Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 466 / 19 juillet – Distribution de vêtements d’été pour des enfants orphelins en pleine famine

Brigitte Challande, 19 juillet 2025.- Aujourd’hui, Abu Amir raconte les enfants de Gaza du camp Al Baraka : de petits cœurs qui résistent sous les décombres pendant que la famine quotidienne fait des ravages.

« Dans un coin de ce monde, où les enfants naissent pour se retrouver au cœur du feu et du blocus, au lieu d’un havre de vie, les enfants de la bande de Gaza vivent sous le poids d’une réalité qui ne ressemble à aucune autre sur terre. Ici, l’enfance n’est pas une saison d’innocence et de jeu, mais une page sanglante écrite dans le besoin, la perte et la privation. Ces petits ne connaissent rien des jardins, des terrains de jeux ou des vacances d’été ; leur quotidien n’a rien de commun avec celui des enfants ailleurs. Ce que vivent les enfants de Gaza est une version douloureuse de l’existence, privée de tout ce qui définit l’enfance : nourriture suffisante, eau potable, foyer sûr, éducation stable, soins médicaux, et même un simple vêtement digne d’un petit corps qui grandit parmi les ruines ou sous les tentes des camps de déplacés disséminés partout.

Dans chaque recoin de la bande de Gaza, un enfant au regard grand et profond porte en lui une fatigue qui dépasse largement son âge. Et parmi les lieux les plus poignants se trouve le camp Al-Baraka pour orphelins à Mawasi Khan Younès, un camp fermé réservé aux femmes et aux enfants ayant perdu leur soutien familial — ceux qui ont dit adieu à leurs pères, tués, disparus ou emprisonnés. Ce n’est pas seulement un lieu d’accueil, mais une blessure ouverte dans le corps de l’enfance gazaouie, résumant la souffrance d’une génération entière qui grandit sans main protectrice ni étreinte paternelle.

Dans ce camp, la douleur des mères ne s’arrête pas à la perte, mais s’étend à tous les aspects du quotidien. Chaque mère lutte contre la douleur et l’impuissance, chaque jour apporte des questions angoissantes : Comment vais-je habiller mon enfant ? Comment le réchauffer en hiver ? Comment lui offrir un peu de joie en cet été de pénurie ? Alors que la chaleur estivale s’intensifie, les appels des mères se sont élevés, exprimant un besoin sincère pour un droit fondamental de l’enfance : un vêtement propre, neuf, qui protège leurs enfants du soleil brûlant, un instant de bonheur bien mérité.

Parce que la voix de la justice ne peut rester sans réponse, les équipes de l’UJFP ont répondu, ainsi est née une initiative porteuse d’espoir et de joie pour ces cœurs éprouvés. Ces derniers jours, les équipes sur le terrain se sont rendues au camp Al-Baraka, chargées de 250 vêtements d’été qu’elles ont distribués aux enfants orphelins. Ce n’était pas simplement une distribution de biens matériels, mais un moment profondément humain, qui a changé la teinte d’une journée grise pour des enfants sans soutien, et pour des mères à bout de force.

Les sourires dessinés sur les visages des mères ont été le plus beau des messages de remerciement. Dans cette initiative, elles ont vu une forme de justice, une lueur qui atténue un peu la cruauté du quotidien, une dose de réconfort, même éphémère. Quant aux enfants, ils semblaient transportés dans un autre monde, courant joyeusement dans leurs nouveaux habits, échangeant regards complices et rires, comme s’ils avaient, ne serait-ce qu’un instant, oublié où ils se trouvaient. Ce vêtement neuf leur avait rendu un sentiment volé : la dignité, l’inclusion, l’estime de soi.

Nombreuses sont les mères qui ont exprimé leur gratitude à l’équipe à travers des messages émouvants, pleins de reconnaissance envers ceux et celles qui ont contribué à redonner le sourire à leurs enfants. Des mots sincères, trempés de larmes, traduisant le sentiment que quelqu’un, quelque part, pense encore à elles, entend leurs appels, et répond sans délai. « Je n’aurais jamais imaginé voir une telle joie dans les yeux de mon enfant, c’est comme si vous lui aviez redonné vie avec un simple vêtement » « Vous êtes ceux qui restent avec nous quand tous les autres nous abandonnent. »

Cette action humanitaire ne peut être réduite à des chiffres ou des images. Elle est le témoignage vivant que l’humanité peut encore briller dans des lieux où toute forme de vie semble suffoquer. Les équipes ont prouvé que se tenir aux côtés des enfants de Gaza ne nécessite ni tapage ni projecteurs, mais bien des actes sincères, une réactivité exemplaire et un profond sens du devoir.

