Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 478 / 1er août – Gaza ou l’incapacité du monde à protéger un droit élémentaire, la vie !"
Brigitte Challande, 2 août 2025. Le 1er août, Abu Amir dresse dans son texte un bilan de la situation totalement chaotique et inhumaine actuelle dans la bande de Gaza, sous couvert d’aide et de corridors humanitaires qui préparent le terrain à une occupation partielle durable.

Karam al Jamal, mort de faim et du manque de médicament dus à la volonté génocidaire de l’occupation israélienne.
« Depuis plusieurs mois, la bande de Gaza connaît une situation humanitaire sans précédent dans l’histoire moderne. Plus de deux millions de personnes y vivent sous un blocus étouffant, des destructions massives et une famine croissante. Les bombardements incessants et les opérations militaires n’ont laissé aucune partie du territoire intacte : des villes entières sont réduites en ruines et les infrastructures essentielles permettant aux habitants d’accéder aux besoins les plus élémentaires – eau, électricité, assainissement – sont complètement désintégrées. La plupart des hôpitaux sont hors service et le personnel médical est presque incapable de faire face à l’ampleur des blessures, faute de médicaments et de fournitures médicales.
La tragédie se double d’un déplacement massif de centaines de milliers de personnes, qui n’ont plus de lieu sûr où se réfugier. Les abris, écoles et mosquées sont saturés de déplacés, tandis que les routes sont devenues des couloirs de fuite face aux bombardements incessants. Dans un climat d’insécurité et de chaos, les tentatives d’acheminement de l’aide humanitaire sont menacées par le pillage et le vol, exposant la population à la famine et aux épidémies, alors que le nombre de victimes augmente chaque jour.
Dans ce contexte sombre, l’annonce par Israël d’un arrêt temporaire des opérations militaires dans certaines zones de Gaza, sous prétexte de permettre l’entrée de l’aide, a suscité beaucoup de scepticisme, d’autant que des rapports indiquent que l’occupation a exploité ces périodes de trêve pour renforcer son contrôle militaire, plutôt que d’offrir un répit aux civils épuisés par la guerre.
Le 27 juillet 2025, le porte-parole de l’armée israélienne a annoncé une « suspension temporaire » des opérations militaires chaque jour de 10 h à 20 h dans certaines zones de la bande de Gaza : la région d’Al-Mawasi, à l’ouest de Khan Younès, le centre de Deir al-Balah et de Nuseirat, ainsi que l’ouest de la ville de Gaza. Selon les déclarations officielles, cette mesure visait à faciliter le passage des convois humanitaires, en coordination avec l’ONU et les organisations internationales, afin d’acheminer nourriture et médicaments aux civils assiégés.
Bien que l’annonce ait été accueillie avec une approbation formelle par certains acteurs internationaux, les organisations humanitaires ont souligné que permettre l’acheminement de l’aide pendant seulement dix heures par jour ne changeait en rien la réalité humanitaire catastrophique de la bande. Le nombre de victimes des bombardements, du blocus et des combats dépassait déjà les 60.000 personnes au 29 juillet 2025, dont une proportion importante de femmes et d’enfants.
Des victimes quotidiennes devant les centres d’aide
Au-delà du bilan global dramatique, des rapports de terrain indiquent qu’environ 100 civils sont tués chaque jour à cause des attaques israéliennes continues, mais la majorité d’entre eux trouvent la mort devant les centres d’aide mis en place par l’occupation et gérés par des sociétés américaines opérant sous couvert humanitaire. Ces centres, censés fournir un refuge et de la nourriture, se transforment en « pièges mortels à ciel ouvert », où des milliers d’affamés se rassemblent avant d’être pris pour cible par des tirs et des bombardements. Ces scènes ont exacerbé la colère populaire et renforcé l’impression que l’aide est utilisée comme une arme de guerre plutôt que comme un outil de sauvetage.
Exploitation de la trêve militaire
Un rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), couvrant la période du 6 au 19 juillet 2025, révèle que l’armée israélienne a exploité les périodes d’arrêt annoncées pour élargir ses opérations militaires au lieu de les interrompre. Pendant ces pauses, les forces israéliennes se sont en effet infiltrées dans le sud de Khan Younès, notamment dans la zone d’Al-Mawasi, sous un déluge de bombardements et de grenades fumigènes. Des zones de déplacement civil ont été visées, contraignant des familles à fuir à plusieurs reprises. Selon des rapports onusiens, l’objectif de ces manœuvres est d’assurer le contrôle total du littoral sud de la bande et de relier les positions militaires existantes.
