Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 459 / 11 juillet – l’anéantissement de Khan Younis

Brigitte Challande, 12 juillet 2025. Un texte d’Abu Amir, le 11 juillet, sur l’anéantissement d’une autre ville de Gaza : Khan Younis

« Dans la bande de Gaza, la tragédie n’a plus besoin de caméras ni de rapports d’organisations internationales pour être racontée. Elle parle d’elle-même, écrite sur les murs des maisons détruites, gravée sur les visages des déplacés errant entre les ruines des tentes, sous le fracas des bombes. Dans chaque recoin de la bande, c’est la même histoire : faim, déplacement, mort, et une quête désespérée d’un abri qu’on ne trouve jamais.

Les tentes qui abritaient des déplacés incendiées par l’armée israélienne génocidaire dans le quartier de Al-Maslakh, à Khan Younis (source) (vidéo)

Gaza traverse aujourd’hui l’un des moments les plus sombres de son histoire, alors que les incursions israéliennes s’intensifient à un rythme sans précédent. Le tableau d’aujourd’hui ne ressemble pas aux autres journées sanglantes que le territoire a connues ; les chars de l’occupation ont pris d’assaut les tentes des déplacés à l’ouest de Khan Younès, précisément dans la zone de l’abattoir — une zone prétendument « sûre » ou « humanitaire », mais qui s’est transformée en un nouveau théâtre de destruction et de massacres. Les déplacés n’ont emporté que leurs vêtements sur leurs corps épuisés, fuyant des bombes qui ne distinguent ni enfant, ni femme, ni vieillard, ni malade.

Des milliers de personnes ont été déplacées depuis la région de Batin al-Samin, au sud-ouest de Khan Younès, une zone déjà surpeuplée de déplacés, ajoutant ainsi un nouveau chapitre sombre à une tragédie sans fin. Il ne s’agit plus seulement de chiffres ou de statistiques. Ce déplacement est celui de l’âme quittant le corps, de la dignité fuyant la vie. Il signifie concrètement que pas moins de cent mille Palestiniens sont déplacés de force vers une étroite bande côtière, semblable à une prison à ciel ouvert, sans moyens de subsistance, sans farine, sans eau, sans les conditions minimales pour survivre.

Et cette incursion n’est pas seulement militaire, mais profondément inhumaine dans sa cruauté : elle a arraché à la ville de Khan Younès son âme. L’hôpital Nasser, principal établissement de santé de la ville, est désormais hors service, tout comme l’hôpital Al-Amal. Des gens meurent dans les rues, non pas parce que les bombes les ont visés, mais parce que le monde a choisi de se taire, de détourner le regard face à ce génocide commis au vu et au su de toute l’humanité.

VIDEO de la dévastation laissée par l’armée israélienne génocidaire après son départ d’un quartier de Khan Younis

VIDEO de la profanation d’un cimetière, toujours dans ce même quartier.

La zone d’Al-Mawasi — l’un des derniers endroits considérés comme « sûrs » — rétrécit jour après jour sous les bombardements. Il n’y a plus un seul coin paisible à Khan Younès ; la ville entière est désormais sous le feu de l’occupation, même les cimetières n’échappent pas aux bulldozers. Les tentes sont rasées, les tombes des morts sont profanées, comme si les morts eux-mêmes n’avaient plus droit au repos.

L’armée d’occupation a annoncé, par la voix de son porte-parole, avoir attaqué plus de 180 cibles à travers la bande de Gaza au cours des dernières 24 heures, sans préciser si ces cibles étaient des tentes, des hôpitaux ou des maisons avec leurs habitants à l’intérieur. Ce qui se passe à Khan Younès n’est pas une simple opération militaire ; c’est une répétition de ce qui s’est produit à Rafah, une copie conforme d’un génocide, d’un déplacement forcé, de la transformation d’une ville habitée en un champ de ruines.

Les habitants de Gaza ne demandent pas grand-chose aujourd’hui. Ils veulent simplement que cessent les massacres, que prenne fin l’extermination, que leurs enfants puissent survivre à cet enfer à ciel ouvert. Ils ne réclament même pas un toit sur leurs têtes, mais seulement que le ciel cesse de leur déverser la mort, que la terre cesse d’engloutir leurs proches.

Khan Younès est anéantie, comme Rafah l’a été avant elle, tout comme les disputes entre familles pour quelques grains de farine ou des réservoirs d’eau dans les camps. Gaza ne peut plus supporter de nouvelles blessures, mais l’occupation continue d’appuyer, sans pitié, sur ce corps déjà brisé. Au cœur de cette ville assiégée, des gens meurent vivants, et les chapitres de la tragédie du XXIe siècle s’écrivent pendant que l’humanité se contente de regarder, de loin.

Dès lors, la question n’est plus seulement : « Qui va gagner ? », mais plutôt : « Combien de vies faudra-t-il encore sacrifier avant que la voix de la conscience humaine ne s’élève ? »


Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :

*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.

*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.

Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.

Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025 (partie 1 à 268)

Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 5 janvier au 9 mai 2025 (partie 269 à 392)

Partie 393 : 10 mai. Partie 394 : 11 mai. Partie 395 : 11 mai (1). Partie 396 : 12 mai. Partie 397 : 13 mai. Partie 398 : 14 mai. Partie 399 : 15 mai. Partie 400 : 16 mai. Partie 401 : 16 mai (1). Partie 402 : 17 mai. Partie 403 : 18 mai. Partie 404 : 18 mai (1). Partie 405 : 20 mai. Partie 406 : 21 mai. Partie 407 : 22 mai. Partie 408 : 22 mai (1). Partie 409 : 23 mai. Partie 410 : 24 mai. Partie 411 : 25 mai. Partie 412 : 25 mai (1). Partie 413 : 27 mai. Partie 414 : 27 mai (1). Partie 415 : 28 mai. Partie 416 : 29 mai. Partie 417 : 30 mai. Partie 418 : 1er juin. Partie 419 : 1er juin (1). Partie 420 : 31 mai et 2 juin. Partie 421 : 2 juin (1). Partie 422 : 3 juin. Partie 423 : 4 juin. Partie 424 : 5 juin. Partie 425 : 6 juin. Partie 426 : 6 juin (1). Partie 427 : 7 juin. Partie 428 : 8 juin. Partie 429 : 9 juin. Partie 430 : 10 juin. Partie 431 : 11 juin. Partie 432 : 12 juin. Partie 433 : 13 juin. Partie 434 : 14 juin. Partie 435 : 15 juin. Partie 436 : 16 juin. Partie 437 : 17 juin. Partie 438 : 18 juin. Partie 439 : 19 juin. Partie 440 : 20 juin. Partie 441 : 21-22 juin. Partie 442 : 24 juin. Partie 443 : 25 juin. Partie 444 : 26 juin. Partie 445 :  : 27-28 juin. Partie 446 : 27 juin. Partie 447 : 30 juin. Partie 448 : 1er juillet. Partie 449 : 2 juillet. Partie 450 : 2 juillet(1). Partie 451 : 3 juillet. Partie 452 : 4 juillet. Partie 453 : 5 juillet. Partie 454 : 6 juillet. Partie 455 : 7 juillet. Partie 456 : 7 juillet (1). Partie 457 : 9 juillet. Partie 458 : 10 juillet.

Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFPAltermidi et sur Le Poing