Ce dont les enfants de Gaza ont besoin ne se limite pas à une bouchée de pain ou à un vêtement pour l’été ou l’hiver. Ils ont besoin d’une vie entière, d’une existence digne comme celle que tout autre enfant a droit de vivre. Ce qu’a accompli UJFP est aussi un rappel que la plaie est encore béante, et que les enfants de Gaza méritent plus qu’une simple initiative : ils méritent une véritable justice, une humanité pleine, et la possibilité de vivre comme tous les autres enfants du monde. Car l’enfance n’est pas un crime. Et parce qu’un sourire, comme celui dessiné par un vêtement neuf, devrait être un droit fondamental — non une exception rare. »

Photos et vidéos ICI.

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A Gaza, chaque matin, la famine organisée hurle !

« Chaque matin, les habitants de Gaza se réveillent au son d’une souffrance renouvelée, qui commence dès l’ouverture des yeux jusqu’au dernier souffle de la nuit. La journée entière se transforme en une misérable quête pour un morceau de pain, une poignée de farine ou quelques gouttes d’eau potable. Dans les rues de la bande de Gaza, la vie ne suit pas son cours : elle trébuche au milieu des décombres, des files de déplacés et du silence meurtrier du monde. Les femmes ne suivent plus leurs enfants vers l’école, mais vers les points de distribution d’aide humanitaire — et il se peut que la mère rentre les mains vides… ou ne rentre jamais.

La faim à Gaza n’est plus une métaphore ni une exagération, mais une réalité mesurable aux kilos perdus des corps des enfants, à leurs yeux enfoncés qui n’ont pas goûté au lait depuis des mois. Les images venues de là-bas disent la vérité sans commentaire : des enfants aux os saillants, des lèvres fendillées par la soif, des jeunes aux regards perdus, courant après les camions d’aide avant d’être rejetés vers la mort. Dans certains quartiers, on tue pour s’être simplement approché d’un camion contenant quelques sacs de farine. Les files d’attente pour du pain sont devenues des zones de danger, et l’eau potable un objectif militaire sur lequel on tire sans pitié.

Tout à Gaza témoigne d’une famine — mais pas une famine naturelle. C’est une famine imposée délibérément, de manière méthodique. Depuis des mois, la bande est fermée à la nourriture et aux médicaments. Le blocus étouffant étrangle la respiration de plus de deux millions de personnes. Les moulins sont à l’arrêt, les boulangeries sont hors service, les fermes ont été réduites en cendres sous les bombardements. Même les petits potagers familiaux, dernier souffle de survie pour certaines familles, ont été asphyxiés sous un ciel que ne traversent que des avions de guerre.

Le drame ne se limite pas à la faim : il s’étend à la maladie. Dans des hôpitaux sans carburant ni médicaments, des milliers de malades gisent. Certains se tordent de douleur, d’autres rendent leur dernier souffle dans le silence, car le monde a décidé que leurs cris ne méritaient pas d’être entendus. Des nouveau-nés meurent de déshydratation, de manque de soins ou simplement parce qu’ils sont nés à Gaza. Il n’y a ni électricité, ni lait, ni couveuses, ni droit à la vie.

La scène évoque les récits de persécutions collectives enseignés par l’Histoire, sauf qu’elle se déroule maintenant, non dans un passé lointain. C’est une famine collective organisée, exécutée sous l’œil des caméras du monde, et justifiée par des prétextes des plus fragiles. Lorsque la faim est utilisée comme une arme, et que les familles doivent choisir entre mourir sous les bombes ou de faim, ce n’est plus une stratégie de guerre, mais une forme de génocide lent. La machine militaire prive délibérément les gens des nécessités vitales, puis accuse les victimes de « vol d’aide », et punit tout le monde pour un crime qu’aucun d’eux n’a commis. Ainsi, le peuple paie seul le prix, sans distinction entre enfant et vieillard, entre femme et nourrisson.

