Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 475 / 27 juillet – La conscience humaine soumise aux intérêts sur une planète affligée

Brigitte Challande, 28 juillet 2025.– Un texte d’Abu Amir, ce 27 juillet, qu’il introduit avec ces réflexions : à une époque où la conscience humaine est soumise aux intérêts, où la justice est piétinée sous les bottes de l’occupation, le peuple palestinien dans la bande de Gaza se dresse seul face à la machine de mort et de destruction. Il affronte la mort sous forme de famine, de siège, de bombardements incessants, tandis que le monde tarde à tendre la main, que l’aide se fait attendre. L’humanité se retrouve assiégée dans les recoins les plus étroits de cette planète affligée.

« Gaza s’est transformée en un champ où l’on met à l’épreuve la patience humaine et les limites de l’endurance : on y prive les enfants de lait, les malades de médicaments, et les affamés de la moindre bouchée de pain. Tout cela se produit sous les yeux du monde, dans un silence meurtrier plus douloureux encore que les bombes elles-mêmes.

Bien que la blessure saigne depuis des mois, une lueur d’espoir apparaît aujourd’hui, même si elle arrive tardivement. Les nouvelles annoncent le mouvement de convois d’aide humanitaire depuis le poste frontière de Rafah, chargés de grandes quantités de farine et de denrées alimentaires essentielles, sous la supervision du Croissant-Rouge égyptien et grâce à des efforts intensifs de la part de l’Égypte pour organiser et préparer l’entrée de ces camions sur le territoire palestinien. Ces camions sont désormais redirigés vers le passage de Kerem Shalom, côté israélien, dans une tentative de livrer nourriture et médicaments à ceux qui restent en vie, au bord de la mort.

Ce mouvement, bien qu’intervenu avec quatre mois de retard, fait suite à une décision raciste prise par Netanyahou et son gouvernement en mars, visant à stopper l’entrée de l’aide à Gaza. Une décision qualifiée par les observateurs de crime contre l’humanité, dont le prix a été payé par des innocents à Gaza, et qui a conduit à une politique de destruction systématique incluant la famine, le refus d’accès à la nourriture, aux médicaments, à l’eau, et la commission de crimes de guerre à part entière ayant fait des centaines de victimes majoritairement, enfants, femmes et personnes âgées.

Face à ces violations flagrantes, les tentatives de l’occupation et de ses alliés pour redorer son image devant l’opinion publique mondiale apparaissent aujourd’hui comme éculées et grotesques. Les masques sont tombés, et les visages réels de l’occupation ont été révélés. Les peuples du monde sont descendus dans les rues des grandes capitales pour dénoncer l’agression et réclamer l’arrêt du génocide. Israël tente alors désespérément de redorer son image en autorisant l’entrée de certaines aides. Ces aides ne font pas disparaître le crime, ni effacer la honte éternelle qui s’y est attachée.

Ces peuples, qui ont vu de leurs propres yeux les enfants sous les décombres, les mères en deuil et la destruction totale, ne tolèrent plus la présence de l’occupation ni aucune forme de coopération avec elle. Ils commencent à imposer à leurs gouvernements des positions morales fermes. Le mot « Israël » est désormais associé dans l’esprit de millions de personnes à la mort, au siège et à la discrimination. Ses campagnes de propagande ne parviennent plus à maquiller son passé sanglant.

Des centaines de camions d’aide bloqués aux portes de Gaza, côté Egypte, preuves que l’Etat d’occupation affame volontairement la population palestinienne.

En parallèle avec l’arrivée de l’aide, l’armée d’occupation a annoncé un arrêt partiel de ses activités militaires, de dix heures du matin à huit heures du soir, dans les zones ouest de la ville de Gaza, ainsi que dans les gouvernorats du centre et de Khan Younès, afin de faciliter la distribution de l’aide. Cet acte, bien qu’il puisse sembler humanitaire en surface, ne décharge en rien l’occupation de sa responsabilité dans la catastrophe qu’elle a elle-même engendrée, après avoir assiégé, opprimé et détruit tout, avant de venir, tardivement, accorder un peu d’eau et de nourriture aux survivants.

Dans le même temps, le comité égyptien a appelé les habitants de Gaza à protéger les camions d’aide humanitaire et à ne pas y toucher, en raison de l’importance cruciale qu’ils revêtent pour apaiser la faim, et pour assurer l’arrivée de nourriture aux familles sinistrées qui se meurent de faim depuis des mois. Cet appel humanitaire, bien qu’adressé aux habitants de Gaza, est en réalité un cri lancé au monde : la faim a atteint son paroxysme, et les gens là-bas n’ont plus rien à manger, ni rien à offrir à leurs enfants. Et pourtant, ce sont eux qui doivent encore protéger ce qui leur est envoyé comme un souffle de vie.

Selon des rapports fiables, le nombre de décès dus à la malnutrition à Gaza s’élève à 127, la majorité étant des enfants et des personnes âgées, dont les corps n’ont pas résisté à la combinaison de la faim et de la maladie. Les statistiques indiquent également que plus de 12.000 malades nécessitent des interventions chirurgicales urgentes, impossibles à réaliser à Gaza en raison de l’effondrement du système de santé de l’épuisement des médicaments et du matériel médical ; cela rend leur transfert à l’étranger comme une nécessité humanitaire absolue.

