Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 390 / 7 mai (1) – Gaza brûle avant l’accord"
Brigitte Challande, 8 mai 2025.– La situation est telle dans sa progression de l’horreur qu’Abu Amir, pour résister, en dehors de se démener à faire le plus possible pour la population, écrit et décrit des massacres, le 7 mai, dans le silence mondial en attendant la visite imminente de Trump.
« En ce jour écrit avec du sang et du feu, la bande de Gaza a connu l’une de ses journées les plus sanglantes depuis la reprise de l’agression israélienne.

Un père, une mère et leur fils, fauchés par une frappe de l’occupation alors qu’ils se trouvaient devant le Café Thaïlandais, à Gaza-ville. Trois des 92 martyrs de la seule journée du 7 mai 2025.
92 personnes ont été tuées dès les premières heures du matin, dans une série de massacres horribles qui ont frappé différentes régions du territoire — du nord au centre, jusqu’au sud. C’est comme si la machine de guerre israélienne avait décidé d’accélérer la cadence des tueries, avant qu’une éventuelle réalité politique ne l’oblige à une trêve susceptible de suspendre temporairement sa soif insatiable de sang.
Les massacres se sont répandus comme un feu dans la paille sèche, sans distinction entre tente et école, entre enfant et vieillard. Gaza tout entière semblait placée sur une carte de cibles, dans une scène qui rappelle les premiers jours de la guerre, mais avec des douleurs et des pertes démultipliées.
En ces heures difficiles, il est devenu évident que le secteur de la santé ne peut plus tenir. Le directeur de l’hôpital Al-Shifa – le plus grand de Gaza – l’a déclaré officiellement : « Nous ne pouvons plus accueillir ce nombre de blessés. Le système de santé est quasiment effondré, les soins médicaux n’existent plus. »
Ce n’étaient pas des mots exagérés, mais une description précise d’une réalité tragique visible dans chaque salle d’urgence, chaque couloir des hôpitaux, désormais transformés en champs de bataille. Les médecins, ces soldats inconnus qui n’ont cessé de lutter à mains nues contre la mort, se retrouvent désormais impuissants, regardant dans les yeux des blessés sans rien pouvoir leur offrir.
Ils perdent des patients sous leurs yeux, non pas par manque de compétence, mais à cause de l’absence des moyens les plus élémentaires. Les médicaments pour stopper les hémorragies sont introuvables, les poches de sang rares, les appareils en panne, et l’électricité coupée dans les salles d’opération. La situation a atteint un point où il faut choisir qui soigner et qui laisser, comme une guerre morale imposée par les armes et la faim.
Ce qui aggrave encore la situation, c’est que cette escalade meurtrière ne semble pas être le fruit du hasard. Elle est plutôt organisée et soigneusement planifiée. Un sentiment général domine parmi les citoyens et les observateurs : l’armée israélienne cherche délibérément à accélérer le rythme des massacres dans les jours précédant la visite du président américain Donald Trump dans la région.

Les clients gisant sur le sol du Café Thaïlandais visé par les missiles de l’occupation à une heure d’affluence.
Les données sur le terrain indiquent une volonté israélienne claire de parvenir à un « maximum de résultats militaires » et à « alourdir le coût du sang palestinien » avant toute trêve attendue qui pourrait la forcer à interrompre temporairement les tueries. Le sang n’est plus un simple corollaire de la guerre, il est devenu un objectif en soi, un chiffre ajouté au tableau de bord sécuritaire, un message envoyé à l’extérieur indiquant que Gaza ne se relèvera pas, même si la guerre prend fin.
Dans ce contexte, quelques voix internationales timides s’élèvent pour qualifier ce qui se passe à Gaza d’« inacceptable », appelant à y mettre « immédiatement » fin. Bien que tardives et neutres, ces déclarations révèlent un changement subtil dans le langage politique. Certaines récentes déclarations européennes ont qualifié les actions israéliennes de « démesurées », tandis que d’autres ont évoqué « la nécessité d’un cessez-le-feu immédiat ». Ces évolutions, bien que limitées, pourraient indiquer des mouvements en coulisses, visant peut-être à préparer le terrain pour un accord incluant une trêve temporaire et un échange de prisonniers, notamment avec l’intensification des médiations régionales et les efforts accrus du Qatar et de l’Égypte ces derniers jours.
Mais à Gaza, personne n’attend de déclarations ni d’analyses. Ce qui préoccupe la population aujourd’hui, c’est comment survivre à la nuit suivante, au prochain massacre, et comment enterrer les morts sans être tué en chemin. Les cadavres s’entassent dans les morgues, les familles enterrent leurs enfants sans linceul, et les survivants n’ont même plus de larmes à verser, tant leur tristesse a tari à force de pleurer. Dans une telle réalité, la vie elle-même devient un fardeau, et la mort parfois moins cruelle que l’attente.
Un autre jour s’inscrit au registre des massacres, et le compteur ne s’arrête pas. 92 morts en quelques heures, comme s’ils n’étaient que des chiffres sans visages, sans noms, sans rêves. Mais la vérité, indélébile, est que chaque chiffre de ce registre est un être humain : une mère, un enfant, un médecin, un père de famille, dont le seul tort est d’être né à Gaza. Le monde comprend-il ce que signifie la mort de 92 personnes en un seul jour ? Les politiciens saisissent-ils que ce qui se passe n’est pas un simple « regain de violence », mais des massacres systématiques ? Est-il concevable que la vie de deux millions de personnes soit prise en otage par les calculs d’avant-visite et d’après-accord ?
À Gaza, il n’y a pas un jour sans massacre, ni une nuit sans tragédie. Et si le monde ne se mobilise pas maintenant, ce qui reste de ce peuple sera enseveli sous les cendres, bien avant que ne soit annoncée la trêve ou divulgué le contenu de l’accord. Gaza ne réclame aujourd’hui que son droit à la vie. Y a-t-il quelqu’un pour l’écouter ? Quelqu’un pour empêcher le prochain massacre… avant qu’il ne devienne une simple brève dans un journal télévisé éphémère ? »
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025.
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Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFP, Altermidi et sur Le Poing.