Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 491 / 3-4 août – Gérer la malnutrition et la pénurie de ressources / Notre conscience, notre bouclier

Brigitte Challande, 5 août 2025. C’était le thème de l’atelier de soutien psychologique pour les femmes à Deir al-Balah, 3 août.

« Dans la bande de Gaza, où l’odeur du pain rassis se mêle à celle de la poudre, et où les pleurs des mères endeuillées se heurtent aux cris des enfants affamés, les traits de la tragédie ne quittent pas les visages des femmes qui luttent de toutes leurs forces pour survivre dans une réalité étouffante.

Là, au cœur du camp Al-Asdiqaa à Deir al-Balah, au milieu de tentes déchirées et d’un sol chargé des souvenirs de l’exil, les équipes de l’UJPF ont organisé un atelier de soutien psychologique et de sensibilisation intitulé : « La malnutrition et la gestion de ses cas dans une situation de pénurie de ressources ».

Les participantes – vingt femmes déplacées – venaient de quartiers détruits, portant dans leur cœur les soucis de leur famille, la peur de la faim et de la maladie, et des rêves qui se sont évanouis devant des portes closes. Les visages étaient pâles à cause de la dureté des conditions, mais les yeux cherchaient un éclat d’espoir, un mot qui ouvrirait une fenêtre dans un mur de silence pesant. Dès le début, l’ambiance n’était pas celle d’une simple rencontre, mais bien une véritable tentative d’alléger le poids du chagrin ; la séance s’est ouverte avec une activité d’accueil chaleureuse, intitulée « Notre panier riche », où les femmes ont échangé des paroles bienveillantes et de simples idées sur des repas sains que l’on peut préparer malgré la pauvreté, comme si chaque mot était une graine de vie semée dans un sol aride.

Puis, l’activité « Carte de la nutrition » a commencé, au cours de laquelle la formatrice a expliqué, de manière simple, ce qu’est la malnutrition, ses types, ses causes, et comment le manque de nourriture n’est pas une fatalité inéluctable, mais peut être atténué par des mesures simples. Chaque participante a été invitée à mentionner un signe qu’elle avait remarqué chez une femme ou une personne de son entourage souffrant de malnutrition. Les réponses : yeux enfoncés, peau sèche, grande faiblesse, des signes qui racontaient à eux seuls des histoires entières de souffrance, sans qu’un mot ne soit nécessaire.

L’activité « Cuisine de l’espoir » est venue ramener un peu de chaleur : les femmes se sont réunies en petits groupes pour partager des recettes que l’on peut préparer avec des ingrédients limités. L’une a parlé de la mujaddara comme repas nourrissant, une autre du pain et olives agrémentés de quelques légumes disponibles. Ces recettes n’étaient pas seulement de la nourriture, mais une astuce de survie et de résistance face à la famine.

Cependant, l’atelier a accordé une attention particulière à la nourriture psychologique. Des exercices de respiration profonde ont été organisés : les yeux fermés pendant quelques instants, les participantes se sont imaginées dans un endroit sûr, loin du fracas des explosions. Puis, le silence a été rompu par des extraits musicaux apaisants, certaines femmes ont éclaté en sanglots, comme si la musique avait ouvert les coffres fermés de la douleur. Des exercices pour libérer la pression psychologique à travers des mouvements simples et des étirements ont également été proposés ; certaines femmes se sont même mises à rire pour la première fois depuis des semaines, comme si le rire était devenu un luxe oublié.

L’importance du soutien psychologique réside dans le fait qu’il constitue la première ligne de défense pour l’équilibre intérieur de ces femmes ; il ne se contente pas de réduire le stress momentanément, mais leur offre aussi des outils concrets pour affronter des pressions constantes. Grâce à cet espace sûr, naissent des liens de solidarité forts, qui restaurent la confiance en soi et sèment les graines de la résilience dans leurs cœurs. Lorsqu’une femme possède le savoir et la capacité de protéger sa famille, son moral s’élève, et elle devient plus apte à prendre de bonnes décisions dans les moments les plus sombres. Ainsi, le soutien psychologique devient aussi important que la nourriture et les médicaments, et parfois même plus essentiel pour sauver des vies.

L’atelier a également abordé un aspect crucial intitulé : « Quand demander de l’aide ? », en expliquant les signes d’alerte nécessitant une intervention médicale urgente en cas de malnutrition, ainsi que les moyens possibles d’orientation vers les centres médicaux, malgré la difficulté d’y accéder à cause du blocus et des bombardements. Les femmes ont écouté attentivement, comme si elles mémorisaient chaque mot, conscientes que la vie d’une personne pouvait dépendre d’une décision prise au bon moment.

