Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 385 / 4 mai – Un ultime rempart de l’humanité"
Brigitte Challande, 5 mai 2025. La continuité des actions menées par les équipes soutenues par l‘UJFP relève de l’exploit ! Compte rendu envoyé le 4 mai.
« Dans une terre qui n’a pas connu la paix depuis de longs mois, au cœur de la bande de Gaza transformée en une masse de cendres encerclée par la faim, le froid et le sang, la tragédie humaine se poursuit sous les yeux du monde, sans que celui-ci ne cligne des paupières ni ne laisse son humanité s’émouvoir. Dans chaque recoin de ce territoire meurtri, une histoire de douleur se dissimule, des âmes suffoquent sous l’odeur de la mort et de la faim, et l’enfance se fane sous des tentes qui ne protègent ni de la chaleur ni du froid.
Dans cette réalité brutale, sous les bombardements israéliens incessants qui n’ont laissé intact ni pierre ni cœur, la vie à Gaza tient sur le fil de l’effondrement. Il n’y a ni nourriture, ni médicaments, ni eau, ni la moindre lueur de sécurité. Depuis la fermeture quasi permanente des points de passage et l’étouffement de plus de deux millions de personnes, la politique israélienne ne s’est pas limitée aux bombardements. Elle semble avoir adopté une stratégie méthodique de famine, transformant la nourriture en arme de guerre. Rien n’entre à Gaza. Aucun médicament autorisé, aucune farine, aucun carburant — sauf à des doses infimes, insuffisantes même pour une journée. Les scènes de foules attendant une portion de nourriture, ou d’une file pour remplir un seau d’eau, font désormais partie du quotidien de Gaza. Une famine lente, calculée, qui vise l’âme avant le corps, dans le but de briser la volonté et d’écraser ce qui reste de dignité chez ceux que les bombes n’ont pas encore vaincus.
Dans cet enfer à ciel ouvert, les équipes de l’UJFP et de quelques autres rares institutions encore actives dans Gaza, agissent comme ultime rempart de l’humanité. Elles ne possèdent pas tout ce qu’il faut, mais refusent de laisser les gens mourir en silence. Chaque semaine, nous écrivons un nouveau chapitre de résilience, nous approchons des blessés, nous allons dans les camps, sans armes — mais avec de la farine, de l’eau, des vêtements, et une parole bienveillante.
Dans la région de Abu Ta’ima, à l’est de Khan Younis, l’équipe de l’organisation gère un petit centre de distribution alimentaire, qui revêt pourtant une signification immense pour la survie. Chaque jour, des repas chauds sont préparés et envoyés aux familles pauvres de paysans qui continuent de s’accrocher à leurs terres malgré les bombardements et l’absence presque totale de moyens de subsistance. Ces repas atteignent également les familles paysannes déplacées, qui ont installé leurs tentes dans des camps dispersés à l’est de Khan Younis, fuyant les bombardements, accrochées à une étincelle de vie.
En plus de la nourriture, les équipes maintiennent en fonctionnement le système d’approvisionnement en eau qu’elles avaient mis en place auparavant à Abu Ta’ima, malgré les coupures d’électricité et la pénurie de carburant. Chaque jour, le générateur du projet est mis en marche pour pomper l’eau vers les maisons restantes dans la zone, dans une tentative de préserver un souffle de vie dans ces marges oubliées de la bande. Il aurait été plus simple d’abandonner ce service, comme tant d’autres choses autour, mais la volonté de continuer est ce qui distingue cette action humanitaire, en un temps où l’humanité semble laisser les gens mourir de faim et de soif.
La semaine dernière, les équipes humanitaires ont élargi leur champ d’action en atteignant un camp nouvellement installé à Bani Suheila, où des dizaines de familles de la localité de Khuza’a ont trouvé refuge après que leurs maisons aient été détruites et leurs enfants dispersés. En arrivant, le sol était accidenté, les enfants pieds nus, les visages marqués par la pâleur et la peur. Il n’y avait pas assez de nourriture ni de couvertures, mais les équipes ont distribué des rations de farine, mêlant dans les cœurs gratitude et douleur.
Dans la même semaine, après une tournée d’évaluation de la situation des enfants du camp, 340 vêtements neufs ont été distribués à chaque enfant. Ce fut un moment riche en émotions : les rires des enfants essayant leurs habits suffisaient à dissiper, pour un instant, l’image des tentes, du froid et de la faim.
Et même si les besoins sont bien plus grands que les moyens disponibles, les équipes poursuivent actuellement un recensement des familles et enfants dans les autres camps où se sont réfugiées les familles paysannes déplacées de Khuza’a. L’objectif est d’élargir l’aide, fournir farine et vêtements à ceux qui n’ont encore rien reçu. Cette action, bien que modeste face à l’ampleur de la catastrophe, représente pour ces personnes la frontière entre effondrement et survie, entre faim et dignité, entre mort lente et résistance quotidienne.
En parallèle aux efforts de secours fournis jour et nuit, l’UJFP n’oublie pas un autre domaine crucial en temps de guerre : l’éducation.
À Abu Ta’ima, où les paysans résistent au siège avec les moyens du bord, l’UJFP a créé un petit centre éducatif, modeste mais essentiel, offrant aux enfants un espace sûr pour apprendre, jouer, et surmonter les traumatismes. Ce centre, malgré ses ressources limitées, est un point de lumière dans une réalité sombre. On y organise des cours, des activités psychologiques et récréatives, ainsi que des programmes de rattrapage pour les enfants dont la scolarité a été brutalement interrompue.
Au cœur du camp de Nuseirat, un autre centre a été mis en place, accueillant des dizaines d’enfants déplacés. Il est géré par des volontaires et enseignants locaux qui ont choisi de résister à l’oubli. Dans ces centres, on ne distribue pas seulement des livres, on y reconstruit l’âme, on y protège l’innocence de l’enfance, et on y sème à nouveau l’espoir d’un avenir qui, malgré tout, vaut la peine d’être attendu.
À Gaza, le courage ne se mesure pas au nombre de fusils, mais au nombre de vies sauvées de la faim, du froid et de l’oubli. Et face à cette obscurité prolongée, l’UJFP allume de petites bougies dans les ténèbres de la catastrophe, prouvant que l’action humanitaire n’est pas seulement une mission, mais une position morale, un message sincère dans un temps de trahison.
Ce que font ces équipes ne relève pas du miracle, mais cela préserve la vie, et murmure aux survivants : « Vous n’êtes pas seuls. » Et cela seul suffit à maintenir l’espoir vivant, dans un endroit où simplement rester en vie est devenu le plus grand des exploits. »
Photos et vidéos des repas ICI.
Photos et vidéos du programme éducatif ICI.
Photos envoyées par la direction du camp Al Amal ICI.
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025.
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Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFP, Altermidi et sur Le Poing.