Dans les expressions les plus poignantes de cette souffrance, ce sont les voix des mères qui racontent la véritable histoire : des mères à la recherche d’un seul repas pour nourrir leurs enfants, qui passent la nuit dans l’angoisse parce que leur enfant n’a pas mangé depuis deux jours, qui courent à l’aube derrière un camion censé contenir de l’« aide » — avant que l’endroit ne soit bombardé ou que des tirs ne s’abattent sur eux. Même la mort à Gaza n’est pas égale : certains meurent lentement de faim, d’autres en un instant, en cherchant à manger.

Aujourd’hui à Gaza, personne ne rêve d’avenir, mais d’un simple repas. Personne ne souhaite le bonheur, mais la survie. Tous ceux qui vivent là-bas paient le prix d’une injustice sans fin, d’une oppression incessante, d’une complicité internationale qui a fait de cet endroit un champ libre à la famine et à la punition collective. Chaque instant sans action est un instant où une petite fille meurt, où le lait d’une mère s’assèche, où un petit espoir s’éteint.

Et ainsi, les habitants de Gaza continuent à affronter leurs journées avec une dignité brisée et une faim brûlante, poursuivant le pain comme s’il s’agissait d’un rêve inaccessible, dans un monde qui a perdu son humanité — ou qui a choisi de voir… et de se taire. »


Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :

*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.

*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.

Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.

Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025 (partie 1 à 268)

Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 5 janvier au 9 mai 2025 (partie 269 à 392)

Partie 393 : 10 mai. Partie 394 : 11 mai. Partie 395 : 11 mai (1). Partie 396 : 12 mai. Partie 397 : 13 mai. Partie 398 : 14 mai. Partie 399 : 15 mai. Partie 400 : 16 mai. Partie 401 : 16 mai (1). Partie 402 : 17 mai. Partie 403 : 18 mai. Partie 404 : 18 mai (1). Partie 405 : 20 mai. Partie 406 : 21 mai. Partie 407 : 22 mai. Partie 408 : 22 mai (1). Partie 409 : 23 mai. Partie 410 : 24 mai. Partie 411 : 25 mai. Partie 412 : 25 mai (1). Partie 413 : 27 mai. Partie 414 : 27 mai (1). Partie 415 : 28 mai. Partie 416 : 29 mai. Partie 417 : 30 mai. Partie 418 : 1er juin. Partie 419 : 1er juin (1). Partie 420 : 31 mai et 2 juin. Partie 421 : 2 juin (1). Partie 422 : 3 juin. Partie 423 : 4 juin. Partie 424 : 5 juin. Partie 425 : 6 juin. Partie 426 : 6 juin (1). Partie 427 : 7 juin. Partie 428 : 8 juin. Partie 429 : 9 juin. Partie 430 : 10 juin. Partie 431 : 11 juin. Partie 432 : 12 juin. Partie 433 : 13 juin. Partie 434 : 14 juin. Partie 435 : 15 juin. Partie 436 : 16 juin. Partie 437 : 17 juin. Partie 438 : 18 juin. Partie 439 : 19 juin. Partie 440 : 20 juin. Partie 441 : 21-22 juin. Partie 442 : 24 juin. Partie 443 : 25 juin. Partie 444 : 26 juin. Partie 445 :  : 27-28 juin. Partie 446 : 27 juin. Partie 447 : 30 juin. Partie 448 : 1er juillet. Partie 449 : 2 juillet. Partie 450 : 2 juillet(1). Partie 451 : 3 juillet. Partie 452 : 4 juillet. Partie 453 : 5 juillet. Partie 454 : 6 juillet. Partie 455 : 7 juillet. Partie 456 : 7 juillet (1). Partie 457 : 9 juillet. Partie 458 : 10 juillet. Partie 459 : 11 juillet. Partie 460 : 12 juillet. Partie 461 : 13 juillet. Partie 462 : 14 juillet. Partie 463 : 16 juillet. Partie 464 : 17 juillet. Partie 465 : 18 juillet.

Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFPAltermidi et sur Le Poing