Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 488 / 12 août – La voix des femmes de Gaza

Brigitte Challande, 13 août 2025.- Compte rendu d’un atelier de soutien psychologique pour les femmes du camp Al-isra de Gaza-ville, le 12 août : Histoire et Résilience. Un récit où l’humour persiste !

« Dans la bande de Gaza, où les vies sont fauchées sans compter, où les maisons s’effondrent sur leurs habitants, et où l’on arrache aux femmes jusqu’au droit de souffrir, naissent des histoires sous les décombres. Elles émergent comme des souffles coupés, venant de poitrines alourdies par la tristesse, mais elles ne meurent pas. Au milieu d’une famine qui rampe avec un silence mortel, d’un bombardement qui ne distingue ni pierre ni être humain, et d’un déplacement qui dépasse les capacités humaines de résistance, les femmes de Gaza sont devenues à la fois le symbole de la douleur et de la patience.

Dans les camps d’hébergement, on n’entend que les cris des enfants affamés, et les voix de femmes qui portent sur leurs épaules tout le poids de la vie. Là, il n’y a pas de place pour parler de soi, ni de temps pour déposer ses peines. Pourtant, l’impact psychologique de la guerre n’est pas moins destructeur que celui des missiles. C’est pour cela que des séances de soutien psychologique sont devenues comme une bouée de sauvetage spirituelle, offrant à la femme la possibilité de libérer ce qui ne se dit pas, de raconter non pas pour pleurer, mais pour guérir.

* Séance de soutien psychologique organisée par l’UJFP, Histoire et résilience : Voix de Gaza, avec la participation de 30 femmes déplacées du camp Al-Isra au centre de Gaza. Des femmes portant des histoires lourdes de guerre, assises côte à côte, dépoussiérant leurs âmes épuisées par des mots.

La séance a commencé par des exercices de relaxation et de respiration lente, pour tenter de rompre la tension des corps vivant en état d’alerte permanent.Une femme d’une quarantaine d’années murmura après l’exercice :
« Pour la première fois depuis des semaines, j’ai senti que je ne fuyais plus. J’étais là, avec moi-même, respirant lentement, comme si le temps s’était arrêté un instant. »

Puis vint la séquence « Voix du cœur », où chaque participante fut invitée à évoquer une personne ou une chose qui a marqué sa vie. L’une raconta l’histoire d’une petite poupée qui appartenait à sa fille avant que celle-ci ne disparaisse sous les décombres, et comment elle la garde toujours dans son sac, pour se rappeler que sa fille a un jour vécu, que l’amour a une forme qu’on n’oublie jamais.

* S’ensuivit Le cercle de parole, où les femmes, assises en cercle fermé, racontèrent tour à tour une histoire inoubliable : certaines parlaient de la perte d’êtres chers, d’autres de moments étranges de survie sous les bombes. Une jeune femme :
« Nous avons fui notre maison sous le feu. J’étais pieds nus, portant ma sœur sur mon dos. En chemin, j’ai entendu une femme crier : ‘Qui a vu mon fils ?’ et j’ai crié avec elle. Je ne la connaissais pas, mais son cri a déchiré mon cœur. »

* On passa ensuite à l’activité « Une figure dans mon cœur », où il fallait se souvenir d’une personne ayant profondément marqué sa vie. Une participante évoqua sa grand-mère qui insistait chaque soir pour leur chanter une chanson traditionnelle malgré le bruit des avions : « Tant que la chanson vit, la guerre n’a pas gagné. »
Les femmes rirent à travers leurs larmes, comme si la grand-mère venait d’apparaître avec toute sa prestance, depuis l’absence, pour offrir à toutes la force de continuer à chanter face à la douleur.

* Puis vint La boîte aux souhaits, moment de pure poésie. Chaque femme y glissa un papier, comme si elle y déposait son cœur. Quelques papiers lus à voix haute.
« Je souhaite embrasser mes enfants dans notre maison, pas dans une tente. » « Je rêve de porter ma robe de mariée, pas le linceul de ma sœur. » « Je veux rire, simplement rire, sans culpabilité. »

* La séance s’acheva par « La prière de la résilience ». Chaque femme se leva, les mains levées, parfois en supplication, parfois en gratitude, parfois dans une tristesse noble. L’une d’elles : « Seigneur, ne laisse pas notre résilience devenir une histoire oubliée, fais-en une vie digne d’être racontée. »

Les femmes quittèrent la séance plus apaisées, comme si l’histoire avait emporté un peu de leur douleur. Les problèmes de déplacement n’étaient pas résolus, les bombardements ne s’étaient pas arrêtés, mais quelque chose avait changé en elles. La parole était devenue un bouclier, et l’histoire un remède.

En un temps où la vie se mesure entre faim, mort, déplacement et ruines, les ateliers de soutien psychologique deviennent de petites fenêtres par lesquelles la lumière s’infiltre dans le cœur des femmes de Gaza. Ces fenêtres ne s’ouvrent pas sur des villes sûres ou des plages lointaines, mais sur l’intérieur, sur ce qu’il reste de la femme après tout ce qui lui a été arraché. Au milieu des décombres, les histoires se lèvent non pas pour nous faire pleurer, mais pour nous montrer que la guérison commence par l’écoute, par la présence, par la reconnaissance que ce que nous vivons mérite d’être raconté, compris et accueilli.

