Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 370 / 19 avril – Crise alimentaire : du blé à la famine

Brigitte Challande, 20 avril 2025. Le 19 avril au soir, Abu Amir envoie ce texte qui affirme l’effondrement des approvisionnements, la faim grandissante et une politique de famine délibérée. Mais dans ce contexte, les équipes soutenues par l’UJFP continuent à nourrir une partir de la population.

« À Gaza, la faim n’est plus un événement exceptionnel : elle est devenue une routine quotidienne, qui se répète sur des tables brisées, dans des tentes déchirées, au fond de cœurs remplis de peur et d’impuissance. Depuis le début de l’agression israélienne en octobre 2023, la bande de Gaza a basculé dans une phase sans précédent d’effondrement alimentaire, suite à l’arrêt complet des chaînes d’approvisionnement et à la fermeture des points d’entrée des biens essentiels, en tête desquels la farine. Les pains ont disparu des tables, et la vie des habitants est devenue une quête incessante d’un repas qui ne rassasie pas, mais qui maintient les survivants à flot.

Dans les premiers jours de la guerre, les boulangeries tentaient de résister avec les maigres réserves disponibles. Mais avec la poursuite du siège et la fermeture du point de passage de Kerem Shalom, les stocks de farine se sont complètement épuisés. Toutes les boulangeries ont cessé leurs activités, les centres de distribution alimentaire ont été paralysés, et le pain est devenu un bien aussi rare que précieux. Sur le marché noir, le kilo de farine atteint des prix exorbitants, lorsqu’il est disponible, inaccessible pour une population déjà épuisée par la guerre. Des millions de personnes survivent à peine, vivant de conserves, d’eau salée, ou de miettes issues d’une aide humanitaire aussi rare que précieuse.

Cette situation n’est pas une crise passagère, mais bien une politique israélienne délibérée, destinée à briser la population en utilisant la faim comme arme. Par le blocage des approvisionnements, l’interdiction d’entrée de l’aide humanitaire, les bombardements des entrepôts alimentaires et la privation d’eau et d’électricité dans les zones agricoles, Israël a délibérément asséché la veine nourricière du territoire, transformant peu à peu la famine en une réalité étouffante pour tous : enfants, femmes, malades et personnes âgées.

Dans cette obscurité alimentaire, certaines initiatives humanitaires se dressent comme le dernier rempart préservant la dignité humaine. Parmi elles, les efforts de l’UJFP se distinguent par leur constance depuis le début de la guerre. Elle s’efforce de fournir quotidiennement des repas aux familles les plus vulnérables, notamment dans la région agricole d’Abou Taïma, jadis considérée comme un grenier local, mais devenue aujourd’hui une zone sinistrée, suite à la destruction de ses terres et à la perte de ses ressources.

Dans cette région, nous distribuons des repas équilibrés chaque jour aux familles d’agriculteurs qui ont choisi de rester malgré les bombardements et le blocus. Ces familles, parmi les plus affectées, ont tout perdu : leurs terres, leur équipement et leurs moyens de subsistance. L’organisation veille à leur fournir des repas contenant un minimum de valeur nutritionnelle, afin de garantir une forme de continuité, même dans sa forme la plus élémentaire.

Mais le drame ne s’arrête pas là. Certains agriculteurs ont été forcés de fuir vers des camps de déplacés dans le sud de la bande de Gaza après la destruction totale de leurs maisons. Eux non plus ne sont pas abandonnés : les équipes de l’UJFP leur livrent quotidiennement des repas chauds, là où ils se trouvent, malgré les dangers, le manque de ressources et les défis logistiques. Ces équipes bravent les risques pour apporter à manger à ceux qui n’ont même plus la possibilité de cuisiner.

Alors que le système alimentaire de Gaza s’effondre, ces initiatives ne représentent plus seulement un acte de soutien humanitaire, mais une véritable résistance face à une politique de famine délibérée. Elles sont le dernier espoir pour empêcher la population de sombrer dans une famine totale imminente, tant que les points de passage ne ré-ouvrent pas et que les approvisionnements ne reprennent pas.

