Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 528 / 22.9 – Analyse de la reconnaissance de la Palestine"
Brigitte Challande, 23 septembre 2025.– En ce lundi 22 Septembre, jour de la reconnaissance de l’Etat de Palestine par E. Macron à l’ ONU, Abu Amir nous envoie son analyse de la reconnaissance croissante de l’État de Palestine et les transformations internationales vis-à-vis d’Israël.

« Alors c’est ça la Palestine ?! Non merci.« , écrit Sarah Zaqout de Gaza, sur son compte X.
« Le monde a récemment été témoin d’un changement notable dans les positions internationales à l’égard de la cause palestinienne. Des pays européens, ainsi que d’autres issus de différentes régions, ont commencé à annoncer leur reconnaissance officielle de l’État de Palestine. Cette reconnaissance ne peut être perçue comme un simple geste symbolique ou formel ; elle reflète des mutations politiques et géopolitiques profondes dans le système mondial, ainsi qu’une prise de conscience croissante que la poursuite de l’occupation israélienne n’est plus acceptable ni viable au regard des normes internationales et des droits de l’homme. Cet article tentera d’explorer les raisons de ces reconnaissances, pourquoi elles interviennent précisément à ce moment, quels facteurs ont poussé l’Europe et d’autres régions du monde à modifier leur politique envers Israël, et quelles pourraient être les répercussions de ces évolutions dans un avenir proche et lointain.
I. Contexte historique de la reconnaissance de la Palestine
Depuis la proclamation d’indépendance palestinienne en Algérie en 1988, plus de 130 pays ont reconnu la Palestine comme un État indépendant. Cependant, l’Europe et les États-Unis ont longtemps hésité, insistant sur le principe selon lequel la reconnaissance devait être l’aboutissement de négociations directes entre Palestiniens et Israéliens. Cette position a offert à Israël une grande marge de manœuvre pour retarder le processus de paix, tout en poursuivant la colonisation et en maintenant l’occupation sans réelle responsabilité. Mais les récentes reconnaissances par des pays européens centraux tels que l’Espagne, l’Irlande, la Norvège, et l’intention de pays comme la France ou la Belgique d’envisager cette étape, représentent un tournant majeur. Elles proviennent de l’intérieur même du bloc occidental, historiquement perçu comme un soutien fidèle d’Israël.
II. Pourquoi maintenant ? Pourquoi l’accélération de ces reconnaissances précisément à ce moment ?
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La guerre à Gaza et le tournant moral
La dernière guerre contre Gaza a marqué un point de rupture dans l’opinion publique mondiale. Les images atroces des victimes civiles, en particulier des femmes et des enfants, ont poussé de nombreuses sociétés occidentales à exiger de leurs gouvernements des positions plus fermes contre Israël. Les massacres, largement documentés, ne peuvent plus être justifiés par le discours de la « légitime défense ». -
L’échec de la solution classique à deux États
Après trois décennies de négociations vaines, il est devenu évident qu’Israël n’a aucune intention de permettre l’émergence d’un véritable État palestinien. Au contraire, l’expansion des colonies et l’annexion progressive des territoires visent à anéantir cette perspective. Ainsi, certains pays considèrent la reconnaissance de la Palestine comme un moyen de rétablir un équilibre politique et d’opposer un contrepoids aux politiques israéliennes. -
Les transformations géopolitiques mondiales
Le système international est désormais marqué par une compétition entre plusieurs pôles : les États-Unis ne sont plus l’unique acteur dominant, tandis que la Chine et la Russie gagnent en influence. L’Europe, de son côté, cherche à affirmer une identité politique plus indépendante. La reconnaissance de la Palestine peut être interprétée comme une étape dans ce repositionnement, en s’éloignant de l’alignement automatique sur les choix américains. -
Les pressions internes
Les partis progressistes et les mouvements de la société civile européenne se montrent de plus en plus audacieux dans leur soutien à la Palestine. Des manifestations ont lieu dans les universités, les syndicats publient des communiqués de solidarité, et certains partis au pouvoir doivent répondre à ces pressions pour éviter de perdre leur base électorale.
