Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 470 / 22 juillet – Gaza sous les flammes"
Brigitte Challande, 23 juillet 2025.– Jusqu’où, jusqu’où, jusqu’à quand va-t-on continuer à laisser seul un peuple, celui de Gaza, qui lutte pour survivre ? Texte d’ Abu Amir le 22 juillet au soir.
« Au cœur de la bande de Gaza, parmi les décombres des bâtiments et les bruits incessants des bombardements, Oum Mohammed tente de faire taire les pleurs de sa fillette affamée de deux ans, tandis qu’elle tend la main à travers une fenêtre brisée pour attraper un sac de farine que des volontaires viennent de lui apporter. « Cela fait deux jours que nous n’avons rien mangé », dit-elle, les yeux fatigués se tournant derrière le nuage de poussière causé par une explosion proche. Une scène devenue quotidienne où les habitants oscillent entre douleur et peur, tentant désespérément de survivre au cœur de l’une des pires catastrophes humanitaires de l’époque moderne.

« C’est une famine organisée par l’homme« , Gaza entourée de camions de vivres. Dessin de Rachel Deutsch, sur le compte Instagram de Weirdmomart.
Depuis près de deux ans que la guerre a commencé, le territoire s’est transformé en zone sinistrée. À chaque raid aérien israélien, les zones de sécurité se réduisent davantage. Les derniers quartiers encore considérés comme sûrs à Deir al-Balah, une petite région au centre de la bande, sont désormais le théâtre d’une incursion terrestre, les forces israéliennes y étant entrées pour la première fois depuis le début du conflit. Cette opération menée par des chars d’assaut a provoqué l’exode de milliers de familles, car Deir al-Balah – qui abritait déjà de nombreux camps de déplacés temporaires – s’est transformée en zone de guerre directe.
Ces civils, qui avaient fui Rafah et Khan Younès pour trouver refuge à Deir al-Balah, se retrouvent aujourd’hui à devoir fuir de nouveau, abandonnant derrière eux des tentes de fortune et de fragiles rêves de stabilité. Beaucoup vivent aujourd’hui à ciel ouvert, dormant sur le sable ou sur des morceaux de plastique, sans aucune garantie de sécurité ni de retour. Dans le chaos, de nombreuses familles ont perdu la trace de leurs proches : des parents sans enfants, des femmes sans abri.
Mais pire que les bombardements, selon les habitants, c’est la faim. Dans les ruelles de Gaza, on peut voir des enfants fouillant les décombres à la recherche de miettes de nourriture ou de conserves périmées. Une véritable famine frappe maintenant aussi bien les enfants que les personnes âgées. Ces derniers jours seulement, plus de 15 personnes, pour la plupart des enfants, sont mortes faute de nourriture et d’eau, alors que les réseaux d’aide humanitaire sont presque complètement effondrés. Selon le Programme alimentaire mondial, deux millions de personnes risquent de mourir de faim.
Certaines familles errent pendant des jours dans des zones dangereuses à la recherche d’un seul repas, tandis que les camions d’aide sont soit bloqués, soit ciblés, selon plusieurs organisations humanitaires.
Au nord de Gaza, où les écoles ont été transformées en centres d’hébergement surpeuplés, la panique règne après des rumeurs selon lesquelles des snipers auraient tiré sur des civils faisant la queue pour recevoir de la nourriture. Dans la région de Zikim, des témoignages locaux et d’organisations internationales confirment que des centaines de citoyens ont été tués ou blessés alors qu’ils attendaient l’aide.
Des scènes d’enfants mourant dans les bras de leurs mères, de pères criant face à l’impuissance, sont devenues courantes. La dignité n’a plus sa place ; l’aide humanitaire n’est plus synonyme de vie, mais devient un risque de plus vers la mort.
Au milieu de cet enfer, les infrastructures sont pratiquement inexistantes. Les hôpitaux sont détruits, privés d’électricité ou assiégés. Dans l’un des rares centres médicaux encore partiellement fonctionnels, des médecins s’évanouissent de faim pendant qu’ils soignent des blessés. Les médicaments sont presque introuvables, les soins sont administrés à la lumière des téléphones portables.
Quant à l’éducation, elle n’est plus qu’un concept. Les écoles sont en ruines, et la majorité des enseignants sont déplacés ou portés disparus. Malgré cela, un ancien instituteur tente de rassembler des enfants sous un arbre près d’un centre d’hébergement, traçant des lettres de l’alphabet sur le sable et répétant : « La connaissance ne meurt pas. »
Le monde regarde, suit, et condamne. L’Union européenne, le Royaume-Uni, le Canada, la France et l’Australie ont tous exprimé leur profonde inquiétude, qualifiant ce qui se passe de « privation du minimum de dignité humaine pour les Palestiniens ». Le pape Léon XIV a été clair : « Ce qui se passe est de la barbarie », condamnant les attaques contre les civils, les institutions humanitaires, religieuses et médicales.
Les Nations Unies ont lancé un appel urgent pour établir des couloirs humanitaires sécurisés, mais les réponses restent, jusqu’à présent, incapables de répondre à l’ampleur du désastre.
Malgré cela, les négociations laborieuses pour un cessez-le-feu se poursuivent. Les dossiers en suspens entre le Hamas et Israël restent un obstacle majeur à tout progrès. La dernière initiative américaine, proposant une trêve de 60 jours en échange de la libération d’otages et d’un retrait partiel, a été rejetée par le Hamas, estimant qu’elle ne répondait pas aux exigences humanitaires. Israël, de son côté, a menacé de riposter « fermement » en cas d’échec. La médiation du Qatar et de l’Égypte n’a pas encore réussi à briser l’impasse, tandis que sur le terrain, la souffrance continue sans relâche.
Et malgré tout cela, Gaza continue de résister à sa manière.
Une adolescente de quinze ans rêve encore de devenir médecin, bien que l’hôpital de ses rêves ne soit plus qu’un cratère noir.
Une mère insiste pour apprendre à lire à ses enfants à la lumière des bougies.
Un jeune homme peint des fresques sur les murs des camps, y inscrivant : « Nous ne mourrons pas deux fois. »
L’espoir ici ne s’achète pas. C’est un acte de résistance. C’est la capacité des gens à s’accrocher à la vie, même lorsque la mort semble être l’issue la plus accessible à la douleur.
Voilà Gaza aujourd’hui : là où tragédie et résilience s’entrelacent, où la peur coexiste avec la foi, et où chaque pierre raconte l’histoire d’un peuple qui n’a pas renoncé à vivre, même si la mort est devenue la voie la plus facile pour échapper à la souffrance. »
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
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Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFP, Altermidi et sur Le Poing.