A la fin la formatrice a demandé à chaque femme de formuler une courte prière ou un vœu pour sa famille. Les voix se sont élevées comme un murmure chaleureux dans l’atmosphère froide du camp : « Ô Dieu, accorde-nous la santé », « Ô Dieu, protège nos proches », « Ô Dieu, nourris les affamés ». La scène était si émouvante que les larmes se sont mêlées à des sourires timides, comme si, malgré la fracture des cœurs, l’espoir continuait à battre.

Les participantes sont sorties de l’atelier en portant bien plus que de simples informations nutritionnelles ; elles sont reparties avec le sentiment de ne pas être seules face à la faim, avec la certitude que le savoir peut être le premier bouclier contre la maladie, et que le soutien psychologique peut alléger les fardeaux même dans les conditions les plus dures. Un message clair « Notre savoir est notre force, et notre résilience commence par notre santé ». »

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Notre conscience, notre bouclier

Compte rendu de l’atelier de soutien psychologique pour les femmes du camp d’Al-Isra à Gaza-ville le 4 août.

« Au cœur de la bande de Gaza assiégée, où la destruction s’étend à perte de vue, où les sons des bombardements se mêlent aux gémissements de la faim et aux pleurs des enfants, les femmes vivent une réalité au-delà du supportable. Au milieu de cette tragédie, le soutien psychologique demeure la seule bouée de sauvetage pouvant leur tendre la main pour qu’elles restent debout.

Dans cet esprit, les équipes de l’UJFP ont poursuivi leurs efforts soutenus pour offrir un accompagnement psychologique et une sensibilisation, à travers l’organisation d’une session spéciale intitulée « Notre conscience, notre bouclier : la force de la communauté en temps de crise pour les femmes de Gaza », pour trente femmes déplacées dans le camp d’Al-Isra, au centre de la ville de Gaza.

La session a débuté par une introduction chaleureuse intitulée « La voix de la communauté », où il a été demandé à chaque participante de choisir un mot ou une expression incarnant la solidarité. Les réponses variaient entre « Main dans la main », « Ensemble, plus fortes », et « L’espoir est en nous », comme une tentative collective d’évoquer la force au cœur de l’impuissance.

Ensuite, l’activité « Les fils du tissu communautaire » a révélé que chaque femme, malgré ses blessures, représentait un fil de ce tissu social déchiré, et que l’union de ces fils pouvait former une nouvelle étoffe de résilience.

La session a été ponctuée d’activités de soutien psychologique aidant les participantes à se libérer de la pression mentale. Des exercices de respiration profonde ont été réalisés au son d’une musique apaisante, calmant les cœurs tremblants et permettant aux femmes de retrouver quelques rares instants de sérénité. Des exercices de relaxation par contraction et relâchement progressif des muscles ont également été menés. À cela se sont ajoutées des activités de dessin, où les femmes ont exprimé leurs émotions sur papier à l’aide de couleurs : l’une d’elles a dessiné un soleil se levant derrière des ruines, une autre une main partageant du pain entre des enfants.

Les histoires des femmes lors de cette session ont été le miroir d’une réalité douloureuse. Une femme dans la cinquantaine a parlé du moment où elle a perdu sa maison dans un bombardement nocturne, se retrouvant dans la rue avec ses cinq enfants, en quête d’un morceau de pain ou d’un toit. Elle a dit en essuyant ses larmes :

« Je pensais que le pire de la guerre était le bombardement, mais j’ai découvert que la faim est plus cruelle… voir ses enfants dormir affamés et être incapable de les nourrir, cela tue l’âme lentement. »

Quant à une jeune femme dans la vingtaine, elle a raconté son expérience du déplacement, passant d’un quartier à l’autre avec un nourrisson sur l’épaule et un petit sac contenant ce qui restait de sa vie. « Je n’ai plus rien, sauf mes petits rêves… me réveiller un jour sans entendre les bombes et les avions, voir mes enfants jouer sans peur. »

Elle a ajouté que cette session a été le premier endroit depuis des mois où elle a pu rire, ne serait-ce qu’un instant, en participant à une activité de groupe d’échange de blagues simples, comme moyen d’alléger le fardeau psychologique.

Lors de l’activité « Message de conscience », les participantes ont discuté de moyens concrets pour faire face aux crises, comme l’obtention d’eau par des méthodes alternatives, la préparation de repas simples avec les rares ingrédients disponibles, et l’importance de diffuser des informations fiables pour contrer les rumeurs qui accroissent la peur. L’activité « Des mains qui bâtissent » a inspiré les femmes à concevoir de petits projets pour soutenir la communauté, comme visiter les familles les plus vulnérables ou organiser des sessions de jeux pour les enfants afin d’atténuer leurs traumatismes.

