Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 462 / 14 juillet – Pour un référendum mondial de la conscience humaine, cessez-le-feu à Gaza !

Brigitte Challande, 15 juillet 2025.- Le 14 juillet, jour de fête nationale en France… pourquoi pas pour la paix et la justice ? Abu Amir réfléchit sur ce que représente un cessez-le-feu pour les habitants de Gaza.

« Le cessez-le-feu pour les habitants de Gaza n’est pas simplement un accord politique entre deux parties ni une accalmie temporaire annoncée lors d’une conférence de presse. C’est, dans son essence, un rêve de vie, un cri humain enfoui sous les décombres. C’est le rêve d’un enfant qui a tremblé des nuits entières au son des bombardements, le souhait d’une mère qui n’a pas dormi depuis des jours, de peur qu’un missile ne frappe sa maison. C’est le droit de vivre sans que la vie soit interrompue par le vrombissement des avions, les cris des blessés ou les nouvelles des morts.

Pour les Gazaouis, un cessez-le-feu est un rare moment de calme dans une ville habituée à la mort, une occasion d’embrasser leurs enfants sans peur, d’observer le coucher du soleil sans fumée ni hurlements. C’est la reconquête du sentiment le plus simple de sécurité, celui qui leur a tant manqué dans les guerres répétées qui ont envahi leurs foyers et brisé leurs rêves sans pitié. Le cessez-le-feu porte une dimension profondément humaine, car il rend aux habitants de Gaza le sentiment d’exister en tant qu’êtres humains, et non comme de simples chiffres dans les bulletins d’information. C’est un sentiment d’appartenance à un monde qui reconnaît encore leur droit à la survie, ne serait-ce que pour quelques heures.

Sur le plan psychologique et social, les effets de la guerre ne se limitent pas aux blessures physiques ; ils pénètrent jusque dans les profondeurs de l’âme. Les enfants qui ont grandi au son des explosions souffrent de troubles de stress post-traumatique, de peur constante, et d’un manque total de sentiment de sécurité. Beaucoup d’entre eux n’ont jamais connu un seul jour « normal » dans leur vie. Le cessez-le-feu devient alors une nécessité psychologique avant même d’être une revendication politique. Il ouvre une porte, même étroite, vers une possible guérison.

Les jeunes de Gaza perdent leurs ambitions à cause de la violence continue. La guerre leur vole non seulement leurs familles et leurs maisons, mais aussi leurs rêves d’un avenir meilleur. Le cessez-le-feu leur donne l’espace nécessaire pour se relever, une chance de reprendre leur souffle, de soigner leurs blessures et de reconstruire leurs âmes brisées par les coups de la guerre. Il allège les tensions sociales et familiales exacerbées par les pressions psychologiques cumulées, ce qui aide la société à retrouver un peu de cohésion.

Sur le plan économique, Gaza subit un blocus étouffant depuis de nombreuses années, ce qui a rendu son économie extrêmement fragile, dépendant largement de l’aide humanitaire. À chaque guerre, les infrastructures subissent des destructions massives : les usines sont démolies, les projets interrompus, et des milliers de familles perdent leur source de revenu. Un cessez-le-feu représente une potentielle nouvelle étape – même limitée – de relance économique : ouverture des points de passage pour faire entrer matériaux de construction et carburant, relance des petits projets, retour de l’activité commerciale sur les marchés locaux.

Le cessez-le-feu est aussi un rayon d’espoir pour des milliers de diplômés sans emploi, qui pourraient, dans un contexte de calme relatif, avoir une opportunité. L’économie ne peut prospérer sous les bombes, et les investissements – qu’ils soient locaux ou étrangers – sont impossibles sans sécurité. Une stabilisation, même temporaire, pourrait stimuler certaines initiatives de la vie civile et redonner vie à des rues vidées de toute activité, si ce n’est les ambulances et le bruit des ruines.

Politiquement, un cessez-le-feu représente un signe qu’un horizon diplomatique, même limité, reste envisageable. C’est un véritable test de la volonté des acteurs internationaux à faire pression pour des solutions justes et durables, au lieu de simplement faire taire les armes temporairement. C’est aussi un message adressé au monde : le peuple palestinien, et plus particulièrement celui de Gaza, n’est pas une entité oubliée dans ce conflit, mais un peuple digne, porteur de droits et de revendications.

À chaque trêve, les familles de Gaza attendent des positions concrètes de la communauté internationale, qui dépassent les simples condamnations verbales pour aller vers des mesures tangibles protégeant les civils et évitant la répétition du drame. Mais les Gazaouis ont appris, par l’expérience, que ces trêves sont souvent fragiles, et que la politique ne suffit pas sans justice et équité véritables. Ainsi, le cessez-le-feu doit être une porte vers un traitement des causes profondes du conflit, au premier rang desquelles figurent l’occupation, l’agression et le blocus, et non une simple pause avant une nouvelle escalade de violence.

