la hâte n’offrent aucune protection contre le froid glacial ni contre la chaleur accablante. Les infrastructures sanitaires sont inexistantes, et les médicaments insuffisants. Des maladies cutanées et respiratoires se propagent dangereusement parmi les enfants, tandis que les médecins sont impuissants faute de traitements et d’équipements.
Au milieu de cette catastrophe, l’lUJFP distribue des repas quotidiens aux déplacés, propose des ateliers de soutien psychologique aux femmes ayant perdu leurs maris ou vivant dans un état de choc permanent. L’organisation s’efforce également de rouvrir des centres éducatifs pour éviter que les enfants ne soient privés d’instruction, et de créer des espaces sûrs pour préserver leur enfance.
Elle distribue des vêtements, des couvertures et tout ce qu’elle peut fournir en produits de première nécessité. Mais malgré ces efforts, l’aide reste dérisoire face à l’ampleur du désastre. Nos équipes travaillent au maximum de leurs capacités, mais nous faisons face à une tragédie qui dépasse les moyens de toute organisation isolée.
Les ateliers de soutien pychologique: un cadeau pour le cœur !
Dans le camp d’Isra, au cœur de Gaza-ville, où les tentes s’entassent les unes sur les autres, trente femmes déplacées portent sur leurs épaules des histoires alourdies par la peur, la perte et la privation des besoins les plus élémentaires de la vie. Les tentes étroites ne leur offrent aucune intimité, et les parois délabrées ne les protègent ni des regards indiscrets ni des lourdeurs de la nuit. Beaucoup d’entre elles ont perdu leur maison, d’autres un être cher ou leur source de revenu.
C’est dans cette atmosphère sombre que l’équipe UJFP a organisé un atelier intitulé : « Guérison et renouveau : soutien psychologique pour les femmes dans le camp de déplacement », avec la participation de ces trente femmes de différents âges et horizons. L’atelier fut semblable à une oasis au milieu d’un désert de souffrance, offrant aux participantes une rare opportunité d’exprimer leurs émotions, de se libérer d’une partie de leur fardeau intérieur et de créer de nouveaux liens humains avec d’autres femmes vivant la même expérience.
L’atelier a commencé par une activité symbolique : « Le panier de mes émotions » . Un petit panier est placé au centre de la salle, et chaque femme doit écrire sur un papier plié un sentiment pesant sur son cœur, puis le déposer dans le panier. L’une d’elles a écrit le mot peur, et en le déposant dans le panier, elle dit d’une voix éraillée : « C’est comme si je le sortais de mon cœur. » Une autre a écrit solitude, puis a dit en souriant : « Aujourd’hui, j’ai compris que je ne suis pas seule. » Le panier s’est transformé en un lieu sacré où déposer le fardeau.
Après ce moment de libération émotionnelle, vint l’activité : « Histoires de résilience venues de nos cœurs ». Les femmes se sont assises en cercle, dans un espace sûr, et ont commencé à partager leurs expériences. Une femme ayant perdu sa maison a parlé, les yeux embués : « Quand ma maison a été détruite, j’ai cru que ma vie s’achevait. Mais en écoutant vos histoires, j’ai compris que la ruine ne tue pas l’âme. » Une jeune fille d’à peine vingt ans s’est levée et a dit avec assurance : « Je suis forte parce que j’aide ma mère et je souris malgré tout. » Les mots étaient des ponts tendus entre les cœurs, reliant trente femmes entre elles et affirmant que la force naît du partage et de la confidence.
Les participantes sont ensuite passées à une autre activité intitulée : « Fenêtre sur l’espoir », où il leur a été demandé de dessiner un symbole qui leur donnait un sentiment d’optimisme. L’une d’elles a dessiné un arbre majestueux qui rappelait son jardin détruit. Une autre a dessiné une porte ouverte comme symbole du rêve du retour. Une troisième s’est contentée d’un soleil radieux et a dit avec un sourire hésitant : « Je veux croire que demain pourrait être lumineux. » Les feuilles blanches se sont transformèes en tableaux remplis de vie et de couleurs, prouvant que l’espoir trouve toujours son chemin, même dans les cœurs les plus épuisés.
