Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 451 / 3 juillet – La Mort en spectacle qu’Israël regarde à Gaza !"
Brigitte Challande, 4 juillet 2025. A la lecture de ce texte d’Abu Amir le 3 juillet, on ne veut pas y croire et pourtant il décrit des plateformes d’observation, à la frontière de Gaza, pour regarder la mort qui devient un spectacle touristique pour les Israéliens. Le génocide comme divertissement.
« Dans une scène qui suscite stupéfaction et indignation, la tragédie du peuple palestinien dans la bande de Gaza se transforme en un spectacle direct, observé depuis des plateformes érigées à cet effet du côté israélien de la frontière. Ces plateformes, installées sur des collines surplombant Gaza, sont devenues une destination fréquentée par de nombreux Israéliens – civils, étudiants, voire des visiteurs étrangers – venus assister aux bombardements et à la destruction de Gaza, comme s’il s’agissait d’un « spectacle en direct » consommé visuellement, sans égard pour les victimes ni pour la souffrance derrière les images. Alors que les Palestiniens vivent sous un déluge de frappes aériennes et de tirs d’artillerie, de l’autre côté de la frontière, des personnes observent la scène tout en sirotant leurs boissons, dans une indifférence choquante. Ces visiteurs ne viennent ni par empathie ni par souci des droits humains, mais par simple curiosité ou divertissement, soulevant ainsi de graves questions éthiques sur la conscience collective de la société israélienne à l’égard des Palestiniens.
Il ne s’agit pas d’un phénomène isolé, mais plutôt du reflet d’une normalisation sociale de la violence systémique contre un peuple sans défense. Plus inquiétant encore, ces pratiques sont parfois présentées comme faisant partie de « l’identité nationale », leur conférant ainsi une certaine légitimité. De nombreux rapports et témoignages médiatiques ont documenté l’existence de plateformes équipées de longues-vues payantes, de chaises réservées et même de boissons légères offertes aux visiteurs. Ces derniers s’y installent en silence ou dans le bruit, observant les avions israéliens bombarder Gaza, scrutant la montée des colonnes de fumée et les ruines, dans une scène qui évoque davantage un concert en plein air qu’une guerre tragique.
Certaines familles amènent leurs enfants sur place, leur expliquant comment « l’armée défend Israël », instaurant ainsi une normalisation précoce de la violence. Certains prennent des selfies ou filment des vidéos les montrant en train de vivre un moment « historique » en regardant des quartiers entiers de Gaza réduits en cendres. Des applaudissements ou même des manifestations de joie ont été signalés lors d’explosions spectaculaires, comme si les frappes étaient un feu d’artifice sans victimes.
Ces comportements traduisent non seulement une perte de conscience morale, mais témoignent aussi de l’enracinement d’une culture de supériorité nationale et d’indifférence à la souffrance palestinienne. À l’origine, certains de ces lieux servaient à surveiller la frontière ou à suivre l’activité militaire. Mais ces dernières années, ils se sont transformés en sortes de « lieux de loisirs » que des groupes visitent en minibus, dans le cadre de circuits organisés, souvent promus comme étant « éducatifs » ou « culturels », mais qui permettent en réalité aux visiteurs de voir la mort et la destruction à l’œil nu, sans aucun contexte humanitaire ou critique.
Certains de ces points d’observation sont désormais bien connus des habitants locaux, et des horaires de bombardements potentiels sont même échangés via des groupes WhatsApp ou des applications dédiées, afin que les gens puissent être présents au « bon moment ». Des jumelles sont vendues, des chaises en plastique proposées à bas prix – transformant ainsi la scène en un petit marché de la mort.
Cette instrumentalisation des plateformes d’observation à des fins de divertissement reflète une marchandisation atroce de la souffrance d’un peuple tout entier. Ce qui est encore plus alarmant, c’est l’absence totale de surveillance juridique ou de condamnation morale à l’intérieur même d’Israël, permettant à ce phénomène de se poursuivre en toute impunité.
Ce phénomène a suscité une vive indignation dans les milieux des droits de l’homme et humanitaires, car il constitue une violation flagrante des normes les plus élémentaires de la dignité humaine. Transformer la douleur et la destruction en un spectacle récréatif vide la tragédie de son sens et banalise la violence dans la conscience collective, au point de la rendre acceptable, voire « divertissante ». Des ONG internationales et des journalistes indépendants ont qualifié ce phénomène de forme de « sadisme contemporain », où le plaisir est justifié par la souffrance de l’autre. Sa persistance témoigne de l’absence de sensibilité chez une partie de la société israélienne face à ce qui se passe de l’autre côté du mur. Cette fracture morale rend difficile tout espoir de paix ou même de compréhension, tant qu’on applaudira les tueries au lieu de les condamner.
Ce qui est particulièrement douloureux, c’est que certaines voix israéliennes ayant dénoncé ces pratiques ont été accusées de trahison ou d’antipatriotisme. Ce qui se passe sur ces plateformes ne se limite pas à une moquerie de la souffrance palestinienne, mais ancre une culture de normalisation de la violence, éduquant de nouvelles générations à percevoir la guerre comme un spectacle banal, voire agréable. Les enfants que leurs parents emmènent sur ces plateformes grandissent en considérant la mort comme une composante normale du quotidien, ce qui vide les valeurs humaines de toute signification. Le fait de promouvoir de telles visites comme étant « éducatives » ou « instructives » alimente encore davantage le discours de haine et légitime la violence comme un moyen de défense acceptable.
Cette normalisation ne se limite pas à l’intérieur d’Israël : elle résonne également à l’étranger, où Israël est parfois présenté comme un État « assiégé » qui ne fait que se défendre, sans qu’on dévoile ce visage sombre qui jouit de la mort des innocents. C’est une illustration frappante de la manière dont la violence peut devenir une culture quotidienne, ne nécessitant même plus de justification, mais simplement consommée comme un programme télévisé.

Capture d’écran d’une vidéo où l’on voit des Israéliens venant assister au génocide des Palestiniens de Gaza, en musique.
Les scènes observées depuis les plateformes de surveillance israéliennes à la frontière de Gaza ne sont pas seulement l’expression d’un détachement moral, mais le reflet profond d’une culture politique et militaire qui considère la mort palestinienne comme un simple moment de spectacle.
Tandis que des enfants gazaouis tombent sous les bombes, d’autres applaudissent de l’autre côté de la frontière. Ce tableau en dit long sur la perte d’humanité, sur le besoin urgent de justice, de conscience, et d’un véritable soutien aux victimes, au lieu de se réjouir sur leurs ruines.
Aucun discours politique ne peut justifier la transformation de la mort en spectacle. Un monde qui tolère de telles scènes sans protester contribue, implicitement, à légitimer le génocide. Ce dont Gaza a besoin, ce n’est pas seulement l’arrêt des bombardements, mais aussi la fin de cette mascarade morale qui fait de la douleur un divertissement collectif. C’est un appel à la conscience mondiale, à tous ceux en qui subsiste un peu d’humanité. »
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025 (partie 1 à 268) Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 5 janvier au 9 mai 2025 (partie 269 à 392)
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Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFP, Altermidi et sur Le Poing.