III. Pourquoi l’Europe a changé ?
L’Europe s’est longtemps présentée comme un médiateur « équilibré » entre Israéliens et Palestiniens, alors qu’en réalité elle se rapprochait souvent des positions israéliennes, notamment à cause du poids de la Shoah et du sentiment de culpabilité historique envers les Juifs. Toutefois, plusieurs facteurs expliquent l’évolution actuelle
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Une nouvelle génération de responsables politiques qui ne porte plus le même fardeau émotionnel lié au passé européen.
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Le coût moral croissant de la défense d’Israël face aux crimes de guerre documentés.
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Le déclin de l’influence américaine, qui freinait toute initiative européenne autonome.
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La prise de conscience, dans les sociétés européennes, que le « deux poids, deux mesures » (soutenir l’Ukraine contre la Russie tout en ignorant la Palestine) mine gravement la crédibilité internationale de l’Europe.
IV. La position des États-Unis
Les États-Unis s’opposent toujours aux reconnaissances européennes de la Palestine, mais ils se retrouvent de plus en plus isolés. Même au sein du Congrès, certaines voix commencent à réclamer une révision du soutien inconditionnel à Israël. Néanmoins, le lobby israélien reste puissant, et il est peu probable que Washington modifie sa position à court terme.
V. Les répercussions futures
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La Palestine sur la voie de l’adhésion pleine et entière à l’ONU
Avec l’augmentation des reconnaissances européennes, il deviendra difficile pour la communauté internationale d’ignorer la Palestine comme État. L’étape suivante pourrait être une pression renouvelée pour obtenir une adhésion complète à l’ONU, bien que le veto américain demeure un obstacle majeur. -
Un isolement croissant pour Israël
Israël a longtemps bénéficié de l’image de « seule démocratie du Moyen-Orient ». Mais la persistance de ses crimes rapproche désormais son image de celle d’un régime d’apartheid, comme ce fut le cas de l’Afrique du Sud. Les reconnaissances de la Palestine signifient concrètement le début d’un encerclement politique d’Israël. -
Un renforcement de la position palestinienne
Ces reconnaissances offrent à la direction palestinienne une légitimité supplémentaire et pourraient raviver les institutions palestiniennes sur la scène internationale, surtout si elles s’accompagnent de réformes internes et d’une réorganisation politique. -
Des pressions économiques à venir
À l’instar du régime d’apartheid sud-africain, ces reconnaissances pourraient évoluer vers des boycotts économiques ou des sanctions ciblées contre les colonies et les entreprises qui les soutiennent.
VI. Mon point de vue personnel
À mon avis, ces reconnaissances ne constituent pas une fin en soi, mais le début d’un tournant historique. Le monde commence à réaliser que la négligence prolongée de la question palestinienne menace la stabilité régionale et mondiale. De plus, grâce aux réseaux sociaux, les peuples ne permettent plus à leurs gouvernements de manipuler la vérité. Cependant, il faut rester attentif au fait qu’Israël pourrait réagir par une escalade militaire ou politique pour entraver ce processus, voire tenter d’entraîner la région dans des affrontements plus larges afin de détourner l’attention des pressions internationales.
VII. Les scénarios possibles
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Scénario positif : les reconnaissances s’étendent à la majorité de l’Europe, ouvrant la voie à une campagne internationale visant à traduire Israël devant la Cour pénale internationale.
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Scénario négatif : Israël réussit, grâce à son influence aux États-Unis, à bloquer toute nouvelle dynamique politique, et le statu quo perdure avec des flambées récurrentes de violence.
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Scénario intermédiaire : les reconnaissances se poursuivent mais demeurent largement symboliques, tant qu’elles ne s’accompagnent pas de mesures concrètes comme des boycotts ou des sanctions.
Conclusion
Ce que nous observons aujourd’hui n’est pas une simple conjoncture politique passagère, mais peut-être le début de la fin d’une longue ère de complaisance internationale envers l’occupation israélienne. Les reconnaissances de la Palestine constituent une étape vers la justice, mais elles nécessitent encore d’autres accumulations pour devenir une réalité tangible sur le terrain. Je pense que les prochaines années verront davantage de reconnaissances, plaçant Israël dans une position défensive inédite. Toutefois, la bataille ne se jouera pas seulement sur le plan politique : elle exige également une unité palestinienne interne, une résistance populaire sur le terrain et une détermination internationale à rejeter les politiques d’occupation. »
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
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Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFP, Altermidi et sur Le Poing.