Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 460 / 12 juillet – Aborder « le lendemain de la guerre » en séance de soutien psychologique"
Brigitte Challande, 13 juillet 2025. C’est le thème du compte rendu de l’atelier de soutien psychologique dans le camp d’Al Isra cette fin de semaine : « premières étapes vers la guérison et la reconstruction ».
« Au cœur de la ville meurtrie de Gaza, parmi les décombres des maisons et les souvenirs laissés par la guerre, les équipes de l’UJFP poursuivent leur travail vital de diffusion de l’espoir et de création d’espaces psychologiques sûrs pour ceux et celles affectés par le conflit. Alors que les sons des bombardements résonnent encore dans les mémoires, et que les détails des pertes sont gravés dans les cœurs, une pause humaine s’imposait pour redéfinir le sens du mot « continuer » dans la vie des habitants de cette terre sinistrée. 25 femmes déplacées vivant dans le camp d’Al-Isra, en plein centre de Gaza ont participé à cette séance, une fenêtre ouverte sur la faible lumière au bout d’un long tunnel de douleur.
Les femmes se sont assises en cercle, tenant entre leurs mains des feuilles blanches, symboles d’un nouveau départ. « Ce que nous allons entamer aujourd’hui n’est pas un traitement, mais un espace pour vos cœurs chargés, un moment pour respirer, pour se souvenir que vous n’êtes pas seules. »
Que nous a laissé la guerre ? Chaque participante devait choisir un mot pour décrire ce qu’elle ressentait depuis le début de la guerre. Les mots évoqués furent : perte, peur, vide, douleur, silence, désespoir.La voix de Oum Mohamed :« J’ai perdu deux de mes fils. Je ne vois plus le soleil le matin, ni les étoiles la nuit. Tout est devenu terne. »
Ces mots furent une étincelle déclenchant une vague de larmes, mais ils ouvrirent aussi la voie pour que les autres femmes partagent leurs histoires. Rana raconta comment elle avait fui sous les bombes avec ses trois enfants, pieds nus, sans nourriture ni destination : « Je portais mon bébé dans une main, et ma peur dans l’autre. »
Le mur de la douleur Des feuilles de papier colorées ont été distribuées aux participantes, sur lesquelles elles devaient écrire leurs émotions négatives : colère, peur, impuissance, culpabilité, regrets… Ces feuilles furent ensuite collées sur un grand panneau au centre de la salle, initialement appelé le mur de la douleur. Après un long silence, l’équipe proposa de renommer ce mur le mur de la reconnaissance, car reconnaître sa douleur est la première étape vers la libération.
Leïla dit en y apposant sa feuille : « Je suis en colère… contre le monde, contre la mort, contre moi-même qui n’ai pas pu sauver ma fille. »
Ce que la guerre nous a appris Un dialogue de groupe a ensuite été engagé pour mettre en lumière les forces que les participantes avaient manifestées durant la crise. Chacune devait évoquer un moment où elle s’était sentie forte, malgré la douleur.
Salma, une femme d’une cinquantaine d’années, dit : « Quand j’ai caché les enfants de mon voisin sous mon lit pendant les bombardements, j’ai senti que mon cœur était plus fort que la peur. Je ne savais pas que j’étais aussi courageuse. » Ce moment marqua un tournant dans la séance. Les visages commencèrent à exprimer un peu de confiance, comme si les mots formaient un pont entre la douleur et l’espoir.
Le concept de guérison – Par où commencer ? L’équipe présenta une définition simple du processus de guérison, insistant sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’oublier la douleur, mais d’avancer malgré elle. La reconstruction commence par une petite action, même insignifiante en apparence.« Une petite étape chaque jour : nettoyer un coin de votre tente, planter une fleur, appeler une amie… tout cela contribue à reconstruire du sens. »
Mon premier pas – Un projet de renaissance Des petites cartes ont été distribuées aux participantes, sur lesquelles elles devaient écrire leur premier pas vers la guérison et la reconstruction.
Hala écrivit : « Je chercherai mon amie, perdue lors du déplacement… Je croyais qu’elle était morte, mais mon cœur me dit qu’elle a survécu. Je veux la revoir. » Souad nota : « Je vais commencer à coudre des vêtements à partir de morceaux de tissu… Je veux me sentir capable de créer à nouveau. »
Qui me soutient ? – Carte du réseau de soutien L’équipe dessina un schéma simple au tableau représentant un réseau de soutien. Les femmes devaient identifier celles et ceux qui les soutiennent aujourd’hui, et celles et ceux qu’elles pourraient soutenir. Cet exercice fut douloureux pour certaines, qui avaient perdu tous ceux qu’elles considéraient comme leur filet de sécurité, mais il ouvrit aussi des perspectives de reconstruction de ce réseau, ne serait-ce qu’avec les voisins ou les équipes communautaires. Oum Abderrahmane dit : « Il ne reste plus personne… mais j’ai décidé de faire partie du réseau de soutien de mes voisins. Peut-être puis-je être leur pilier, comme j’aurais voulu qu’on soit le mien. »
Lueur d’espoir – Le rêve qui persiste Les lumières de la salle furent éteintes quelques instants, et une petite bougie fut allumée au centre. Chaque participante fut invitée à s’approcher pour exprimer un souhait qu’elle espérait voir se réaliser prochainement.
Noura dit : « J’aimerais que mon fils disparu revienne… et s’il ne revient pas, j’aimerais au moins savoir où il est, pour pouvoir lui rendre visite en rêve. » Une autre dit : « Je veux planter du jasmin près de la tente, pour que les enfants sachent qu’il existe d’autres parfums que celui de la poudre. »
La séance psychologique fut bien plus qu’une intervention communautaire : ce fut un moment profondément humain dans un temps de ruine. À travers la libération des émotions et les activités interactives, les femmes ont compris que la douleur ne s’efface pas, mais peut être accueillie, comprise, puis transformée en moteur pour avancer.
« La guérison n’est pas la fin de la guerre… mais notre nouveau commencement avec elle. »
Photos et vidéos ICI.
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
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Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFP, Altermidi et sur Le Poing.