Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 494 / 20 août – tragédie totale, effondrement global"
Brigitte Challande, 21 août 2025. Hier, nous n’avons pas eu de nouvelles d’Abu Amir ; l’inquiétude était immense à l’annonce de la mobilisation de 60.000 réservistes de l’armée israélienne et de l’encerclement de la ville de Gaza. Ce tableau sinistre est confirmé, les bombardements sont continus, 20 août 2025.
« La situation dans la bande de Gaza aujourd’hui reflète une tragédie totale à tous les niveaux, où le sécuritaire se mêle à l’humanitaire, le militaire au psychologique, dans une image qu’il est difficile de décrire autrement que comme un effondrement global de la vie normale. La bande vit depuis de longs mois sous un siège étouffant et des bombardements continus, qui ont transformé les quartiers résidentiels en ruines et les routes en cimetières à ciel ouvert pour des civils qui ne trouvent ni abri ni refuge. La plupart des zones du territoire ne sont plus habitables, ni même adaptées pour se protéger, et la majorité des habitants ont été contraints de fuir vers des régions qu’ils croyaient plus sûres, mais qui à leur tour finissent rapidement par être ciblées, laissant les civils prisonniers d’un cercle répété de peur et d’errance.
L’armée israélienne a intensifié ses attaques militaires d’une manière sans précédent. Après deux années de bombardements aériens et d’artillerie, les forces terrestres ont avancé vers la ville de Gaza, lui imposant un siège intérieur asphyxiant. Ce mouvement s’inscrit dans un plan militaire de grande ampleur dont le but est la prise de contrôle total du cœur de la bande. L’armée a massé un grand nombre de soldats, mobilisé des renforts supplémentaires et annoncé son intention de lancer une vaste opération qui devrait modifier les contours de la situation sur le terrain. Le plan prévoit un contrôle sécuritaire complet de Gaza, la mise en place de zones tampons, l’élimination des factions armées, ainsi que l’établissement d’une nouvelle administration civile sans place pour les forces locales traditionnelles qui ont dirigé la bande ces dernières années.
Sur le plan humanitaire, l’image est encore plus sombre. Les aides humanitaires arrivant dans la bande sont extrêmement limitées et insuffisantes pour endiguer la faim généralisée parmi la population. Des milliers de familles sont menacées de mourir de faim, l’eau potable est presque inexistante et les maladies se propagent à cause de l’accumulation des déchets et de l’effondrement du réseau d’assainissement. Les hôpitaux qui avaient tenu bon durant les derniers mois ne peuvent plus accueillir de blessés supplémentaires, les médicaments et fournitures médicales étant épuisés. Les médecins se trouvent confrontés à des choix tragiques, décidant à chaque instant qui soigner et qui laisser à son sort. Les écoles se sont transformées en abris surpeuplés de déplacés, mais ces mêmes abris souffrent d’un manque de nourriture et d’eau, devenant ainsi des foyers d’épidémies.
L’effondrement de la société dans la bande ne se limite pas aux aspects matériels, mais englobe également la dimension psychologique. Les habitants vivent une situation inédite de désespoir et de découragement, sans horizon clair quant à une fin proche de cette tragédie. Les enfants ont perdu leur enfance au milieu des explosions, les femmes portent le fardeau de la perte de leurs maris et enfants, tandis que les hommes se débattent entre la volonté de protéger leurs familles et l’impuissance face à une force destructrice dépassant leurs moyens. La tristesse et le deuil dominent presque chaque foyer, les cimetières sont devenus des témoins silencieux de l’ampleur du désastre.
Sur le plan politique et militaire, les discussions se poursuivent autour d’un accord visant à un cessez-le-feu temporaire, comprenant un échange de prisonniers, l’entrée d’aide humanitaire et une réduction limitée des opérations militaires. Ces négociations oscillent entre avancées et blocages, chaque initiative étant accueillie par des réserves et des contre-conditions. Bien que certaines parties aient exprimé leur disposition à accepter une trêve de six mois, les obstacles demeurent nombreux, notamment l’insistance israélienne sur la récupération de tous ses prisonniers comme condition préalable à tout accord définitif. En face, l’autre partie réclame des garanties d’un arrêt permanent de l’agression et de la levée du blocus, des revendications qui n’ont jusqu’ici rencontré aucune réponse concrète.
En réalité, ces négociations, malgré leur importance, n’ont pas encore réussi à stopper l’effusion de sang. Les opérations militaires israéliennes se poursuivent, s’étendent dans les quartiers de Zeitoun et Sabra, et les raids ne cessent pas. Les civils vivent dans une attente permanente de ce que pourraient apporter les heures suivantes. Chaque jour apporte son lot de morts, de maisons détruites et de nouvelles zones réduites en ruines. À chaque cycle de négociations, les habitants de la bande s’accrochent à un mince fil d’espoir, mais cet espoir se dissipe rapidement devant la continuité des opérations sur le terrain.
La bande connaît également un effondrement de la structure sociale et politique, les factions locales ayant perdu de leur autorité dans plusieurs régions, laissant apparaître de nouvelles forces cherchant à combler le vide sécuritaire, ce qui complique encore davantage la scène. Le citoyen ordinaire ne sait plus qui détient réellement le pouvoir, ni quelle autorité peut être fiable pour assurer la protection ou les services de base. Cette désagrégation ajoute une couche supplémentaire de souffrances, piégeant les habitants entre les feux du conflit externe et le chaos interne.
Au milieu de tout cela, l’image psychologique reste peut-être la plus cruelle. Le désespoir s’est insinué dans chaque maison, et le sentiment de perte d’espoir est devenu la marque dominante de la vie quotidienne. Beaucoup ne parlent plus de l’avenir, mais seulement de comment survivre à la journée en cours. L’effondrement psychologique est palpable, exprimé par les pleurs des enfants, le silence des adultes, et la transformation de la vie en une attente interminable du pire. L’espoir d’un cessez-le-feu, même temporaire, est désormais pour la majorité des habitants comme une ultime chance de reprendre leur souffle, avant d’être engloutis par le cercle de la mort et de la faim.
On peut dire que la situation sécuritaire et humanitaire dans la bande de Gaza a atteint des niveaux sans précédent de dégradation, où le blocus et les opérations militaires s’ajoutent à la pauvreté, à la faim et au désespoir psychologique pour former un tableau tragique complet. Tandis que les opérations militaires se poursuivent sur le terrain et que les négociations piétinent en coulisses, les civils restent les principales victimes, payant un lourd tribut de leurs vies et de leurs souffrances quotidiennes, dans l’attente d’un moment qui pourrait enfin apporter une lueur d’espoir pour un lendemain moins cruel. »
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025 (partie 1 à 268) Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 5 janvier au 9 mai 2025 (partie 269 à 392)
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Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFP, Altermidi et sur Le Poing.