Le moment le plus émouvant a été la clôture, quand les femmes se sont mises en cercle, se tenant la main, récitant des prières pour leur patrie. Elles ont alors senti qu’elles n’étaient pas seules dans ce combat, et que la solidarité entre elles était l’arme capable de faire face à la brutalité de la vie.

Les femmes de Gaza se précipitent pour assister à ce type d’ateliers, car elles y trouvent un véritable exutoire face à la pression quotidienne, un lieu où elles peuvent parler librement de leurs problèmes sans peur. Le simple fait que quelqu’un les écoute attentivement constitue en soi un acte de guérison. Au milieu de la misère, de la faim et de la pauvreté, beaucoup de femmes n’ont plus que leurs mots, et ces sessions leur offrent un espace pour les dire, pour transformer la douleur en force, les larmes en détermination.

À chaque récit de douleur partagé, à chaque main tendue pour consoler, à chaque souffle profond pris malgré la fumée des bombardements, naît une petite étincelle d’espoir… cet espoir qui peut faire la différence entre l’effondrement et la persévérance. »

Photos et vidéos ICI.


Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :

*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.

*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.

Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.

Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025 (partie 1 à 268)

Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 5 janvier au 9 mai 2025 (partie 269 à 392)

Partie 393 : 10 mai. Partie 394 : 11 mai. Partie 395 : 11 mai (1). Partie 396 : 12 mai. Partie 397 : 13 mai. Partie 398 : 14 mai. Partie 399 : 15 mai. Partie 400 : 16 mai. Partie 401 : 16 mai (1). Partie 402 : 17 mai. Partie 403 : 18 mai. Partie 404 : 18 mai (1). Partie 405 : 20 mai. Partie 406 : 21 mai. Partie 407 : 22 mai. Partie 408 : 22 mai (1). Partie 409 : 23 mai. Partie 410 : 24 mai. Partie 411 : 25 mai. Partie 412 : 25 mai (1). Partie 413 : 27 mai. Partie 414 : 27 mai (1). Partie 415 : 28 mai. Partie 416 : 29 mai. Partie 417 : 30 mai. Partie 418 : 1er juin. Partie 419 : 1er juin (1). Partie 420 : 31 mai et 2 juin. Partie 421 : 2 juin (1). Partie 422 : 3 juin. Partie 423 : 4 juin. Partie 424 : 5 juin. Partie 425 : 6 juin. Partie 426 : 6 juin (1). Partie 427 : 7 juin. Partie 428 : 8 juin. Partie 429 : 9 juin. Partie 430 : 10 juin. Partie 431 : 11 juin. Partie 432 : 12 juin. Partie 433 : 13 juin. Partie 434 : 14 juin. Partie 435 : 15 juin. Partie 436 : 16 juin. Partie 437 : 17 juin. Partie 438 : 18 juin. Partie 439 : 19 juin. Partie 440 : 20 juin. Partie 441 : 21-22 juin. Partie 442 : 24 juin. Partie 443 : 25 juin. Partie 444 : 26 juin. Partie 445 :  : 27-28 juin. Partie 446 : 27 juin. Partie 447 : 30 juin. Partie 448 : 1er juillet. Partie 449 : 2 juillet. Partie 450 : 2 juillet(1). Partie 451 : 3 juillet. Partie 452 : 4 juillet. Partie 453 : 5 juillet. Partie 454 : 6 juillet. Partie 455 : 7 juillet. Partie 456 : 7 juillet (1). Partie 457 : 9 juillet. Partie 458 : 10 juillet. Partie 459 : 11 juillet. Partie 460 : 12 juillet. Partie 461 : 13 juillet. Partie 462 : 14 juillet. Partie 463 : 16 juillet. Partie 464 : 17 juillet. Partie 465 : 18 juillet. Partie 466 : 19 juillet. Partie 467 : 20 juillet. Partie 468 : 20 juillet (1). Partie 469 : 21 juillet. Partie 470 : 22 juillet. Partie 471 : 23 juillet. Partie 472 : 24 juillet. Partie 473 : 25 juillet 2025. Partie 474 : 26 juillet. Partie 475 : 27 juillet. Partie 476 : 28 juillet. Partie 477 : 30 juillet. Partie 478 : 1er août. Partie 479 : 2 août. Partie 480 : 3 août.

Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFPAltermidi et sur Le Poing