Vint ensuite l’exercice méditatif : « Je respire », durant lequel les femmes, assises en cercle, ont été guidées dans une pratique de respiration profonde. L’une d’elles dit à la fin : « J’avais l’impression que ma poitrine était fermée ; aujourd’hui, je l’ai ouverte grâce à l’air. » Une autre a gardé longtemps les yeux fermés après l’exercice, et lorsqu’elle les a rouverts, un éclat brillait dans son regard, comme si elle avait retrouvé une part d’elle-même. Ces quelques minutes furent une renaissance insufflée dans leurs poumons.
Le voyage ne pouvait s’achever sans passer par « le port de la musique ». Les femmes se sont assises en silence ; certaines ont fermé les yeux, d’autres ont laissé échapper un timide sourire, disparu depuis longtemps de leurs visages. Une jeune fille a dit ensuite : « Ce moment m’a fait oublier que j’étais dans un camp, j’avais l’impression d’être de retour dans ma vieille chambre. » La musique a invoqué des souvenirs de sécurité et de sérénité, depuis trop longtemps absents.
Au fil de l’atelier, beaucoup ont exprimé leur besoin d’un temps personnel, ne serait-ce que quelques minutes par jour, pour évacuer cette pression intérieure. L’atelier leur a offert cet espace, même temporaire, mais suffisant pour leur rappeler leur droit à un temps personnel et à s’exprimer sans peur.
Les femmes ont quitté l’atelier en portant avec elles quelque chose de nouveau, absent à leur arrivée : un sentiment d’appartenance et la certitude qu’elles ne sont pas seules dans ce monde brutal. Une participante a dit : « Je me sens plus légère, comme si j’avais déposé un poids de mes épaules. » Une autre, parlant du dessin, a affirmé que les couleurs lui avaient redonné la capacité d’imaginer un avenir meilleur. Une jeune fille a décrit l’atelier comme un cadeau pour le cœur, car il lui fit voir sa force dans de petits détails qu’elle n’avait jamais remarqués auparavant.
Ces ateliers ne sont pas de simples rencontres passagères, mais de véritables projets de sauvetage de l’âme, de la mémoire et de la dignité. Ils redonnent à la femme déplacée sa voix, ses petits rêves et la conviction qu’un lendemain, aussi lointain soit-il, pourra porter une nouvelle lumière.
Photos et vidéos ICI.
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La situation humanitaire a atteint un niveau de folie jamais connu dans l’enclave. Deux millions d’êtres humains se trouvent au bord d’une mort lente : par la faim, par la maladie ou sous les décombres. Les contributions des organisations humanitaires sont cruciales, mais elles ne couvrent qu’une infime partie des besoins. Ce qui est requis aujourd’hui, c’est une mobilisation internationale globale.
Cris vers la communauté internationale
Les voix des déplacés emplissent l’horizon, des cris résonnent entre les tentes et les rues bondées et forment une chorale de douleur et d’appel. Au milieu de la foule, un homme reste figé, abasourdi par l’horreur de la scène. Soudain, il déchire sa chemise de ses propres mains et crie : « Sauvez-nous ou tuez-nous d’un seul coup ! » Un cri qui transperce les cœurs avant même de fendre l’air, cri d’un homme incapable de voir ses enfants mourir de faim, ou de supporter la vue de mères s’effondrant d’épuisement et d’impuissance.
Cette scène résume toute la profondeur de la tragédie. C’est une explosion de douleur et de désespoir, un message adressé à un monde resté sourd, à des puissances internationales qui se contentent de déclarations creuses et froides. Pendant que des enfants meurent sous les yeux de tous, que des femmes implorent du secours, que des hommes sont déchirés par l’impuissance, le silence honteux du monde ne fait qu’aggraver le crime.
Appel ultime
Depuis Gaza déchirée, au milieu des ruines et des rues bondées de déplacés, depuis les gémissements des affamés et les pleurs des enfants, nous lançons cet appel : ô défenseurs de l’humanité, ô consciences vivantes, intensifiez vos efforts, ne laissez pas Gaza affronter seule cette mort lente. Ce qui se passe aujourd’hui est une tache indélébile sur le front de l’humanité tout entière, et l’histoire ne pardonnera pas le silence des lâches. »
Photos et vidéos : Fournir des repas aux familles d’agriculteurs du camp d’Al-Fajr / Programmes éducatifs
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025 (partie 1 à 268) Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 5 janvier au 9 mai 2025 (partie 269 à 392)
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Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFP, Altermidi et sur Le Poing.