Poursuite des opérations hors trêve
Les opérations militaires israéliennes n’ont pas cessé dans les autres régions de Gaza non incluses dans l’annonce. Les médias locaux et internationaux ont rapporté la poursuite de bombardements aériens et d’artillerie sur des quartiers tels que Zeitoun, l’est et le centre de Khan Younès, ainsi que Shuja’iyya. Des affrontements violents ont aussi été enregistrés dans le camp de Jabalia, aujourd’hui presque entièrement détruit et plongé dans une crise humanitaire sans précédent.
Déplacements massifs et aggravation de la crise humanitaire
Parallèlement à cette escalade, de nouvelles vagues de déplacements massifs se sont produites. Selon un rapport d’Al Jazeera du 2 juillet 2025, des centaines de milliers d’habitants ont fui les zones d’incursion militaire, notamment Khan Younès, Jabalia, Beit Lahia, Beit Hanoun et certaines zones orientales de Gaza. Avec l’effondrement presque total des infrastructures (eau, électricité, assainissement, hôpitaux), la bande est menacée par de vastes épidémies, tandis que le système de santé, paralysé, ne peut plus répondre aux besoins des blessés et des malades.
Pillage et obstruction de l’aide humanitaire
Malgré les promesses israéliennes d’ouvrir des corridors humanitaires, tous les convois d’aide entrant dans Gaza sont interceptés avant d’atteindre les bénéficiaires. À ce jour, aucune organisation internationale n’a confirmé avoir pu distribuer l’aide aux familles dans le besoin. Selon des témoignages de terrain et des habitants, les convois de nourriture et de médicaments sont régulièrement pillés par des milices liées à l’occupation, empêchant toute distribution à des centaines de milliers de familles vivant dans des conditions dramatiques. Le chaos sécuritaire rend l’acheminement de l’aide presque impossible, renforçant le spectre d’une famine généralisée, surtout que la survie de la majorité de la population dépend exclusivement de ces convois. Faute de mécanisme de contrôle neutre et efficace, l’aide reste exposée au détournement systématique plutôt qu’à l’usage humanitaire.
Réactions internationales et condamnations
Ces évolutions ont provoqué une vague de critiques internationales. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a qualifié la situation à Gaza de « violation flagrante du droit international humanitaire », appelant à une enquête indépendante sur les accusations d’exploitation des trêves par Israël pour étendre son occupation.
De son côté, l’organisation israélienne B’Tselem a affirmé que la politique menée à Gaza équivaut à un crime de génocide, tenant la direction israélienne pour pleinement responsable de l’aggravation des souffrances civiles.
Plus de vingt pays ont publié des déclarations condamnant ces pratiques et exigeant un arrêt immédiat des opérations militaires ainsi qu’un accès sans restriction à l’aide humanitaire, estimant que les mesures actuelles sont insuffisantes pour sauver les civils de la famine et des maladies.
Conséquences futures
Il apparaît clairement que ce qu’Israël appelle « trêve humanitaire quotidienne » n’est qu’un instrument stratégique visant des objectifs militaires, notamment le contrôle du littoral sud de Gaza. Avec la poursuite du pillage des convois humanitaires et l’empêchement de leur distribution, la crise humanitaire ne peut que s’aggraver, tandis que des experts avertissent qu’une telle politique prépare le terrain à une occupation partielle durable, difficile à inverser dans l’avenir.

Six membres d’une même famille assassinés par un bombardement israélien sur des tentes à al Mawasi, le 31 juillet 2025.
Selon les observateurs, tant que les pillages et le chaos sécuritaire persisteront, la famine à Gaza s’aggravera et des millions de civils resteront privés de nourriture et de soins, approfondissant encore la catastrophe humanitaire.
Les faits sur le terrain confirment que cette prétendue « trêve humanitaire quotidienne » n’est rien de plus qu’un paravent pour les plans militaires israéliens, et non un véritable engagement à sauver des vies civiles. Alors que les convois humanitaires continuent d’être détournés et que des millions d’habitants demeurent privés de nourriture et de médicaments, la crise s’approfondit pour se transformer en famine organisée et en désastre humanitaire prolongé.
La communauté internationale est face à un test réel : soit elle agit sérieusement pour mettre fin à ces politiques qui s’apparentent à des crimes de guerre et à un génocide, soit elle demeure spectatrice de l’effondrement d’une société entière.
Le silence et l’inaction signifient abandonner Gaza à un destin sombre, façonné aujourd’hui par le sang, la faim et la ruine, et laisser cette tragédie témoigner de l’incapacité du monde à protéger le plus fondamental des droits humains : le droit à la vie. »
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025 (partie 1 à 268) Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 5 janvier au 9 mai 2025 (partie 269 à 392)
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Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFP, Altermidi et sur Le Poing.