Malgré tout l’espoir qu’un cessez-le-feu puisse susciter, une inquiétude permanente habite les cœurs à Gaza : et après ? Est-ce une véritable trêve, ou juste une courte pause avant une nouvelle vague de destruction ? Les habitants de Gaza ont vécu ce scénario à maintes reprises, au point qu’ils hésitent à se réjouir ou à réagir positivement aux nouvelles prometteuses, de peur qu’elles ne se transforment rapidement en nouveau cauchemar. La confiance est absente, et la réalité prouve que la paix à Gaza est aussi fragile qu’un filet de fumée, prêt à se dissiper à tout instant.

Cependant, ils n’ont pas le luxe de baisser les bras. Ils plantent l’espoir dans le cœur de leurs enfants, leur apprennent que demain peut être meilleur, même s’ils ne le verront peut-être pas eux-mêmes. Le cessez-le-feu est donc autant une opportunité qu’une responsabilité – que le monde entier doit assumer et protéger, afin qu’il devienne plus qu’une simple accalmie, mais plutôt le début d’une nouvelle phase plus juste et plus stable.

Le cessez-le-feu à Gaza n’est pas seulement la fin d’une guerre, mais le début d’un long rêve de paix véritable. Une paix qui ne repose pas seulement sur le silence des armes, mais sur une justice qui restitue aux habitants leur droit, et qui garantit la dignité de l’être humain palestinien. C’est la première étape d’un long chemin, mais un chemin qu’il faut absolument emprunter si le monde veut vraiment mettre fin à ce conflit chronique.

Gaza ne demande pas l’impossible. Elle demande simplement à être traitée comme les autres peuples de la terre : que ses habitants puissent vivre en sécurité dans leurs foyers, que ses enfants aillent à l’école sans peur, et que les portes de l’espoir leur soient ouvertes, et non celles des cimetières. Le cessez-le-feu est, en son essence, un référendum mondial sur la conscience humaine : le Palestinien est-il encore perçu comme un être humain ? La vie à Gaza mérite-t-elle encore d’être protégée ? La réponse ne réside pas dans les mots, mais dans les actes, dans les décisions courageuses qui mettront fin à la souffrance et donneront à ce peuple opprimé une réelle chance de vivre dignement, après des décennies d’oppression, de sang et d’abandon. »

* * *

En fin de journée, Abu Amir décrit l’état de désespoir de la population gazaouie qui oscille encore une fois entre attente d’un accord et effondrement des espoirs.

« La bande de Gaza vit aujourd’hui un état de profond découragement qui plane sur tous les aspects de la vie quotidienne de ses habitants. Cela fait suite à un net recul des signes positifs qui avaient récemment suscité un mince espoir quant à la possibilité d’un accord d’échange ou d’une trêve mettant fin à l’engrenage de la guerre et des souffrances continues. Malgré une lueur d’espoir apparue ces dernières semaines, le blocage des négociations politiques et la multiplication des déclarations contradictoires des parties concernées ont plongé les habitants du territoire dans un état d’attente mêlée de frustration et de désespoir.

Depuis le début de la dernière guerre contre Gaza, la population guettait avec ferveur tout signe d’ouverture politique ou de progrès réel dans les négociations menées par des médiations régionales et internationales, notamment celles de l’Égypte et du Qatar. À chaque déclaration d’un responsable israélien ou international évoquant une avancée, les Gazaouis s’accrochaient à l’espoir comme à une bouffée d’air, surtout face aux conditions humanitaires dramatiques qu’ils subissent. Mais ces signes d’espoir se sont progressivement estompés avec le retour d’un discours de confrontation, les mentions répétées de « complications », de « revendications irréalistes » et de « conditions inacceptables », ce qui a provoqué une déception généralisée parmi la population.

Le désespoir à Gaza ne vient pas seulement du blocage de l’accord, mais d’un profond sentiment d’impuissance collective. La guerre a détruit les infrastructures, fauché la vie de milliers de civils, et déplacé des centaines de milliers de personnes. Les services essentiels comme l’eau, l’électricité ou les soins médicaux sont devenus presque inexistants. Face à cette réalité brutale, les habitants ne parviennent plus à mener une vie normale. Espérer survivre est devenu un luxe hors de portée pour beaucoup, sans parler de rêver à la stabilité ou à un avenir meilleur.

Dans le flou qui entoure les positions régionales et internationales, les habitants de Gaza ont l’impression d’être oubliés, que leur souffrance est devenue une pièce d’un jeu politique plus vaste dans lequel ils n’ont aucun pouvoir. Cette absence de perspective politique et la stagnation des négociations rendent tout espoir de solution proche quasiment illusoire. Par ailleurs, les craintes grandissent que la guerre ne s’éternise davantage, ou que l’accord, s’il voit le jour, soit limité ou jugé injuste par certaines parties, ce qui ne ferait qu’accentuer le désespoir collectif et les tensions internes.