Aujourd’hui, Gaza ne souffre pas d’un manque de nourriture : elle est affamée intentionnellement. C’est une stratégie méthodique, visant les estomacs après avoir échoué à soumettre les esprits. Dans ce contexte, la nourriture est bien plus qu’un repas : c’est une forme de résilience, une affirmation d’identité et un droit fondamental à la vie. Des organisations comme l’UJFP ne distribuent pas seulement du pain : elles signent, avec chaque bouchée, une déclaration de refus de l’oppression. A chaque repas livré, dans une tente, une maison en ruine, ou à un enfant déplacé, Gaza affirme qu’elle est toujours debout, que la vie continue d’y être semée, même au cœur de la faim et de la mort. »

Photos et vidéos ICI.


Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :

*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.

*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.

Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.

Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025.

Partie 270 / 6 janvier ; Partie 271 / 7 janvier ; Partie 272 : 8 janvier ; Partie 273 : 10 janvier ; Partie 274 / 11 janvier ; Partie 275 / 11 janvier (1) ; Partie 276 : 12 janvier ; Partie 277 : 13 janvier ; Partie 278 : 14 janvier. Partie 279 : 15 janvier. Partie 280 : 16 janvier. Partie 281 : 16 janvier (1). Partie 282 : 17 janvier. Partie 283 : 18 janvier. Partie 284 : 18 janvier/1. Partie 285 : 19-20 janvier. Partie 286 : 22 janvier. Partie 287 : 22 janvier (1). Partie 288 : 23 janvier. Partie 289 : 23 janvier (1). Partie 290 : 25 janvier. Partie 291 : 26 janvier. Partie 292 : 27 janvier. Partie 293 : 28 janvier. Partie 294 : 28 janvier (1). Partie 295 : 29 janvier. Partie 296 : 30 janvier. Partie 297 : 31 janvier. Partie 298 : 1er février. Partie 299 : 1er février (1). Partie 300 : 2 février. Partie 301 : 4 février. Partie 302 : 5 février. Partie 303 : 6 février. Partie 304 : 7 février. Partie 305 : 7 février (1). Partie 306 : 8 février. Partie 307 : 9 février. Partie 308 : 10 février. Partie 309 : 11 février. Partie 310 : 12 février. Partie 311 : 14 février. Partie 312 : 15 février. Partie 313 : 15 février (1). Partie 314 : 18 février. Partie 315 : 18 février (1). Partie 316 : 18 février (2). Partie 317 : 19 février. Partie 318 : 20 février. Partie 319 : 21 février. Partie 320 : 22 février. Partie 321 : 23 février. Partie 322 : 24 février. Partie 323 : 25 février. Partie 324 : 27 février. Partie 325 : 28 février. Partie 326 : 1er mars. Partie 327 : 5 mars. Partie 328 : 6 mars. Partie 329 : 9 mars. Partie 330 : 10 mars. Partie 331 : 11 mars. Partie 332 : 12 mars. Partie 333 : 13 mars. Partie 334 : 14 mars. Partie 335 : 15 mars. Partie 336 : 16 mars. Partie 337 : 16 mars (1). Partie 338 : 18 mars. Partie 339 : 18 mars (1). Partie 340 : 19 mars. Partie 341 : 20 mars. Partie 342 : 21 mars. Partie 343 : 22 mars. Partie 344 : 23 mars. Partie 345 : 25 mars. Partie 346 : 26 mars. Partie 347 : 27 mars. Partie 348 : 28 mars. Partie 349 : 29 mars. Partie 350 : 30 mars. Partie 351 : 31 mars. Partie 352 : 1er avril. Partie 353  : 3 avril. Partie 354 : 3 avril (1). Partie 355 : 4 avril. Partie 356 : 5 avril. Partie 357 : 5 avril (1). Partie 358 : 6 avril. Partie 359 : 7 avril. Partie 360 : 9 avril. Partie 361 : 10 avril. Partie 362 : 11 avril. Partie 363 : 12 avril. Partie 364 : 15 avril. Partie 365 : 16 avril. Partie 366 : 17 avril. Partie 367 : 18 avril. Partie 368 : 18 avril (1).

Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFPAltermidi et sur Le Poing.