Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 455 / 7 juillet – « Ta voix est vie et ton corps parle »"
Brigitte Challande, 8 juillet 2025. L’intitulé de cet atelier a été inspiré par la souffrance des femmes dont les voix ont été étouffées sous les décombres des traumatismes, et qui ont stocké la douleur, dans le camp d’Al-Isra, au nord de Gaza. Compte rendu du 6 juillet.
« Dans l’obscurité imposée par la guerre à Gaza, entre les tentes du déplacement et l’inconnu qui entoure le quotidien des femmes, cet atelier de soutien psychologique est venu comme une petite fenêtre dans un lieu qui gémit de douleur mais continue de battre au rythme de la vie.
Les femmes se sont assises en cercle, au centre duquel une petite bougie fut allumée, symbole d’un espoir suspendu à un fil ténu.
Le premier axe de l’atelier a commencé par une activité interactive intitulée « Mon visage parle pour moi« . Chaque femme devait choisir un sentiment intérieur et l’exprimer uniquement à travers les expressions de son visage, sans prononcer un mot. Tristesse, nostalgie, crainte, ou même un petit éclat de lumière soudainement ressenti. Des rires nerveux, des larmes silencieuses, des regards hésitants… un langage muet mais aussi clair que les bombardements.
L’atelier a ensuite évolué vers son deuxième axe, dans lequel l’animatrice a raconté une histoire vraie inspirée de l’expérience d’une femme déplacée. C’était l’histoire d’une mère cherchant son enfant sous les décombres, et des mots qu’elle n’a pas pu dire, de peur que ceux qui lui restaient ne s’effondrent. À ce moment-là, l’émotion des femmes est montée, leurs voix ont commencé à trembler. L’animatrice a ouvert l’espace au partage :
« Laquelle d’entre vous a déjà senti les mots coincés dans sa gorge ? Laquelle a retenu une larme par peur d’avoir l’air faible ? »
Une femme d’environ cinquante ans a pleuré en silence en disant :
« Je n’ai pas serré ma fille dans mes bras depuis le début de la guerre, nous avions toutes les deux peur de nous effondrer si nous pleurions ensemble. »
Une étudiante a partagé un rêve récurrent :
« Je fuis les bombardements, mais personne ne m’attend. »
À chaque témoignage, un véritable soulagement avait lieu, comme si chaque mot retirait une pierre posée sur le cœur.
Des phrases simples, mais douloureusement sincères :
« Je ressens de la peur. »
« J’ai besoin des bras de ma mère. »
« Mon foyer me manque. »
« J’ai besoin de dormir sans trembler. »
Une courte séquence musicale a été dédiée à une pièce jouée au qanûn, accompagnée d’une voix douce répétant une seule phrase :
« Tout redeviendra comme avant… un jour. »
Pendant cette mélodie, il a été demandé aux femmes d’écrire un mot sur un papier coloré décrivant leur ressenti du moment. Les papiers ont été dispersés au centre du cercle, comme de petites histoires cherchant un lecteur.
La responsabilité sociale n’a pas été absente de l’atelier sur le thème : « La liberté d’expression et la responsabilité de la parole. »
Comment nos mots peuvent-ils soutenir ou blesser les autres ?
Comment exercer notre droit à nous exprimer même au milieu du chaos, sans transmettre la peur ou amplifier la douleur ?
Une femme âgée a dit :
« Je croyais tout ce que j’entendais et je le répétais à tout le monde. Aujourd’hui, j’ai appris que poser la question : ‘D’où as-tu entendu cela ?’ est en soi une manière de protéger les autres de la panique. »
L’atelier s’est conclu par un message collectif intitulé : « Nous sommes une seule voix« .
Les participantes se sont levées côte à côte, tenant un long ruban de tissu sur lequel était écrit :
« Nous méritons d’être entendues, nous méritons d’être étreintes, nous méritons la vie. »
Puis vint un silence solennel.
Ce silence n’était plus celui de la peur comme au début, mais celui d’âmes apaisées, libérées de leurs fardeaux, et remplies de lien et de sécurité.
Les femmes ont quitté l’atelier les larmes aux yeux — mais cette fois, leurs regards disaient : « Nous sommes là… et nous avons enfin parlé. »
Photos et vidéos ICI.
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025 (partie 1 à 268) Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 5 janvier au 9 mai 2025 (partie 269 à 392)
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Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFP, Altermidi et sur Le Poing.