Les effets du désespoir sont clairement visibles dans le comportement social à Gaza. Le stress psychologique est en hausse, et des signes de désintégration sociale commencent à émerger sous l’effet des pressions énormes subies par les individus et les familles. Les écoles sont fermées, les enfants privés d’éducation et de jeux, et les adultes épuisés par l’inquiétude et l’attente constante. Beaucoup de familles n’ont plus rien à cuisiner, les médicaments sont introuvables, et le chômage atteint des niveaux records. Cette réalité engendre un sentiment généralisé d’injustice et d’abandon, que ce soit de la part de la communauté internationale ou des différentes parties palestiniennes elles-mêmes.

Dans un tel climat, il devient urgent de promouvoir un discours médiatique et politique réaliste et responsable — un discours qui ne surestime pas les attentes et qui ne laisse pas la population dans l’obscurité des rumeurs et informations imprécises. Les habitants de Gaza ont droit à la clarté. Ils ont besoin qu’on leur parle honnêtement de la nature de la phase actuelle et des délais plausibles pour tout règlement. Nourrir des illusions ne fait qu’amplifier la déception lorsque l’espoir s’effondre, et renforce le sentiment de trahison et d’abandon.

La bande de Gaza se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins, dans un moment critique où la souffrance s’aggrave et les espoirs s’amenuisent. Face à ce tableau tragique, il est impératif qu’une intervention réelle et efficace voie le jour — une intervention qui ne se limite pas à des déclarations, mais qui se traduise par des actions concrètes sur le terrain : arrêt des hostilités, aide humanitaire immédiate, et travail sérieux en vue d’un accord juste et global qui rende la vie aux habitants du territoire.

Le désespoir n’est pas un simple sentiment : c’est une condition existentielle de plus en plus dangereuse, qui risque d’éroder ce qui reste de résilience humaine à Gaza — à moins que des mesures urgentes et responsables ne soient prises. »


Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :

*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.

*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.

Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.

Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025 (partie 1 à 268)

Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 5 janvier au 9 mai 2025 (partie 269 à 392)

Partie 393 : 10 mai. Partie 394 : 11 mai. Partie 395 : 11 mai (1). Partie 396 : 12 mai. Partie 397 : 13 mai. Partie 398 : 14 mai. Partie 399 : 15 mai. Partie 400 : 16 mai. Partie 401 : 16 mai (1). Partie 402 : 17 mai. Partie 403 : 18 mai. Partie 404 : 18 mai (1). Partie 405 : 20 mai. Partie 406 : 21 mai. Partie 407 : 22 mai. Partie 408 : 22 mai (1). Partie 409 : 23 mai. Partie 410 : 24 mai. Partie 411 : 25 mai. Partie 412 : 25 mai (1). Partie 413 : 27 mai. Partie 414 : 27 mai (1). Partie 415 : 28 mai. Partie 416 : 29 mai. Partie 417 : 30 mai. Partie 418 : 1er juin. Partie 419 : 1er juin (1). Partie 420 : 31 mai et 2 juin. Partie 421 : 2 juin (1). Partie 422 : 3 juin. Partie 423 : 4 juin. Partie 424 : 5 juin. Partie 425 : 6 juin. Partie 426 : 6 juin (1). Partie 427 : 7 juin. Partie 428 : 8 juin. Partie 429 : 9 juin. Partie 430 : 10 juin. Partie 431 : 11 juin. Partie 432 : 12 juin. Partie 433 : 13 juin. Partie 434 : 14 juin. Partie 435 : 15 juin. Partie 436 : 16 juin. Partie 437 : 17 juin. Partie 438 : 18 juin. Partie 439 : 19 juin. Partie 440 : 20 juin. Partie 441 : 21-22 juin. Partie 442 : 24 juin. Partie 443 : 25 juin. Partie 444 : 26 juin. Partie 445 :  : 27-28 juin. Partie 446 : 27 juin. Partie 447 : 30 juin. Partie 448 : 1er juillet. Partie 449 : 2 juillet. Partie 450 : 2 juillet(1). Partie 451 : 3 juillet. Partie 452 : 4 juillet. Partie 453 : 5 juillet. Partie 454 : 6 juillet. Partie 455 : 7 juillet. Partie 456 : 7 juillet (1). Partie 457 : 9 juillet. Partie 458 : 10 juillet. Partie 459 : 11 juillet. Partie 460 : 12 juillet. Partie 461 : 13 juillet.

Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFPAltermidi et sur Le Poing