Dans ce tableau sombre, l’arrêt de la guerre est devenu une revendication mondiale, portée non seulement par les peuples, mais aussi par des organisations internationales et des dirigeants politiques qui considèrent la poursuite des tueries comme une honte pour l’humanité. La création de corridors humanitaires sûrs est devenue une urgence incontournable, sans possibilité de délai ou de manipulation. Ces corridors ne sont pas de simples lignes tracées sur une carte, mais des artères vitales pour des millions d’âmes qui attendent d’être sauvées de la faim, de la maladie de la mort.

Le 27 juillet au matin, à Rafah.

Ce qui se passe à Gaza n’est pas une simple crise humanitaire passagère, mais une tragédie à part entière, dont le nom est l’injustice, l’image est la faim, la musique est celle des bombes, et les héros sont des gens simples qui ne souhaitent que vivre dignement sur leur terre. Une terre qui n’a jamais été pour eux un simple sol, mais un symbole sacré de leur existence, lié à leurs âmes, leurs racines et leur histoire, pour laquelle ils ont sacrifié leurs enfants sans jamais perdre foi en la justesse de leur cause.

La ténacité dont fait preuve Gaza, et les sacrifices de son peuple, ne peuvent qu’inspirer le respect et la révérence. Ce peuple, qui a émerveillé le monde par sa résilience, sa générosité et sa patience, mérite la vie, mérite sa terre que l’occupant tente de lui voler. Ils ont ancré leur existence dans son sol, non avec de l’encre, mais avec du sang ; ils ont inscrit leurs noms sur les murs du temps, non avec des stylos, mais avec la douleur.

Alors, une conscience s’éveillera-t-elle ? L’humanité retrouvera-t-elle son vrai visage ? Ou bien Gaza restera-t-elle seule, à crier, à résister, à attendre?

Nous disons aujourd’hui : il est temps que cette injustice cesse, que ce blocus soit levé, et que le monde cesse de traiter Gaza comme un chiffre dans les bulletins d’information. C’est une cause humaine vivante, qui saigne et attend une justice trop longtemps différée. La justice est indivisible, l’humanité ne se mesure pas aux frontières, et quiconque cherche la noblesse dans sa forme la plus pure n’a qu’à regarder vers Gaza : elle est là, et elle le restera — non parce que le monde la soutient, mais parce que son peuple croit que la vie mérite d’être arrachée des mâchoires de la mort, même au prix du sang. »


Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :

*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.

*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.

Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.

Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025 (partie 1 à 268)

Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 5 janvier au 9 mai 2025 (partie 269 à 392)

Partie 393 : 10 mai. Partie 394 : 11 mai. Partie 395 : 11 mai (1). Partie 396 : 12 mai. Partie 397 : 13 mai. Partie 398 : 14 mai. Partie 399 : 15 mai. Partie 400 : 16 mai. Partie 401 : 16 mai (1). Partie 402 : 17 mai. Partie 403 : 18 mai. Partie 404 : 18 mai (1). Partie 405 : 20 mai. Partie 406 : 21 mai. Partie 407 : 22 mai. Partie 408 : 22 mai (1). Partie 409 : 23 mai. Partie 410 : 24 mai. Partie 411 : 25 mai. Partie 412 : 25 mai (1). Partie 413 : 27 mai. Partie 414 : 27 mai (1). Partie 415 : 28 mai. Partie 416 : 29 mai. Partie 417 : 30 mai. Partie 418 : 1er juin. Partie 419 : 1er juin (1). Partie 420 : 31 mai et 2 juin. Partie 421 : 2 juin (1). Partie 422 : 3 juin. Partie 423 : 4 juin. Partie 424 : 5 juin. Partie 425 : 6 juin. Partie 426 : 6 juin (1). Partie 427 : 7 juin. Partie 428 : 8 juin. Partie 429 : 9 juin. Partie 430 : 10 juin. Partie 431 : 11 juin. Partie 432 : 12 juin. Partie 433 : 13 juin. Partie 434 : 14 juin. Partie 435 : 15 juin. Partie 436 : 16 juin. Partie 437 : 17 juin. Partie 438 : 18 juin. Partie 439 : 19 juin. Partie 440 : 20 juin. Partie 441 : 21-22 juin. Partie 442 : 24 juin. Partie 443 : 25 juin. Partie 444 : 26 juin. Partie 445 :  : 27-28 juin. Partie 446 : 27 juin. Partie 447 : 30 juin. Partie 448 : 1er juillet. Partie 449 : 2 juillet. Partie 450 : 2 juillet(1). Partie 451 : 3 juillet. Partie 452 : 4 juillet. Partie 453 : 5 juillet. Partie 454 : 6 juillet. Partie 455 : 7 juillet. Partie 456 : 7 juillet (1). Partie 457 : 9 juillet. Partie 458 : 10 juillet. Partie 459 : 11 juillet. Partie 460 : 12 juillet. Partie 461 : 13 juillet. Partie 462 : 14 juillet. Partie 463 : 16 juillet. Partie 464 : 17 juillet. Partie 465 : 18 juillet. Partie 466 : 19 juillet. Partie 467 : 20 juillet. Partie 468 : 20 juillet (1). Partie 469 : 21 juillet. Partie 470 : 22 juillet. Partie 471 : 23 juillet. Partie 472 : 24 juillet. Partie 473 : 25 juillet 2025. Partie 474 : 26 juillet.

Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFPAltermidi et sur Le Poing