Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 457 / 9 juillet – La mort précède la trêve, Gaza compte ses derniers souffles avant vendredi

Brigitte Challande, 10 juillet 2025. Un texte du 9 juillet, Abu Amir décrit ce que représente une éventuelle trève pour les Palestiniens de Gaza.

« Alors que le monde semble prêt à tourner une nouvelle page ensanglantée et s’apprête à annoncer un nouveau cessez-le-feu à Gaza, la ville meurtrie vacille sous le poids de l’escalade la plus violente depuis des mois. Rien n’indique qu’une paix soit en chemin, sinon des mots répétés dans les bulletins d’information sur une « trêve imminente » qui pourrait entrer en vigueur vendredi 11 juillet. Mais sur le terrain, la réalité est tout autre : un sentiment lourd pèse, comme si l’occupation avait décidé de faire des dernières heures avant la trêve une fenêtre ouverte à la tuerie, un moment de « récolte finale » avant que le silence ne soit imposé. Les bombardements s’intensifient, les cibles passent des sites militaires aux tentes, et les victimes se multiplient d’heure en heure, sans pause, sans justification, sans honte.

À Gaza, le mot « trêve » ne signifie pas nécessairement un soulagement proche, mais est souvent précédé de chapitres sanglants. Comme si l’occupation la considérait comme un obstacle à franchir par la terreur maximale. Depuis la fin de la dernière trêve il y a quelques mois, l’ombre de la guerre est revenue s’abattre sans pitié sur les civils, portant le nombre de martyrs à plus de 6.000. Chaque jour, la scène se répète : des maisons s’effondrent, des tentes sont bombardées, des corps sont extraits des décombres — parfois méconnaissables.

L’histoire du drame : une mort qui ne patiente pas

À l’approche de vendredi, les raids deviennent plus intenses, plus sauvages. Les habitants de Gaza ne dorment pas, ne se déplacent pas en sécurité, ne rêvent même plus. Ils vivent minute par minute au rythme du bourdonnement des avions et des secousses de la terre sous leurs pieds. Les tentes, qui étaient un refuge contre la mort, sont désormais des cibles directes, comme si le tueur avait décidé de ne laisser à personne la chance de survivre. Dans les camps de déplacés, la seule constante est la peur. Un bombardement frappe une tente, les corps s’éparpillent, une famille entière est effacée des registres : ne reste que les cris d’un enfant, rescapé par hasard, cherchant sa mère parmi les cendres.

Rien que la dernière semaine, des centaines de morts ont été enregistrés, dont un grand nombre de femmes et d’enfants. Des dizaines d’histoires émergent des décombres : une mère extraite morte, serrant encore son nourrisson dans ses bras ; un adolescent portant son petit frère sur son dos en courant vers un hôpital ; un sexagénaire ayant perdu toute sa famille, mais qui refuse de quitter le même camp, car il n’a plus d’autre destination. Ici, il n’y a ni fronts de combat ni combattants sur le terrain — seulement un peuple sans défense qui paie le prix de son existence.

Depuis que l’on parle de la trêve à venir, le rythme des massacres s’est accéléré. Comme si l’occupation avait choisi de précéder l’annonce politique d’une scène sanglante, prouvant ainsi qu’ »elle ne s’est pas calmée par obligation, mais parce qu’elle a vidé son stock de balles ». Les cibles ne sont plus choisies, mais globales : marchés, files d’attente pour l’aide humanitaire, points d’eau, écoles transformées en refuges — tout est désormais dans la ligne de mire. Tout endroit bondé de civils est devenu une « cible légitime » aux yeux de la machine de mort.

Les gens ici n’ont plus confiance en rien. La foi dans les déclarations, les médiateurs, les communiqués internationaux, et même dans le temps, s’est évaporée. Le temps, ici, ne se mesure pas en heures, mais en nombre de morts. Et plus on approche du cessez-le-feu, plus le temps s’accélère à la manière de l’occupation : la mort devance la trêve à grandes enjambées. Les enfants de Gaza ont appris le sens du mot « trêve » — non pas comme une pause de repos, mais comme une histoire qui commence par des bombardements et se termine par l’attente d’une mort différée.

À Gaza, la douleur ne se mesure pas en mots. Elle ne peut être résumée par des condamnations ou des protestations, ni apaisée par des réunions à huis clos dans des capitales lointaines. Ici, les histoires s’écrivent avec le sang, les photos des martyrs s’accrochent aux murs qui restent, et la peur devient un langage quotidien que les gens respirent avec leurs souffles lourds. Ce qui se passe en ces jours n’est pas une simple escalade, mais une honte sur le front de l’humanité, une épreuve morale à laquelle le monde a encore échoué.

Vendredi arrive, et l’on dit que la trêve commencera. Mais Gaza n’attend pas une simple déclaration politique — elle attend un véritable salut de cette mort répétée. Elle veut que les massacres cessent, non parce que l’heure est venue, mais parce que la vie mérite d’être vécue. Elle veut voir ses enfants grandir, ses femmes accoucher en sécurité, ses anciens mourir sur leurs lits, et non sous les bombes.

Alors, ce feu de l’enfer s’éteindra-t-il à temps ? Ou le 11 juillet sera-t-il simplement un nouveau chapitre ajouté à un long récit de trahison ? »


Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :

*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.

*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.

Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.

Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025 (partie 1 à 268)

Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 5 janvier au 9 mai 2025 (partie 269 à 392)

Partie 393 : 10 mai. Partie 394 : 11 mai. Partie 395 : 11 mai (1). Partie 396 : 12 mai. Partie 397 : 13 mai. Partie 398 : 14 mai. Partie 399 : 15 mai. Partie 400 : 16 mai. Partie 401 : 16 mai (1). Partie 402 : 17 mai. Partie 403 : 18 mai. Partie 404 : 18 mai (1). Partie 405 : 20 mai. Partie 406 : 21 mai. Partie 407 : 22 mai. Partie 408 : 22 mai (1). Partie 409 : 23 mai. Partie 410 : 24 mai. Partie 411 : 25 mai. Partie 412 : 25 mai (1). Partie 413 : 27 mai. Partie 414 : 27 mai (1). Partie 415 : 28 mai. Partie 416 : 29 mai. Partie 417 : 30 mai. Partie 418 : 1er juin. Partie 419 : 1er juin (1). Partie 420 : 31 mai et 2 juin. Partie 421 : 2 juin (1). Partie 422 : 3 juin. Partie 423 : 4 juin. Partie 424 : 5 juin. Partie 425 : 6 juin. Partie 426 : 6 juin (1). Partie 427 : 7 juin. Partie 428 : 8 juin. Partie 429 : 9 juin. Partie 430 : 10 juin. Partie 431 : 11 juin. Partie 432 : 12 juin. Partie 433 : 13 juin. Partie 434 : 14 juin. Partie 435 : 15 juin. Partie 436 : 16 juin. Partie 437 : 17 juin. Partie 438 : 18 juin. Partie 439 : 19 juin. Partie 440 : 20 juin. Partie 441 : 21-22 juin. Partie 442 : 24 juin. Partie 443 : 25 juin. Partie 444 : 26 juin. Partie 445 :  : 27-28 juin. Partie 446 : 27 juin. Partie 447 : 30 juin. Partie 448 : 1er juillet. Partie 449 : 2 juillet. Partie 450 : 2 juillet(1). Partie 451 : 3 juillet. Partie 452 : 4 juillet. Partie 453 : 5 juillet. Partie 454 : 6 juillet. Partie 455 : 7 juillet. Partie 456 : 7 juillet (1).

Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFPAltermidi et sur Le Poing