Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 512 / 6.9 – Gaza-ville : des ruines fumantes"
Brigitte Challande, 7 septembre 2025.- Alors qu’on peut lire sur tous les médias que l’armée israélienne détruit les dernières tours de la ville de Gaza, Abu Amir décrit les effets de ces destructions.
« Hier et aujourd’hui, Gaza est devenue une plaie ouverte, s’éveillant au bruit des obus et tentant – si possible – de s’endormir sur les cris des endeuillés. La situation sécuritaire dans la bande est sortie de l’ordinaire, au point qu’il n’y a plus de place pour la sécurité, ni même l’ombre d’une quiétude. La ville, dans toute son étendue, s’est transformée en un vaste champ de bataille, après que l’armée israélienne a déclaré la ville de Gaza zone d’opérations militaires dangereuse, appelant ses habitants à l’évacuer immédiatement.
Cette déclaration n’était pas de simples paroles passagères, mais le début d’une vague de terreur qui s’est abattue sur les têtes des innocents. Elle s’est accompagnée du ciblage de maisons habitées et de la frappe d’une tour résidentielle en plein centre-ville. Les cartes publiées à l’avance ressemblent à des décrets annonçant des fins collectives, puisqu’il y est clairement indiqué que les immeubles résidentiels de Gaza seront détruits les uns après les autres. Face à cette réalité, il ne reste plus aux habitants de Gaza que l’exode, quitter une ville qui ne ressemble plus à une ville, mais à des ruines fumantes.
Gaza, autrefois animée par la vie de ses rues et de ses marchés, s’est enfoncée dans un chaos généralisé. Des milliers de familles, emportées par la peur avant même d’avoir pris leurs affaires, se sont dirigées vers le centre et le sud de la bande, cherchant un lieu sûr, un coin pour échapper à la mort. Mais ni le centre ni le sud ne peuvent contenir cette vague massive de déplacés. Les maisons y sont pleines à craquer, les écoles et les mosquées débordent de réfugiés. Les routes se sont retrouvées encombrées de camions stationnés sur les bas-côtés, tandis que des milliers de déplacés dorment à même le sol, sous le ciel, ou sur la plage, comme nus face à un destin impitoyable.
La scène est difficile à décrire. Hommes, femmes et enfants à découvert, visages jaunis par la peur, corps épuisés incapables de continuer à marcher. Certains tirent une petite valise, tout ce qui leur reste d’une vie de plusieurs décennies. D’autres portent un enfant, sans savoir vers où le conduire. Quant à ceux restés à Gaza-ville, ils sont comme enfermés dans une pièce en flammes. Beaucoup n’ont pas l’argent nécessaire pour se déplacer vers le sud ; ils restent figés dans les rues, pleurant en silence ou criant de désespoir. Les larmes ne sont plus l’apanage des femmes et des enfants : même les hommes hurlent, impuissants, n’ayant plus aucun contrôle sur leur destin.
En quelques instants, la ville est devenue un miroir de la tragédie : des tours qui s’effondrent sur leurs habitants, des rues bondées de déplacés, des appels au secours déchirant le ciel. Quand la nuit tombe, le spectacle devient encore plus cruel : l’obscurité recouvre des visages qui ont tout perdu, sauf leur résistance. Certains allument une bougie dans un coin abandonné, d’autres se blottissent sur le sable au bord de la mer, cherchant une chaleur introuvable, une sécurité différée.
Les enfants – ceux qui paient le prix le plus fort – fixent leurs parents, les interrogeant du regard : Où allons-nous ? Que va-t-il se passer ensuite ? Les pères n’ont d’autre réponse que le silence, ou une larme cachée dans l’obscurité. Quant aux vieillards qui ont déjà survécu à plusieurs guerres, ils s’assoient au bord des routes, la tête entre les mains, incapables de comprendre que la catastrophe d’aujourd’hui dépasse tout ce qu’ils ont vécu.
Au fil des heures de l’exode, la confusion s’est intensifiée. Camions surchargés d’êtres humains, voitures bloquées dans des routes saturées, mères portant leurs enfants et marchant sur de longues distances. Chacune de ces scènes résume à elle seule une histoire entière d’un peuple luttant pour sa survie.
Mais le plus amer est que beaucoup ne savent pas où aller. Même ceux arrivés au sud ou au centre se retrouvent sans abri, dormant à même le sol, sous le ciel. Certains s’installent sur le sable au bord de la mer, d’autres sur les routes, sans aucun signe de répit. Les pleurs emplissent l’air, mêlés aux cris d’hommes appelant leurs familles ou maudissant l’impuissance et l’abandon.
C’est un moment historique douloureux, un moment où la solidité de l’être humain est mise à l’épreuve face à une épreuve insupportable. À Gaza, la vie elle-même est devenue un combat. Un combat pour survivre, pour obtenir une gorgée d’eau, un abri provisoire, ou simplement un sentiment de sécurité, ne serait-ce que pour une heure.
Et au milieu de cette obscurité, une seule image reste gravée dans la mémoire de tous ceux qui la voient : des gens quittant leurs maisons sans se retourner, comme s’ils savaient que ce qu’ils laissent derrière eux n’existera plus à leur retour. Des visages marqués par la peur, des yeux fixés vers l’inconnu, et des voix résonnant à l’horizon : « Où fuir ? »
Gaza aujourd’hui n’est pas seulement une ville assiégée par les bombes, c’est une plaie ouverte au cœur du monde, pour chaque être humain qui connaît le sens de l’humanité. Elle est le témoignage d’une tragédie qui se répète, mais cette fois avec plus de cruauté, car elle a arraché aux gens même la capacité de supporter. Pourtant, sous les décombres, bat encore quelque chose qu’on appelle l’espoir : espoir que les enfants survivent, que les exilés se rassemblent, que la vie reprenne un jour. »
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
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Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFP, Altermidi et sur Le Poing.