La séance « Histoire et résilience » a offert aux femmes déplacées une rare opportunité qu’elles ne trouvent pas dans la routine de survie quotidienne : celle de devenir narratrices au lieu de simples chiffres dans les bulletins d’information, de retrouver leurs voix étouffées par la souffrance, et de voir en chacune l’autre un miroir reflétant la force et non la faiblesse, l’espoir et non le désespoir.

Chaque histoire racontée fut comme un fil dans la trame d’une guérison, chaque larme versée comme une pluie légère sur des âmes brûlées par la guerre, chaque rire jailli d’un cœur lourd comme une petite victoire sur la destruction.

Les femmes de Gaza ne cherchent pas la pitié, mais la reconnaissance de leur humanité, un moment d’écoute, un espace qui leur dise : Tu es là, tu es présente, et ton histoire compte. Dans cet atelier, elles ont trouvé cet espace. Elles se sont retrouvées elles-mêmes entre les lignes, dans la voix, dans le silence, dans le papier plié de la boîte aux souhaits, dans la petite poupée porteuse de la mémoire d’une fille disparue, et dans la prière simple qui résumait tous les vœux : Que nous résistions… et que nous continuions à raconter.

Ainsi, « Histoire et résilience » n’a pas été qu’une séance, mais une reconnaissance de la vie au milieu de la mort, et une promesse que la parole peut, parfois… être plus forte qu’un obus.

Si vous voulez, je peux aussi vous préparer une version française littéraire et harmonisée, optimisée pour un public de lecteurs de presse ou d’ONG, qui conservera l’émotion tout en fluidifiant la lecture.
Voulez-vous que je la prépare pour vous ? »

Photos et vidéos ICI.


Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :

*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.

*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.

Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.

Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025 (partie 1 à 268)

Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 5 janvier au 9 mai 2025 (partie 269 à 392)

Partie 393 : 10 mai. Partie 394 : 11 mai. Partie 395 : 11 mai (1). Partie 396 : 12 mai. Partie 397 : 13 mai. Partie 398 : 14 mai. Partie 399 : 15 mai. Partie 400 : 16 mai. Partie 401 : 16 mai (1). Partie 402 : 17 mai. Partie 403 : 18 mai. Partie 404 : 18 mai (1). Partie 405 : 20 mai. Partie 406 : 21 mai. Partie 407 : 22 mai. Partie 408 : 22 mai (1). Partie 409 : 23 mai. Partie 410 : 24 mai. Partie 411 : 25 mai. Partie 412 : 25 mai (1). Partie 413 : 27 mai. Partie 414 : 27 mai (1). Partie 415 : 28 mai. Partie 416 : 29 mai. Partie 417 : 30 mai. Partie 418 : 1er juin. Partie 419 : 1er juin (1). Partie 420 : 31 mai et 2 juin. Partie 421 : 2 juin (1). Partie 422 : 3 juin. Partie 423 : 4 juin. Partie 424 : 5 juin. Partie 425 : 6 juin. Partie 426 : 6 juin (1). Partie 427 : 7 juin. Partie 428 : 8 juin. Partie 429 : 9 juin. Partie 430 : 10 juin. Partie 431 : 11 juin. Partie 432 : 12 juin. Partie 433 : 13 juin. Partie 434 : 14 juin. Partie 435 : 15 juin. Partie 436 : 16 juin. Partie 437 : 17 juin. Partie 438 : 18 juin. Partie 439 : 19 juin. Partie 440 : 20 juin. Partie 441 : 21-22 juin. Partie 442 : 24 juin. Partie 443 : 25 juin. Partie 444 : 26 juin. Partie 445 :  : 27-28 juin. Partie 446 : 27 juin. Partie 447 : 30 juin. Partie 448 : 1er juillet. Partie 449 : 2 juillet. Partie 450 : 2 juillet(1). Partie 451 : 3 juillet. Partie 452 : 4 juillet. Partie 453 : 5 juillet. Partie 454 : 6 juillet. Partie 455 : 7 juillet. Partie 456 : 7 juillet (1). Partie 457 : 9 juillet. Partie 458 : 10 juillet. Partie 459 : 11 juillet. Partie 460 : 12 juillet. Partie 461 : 13 juillet. Partie 462 : 14 juillet. Partie 463 : 16 juillet. Partie 464 : 17 juillet. Partie 465 : 18 juillet. Partie 466 : 19 juillet. Partie 467 : 20 juillet. Partie 468 : 20 juillet (1). Partie 469 : 21 juillet. Partie 470 : 22 juillet. Partie 471 : 23 juillet. Partie 472 : 24 juillet. Partie 473 : 25 juillet 2025. Partie 474 : 26 juillet. Partie 475 : 27 juillet. Partie 476 : 28 juillet. Partie 477 : 30 juillet. Partie 478 : 1er août. Partie 479 : 2 août. Partie 480 : 3 août. Partie 481 : 3-4 août. Partie 482 : 5 août. Partie 483 : 7 août. Partie 484 : 8 août. Partie 485 : 9 août. Partie 486 : 10 août. Partie 487 : 11 août.

Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFPAltermidi et sur Le Poing