Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 368 / 18 avril – Gaza à la merci des négociations

Brigitte Challande, 19 avril 2025.– Un texte d’Abu Amir, le 18 avril, qui affirme à quel point la signification du vivant a quitté Gaza et que le mot « trêve », répété à l’envie dans les médias, a perdu tout sens.

« Nous brûlons. Que vous faut-il voir de plus pour agir ? »

« Gaza n’attend plus la mort, elle la vit – littéralement – à chaque instant. L’agression israélienne se poursuit avec une violence rarement égalée, tandis que les corps des Palestiniens tombent comme des feuilles mortes dans un automne sombre sans hiver à venir. Le feu des bombardements ne fait aucune distinction entre tente et maison, entre nourrisson et vieillard appuyé contre le mur de sa mémoire. Des familles entières sont anéanties en quelques secondes, brûlées dans leurs abris de fortune, extraites des décombres sans traits ni noms, comme si elles avaient disparu des registres de l’existence. Le génocide et le nettoyage ethnique ne sont plus de simples accusations : ils deviennent une réalité documentée, captée en temps réel, par l’image et le son, sous le silence – voire la complicité – du monde.

Au cœur de cet enfer, le mot « trêve » revient dans les bulletins d’information, les réunions du Caire, et les couloirs de la politique glacée. Mais ce mot signifie-t-il encore « vie » ? Ou bien n’est-il devenu qu’un écran de fumée pour masquer plus de temporisation et une mort différée ? Les négociations sur le cessez-le-feu échouent à répétition, comme si elles n’étaient menées que pour gagner du temps, et non pour sauver des vies. Des sources au Caire ont évoqué l’échec d’un nouveau round de pourparlers, après que le Hamas a réaffirmé une exigence claire : un cessez-le-feu total et permanent, accompagné d’une levée complète du blocus. Israël, de son côté, insiste pour poursuivre les frappes et la destruction, au nom de « l’élimination du Hamas ».

Israël a proposé un cessez-le-feu temporaire de 45 jours, incluant un échange partiel de prisonniers – dix otages israéliens contre des centaines de Palestiniens. Le Hamas a refusé, considérant que cette offre ne répond même pas au minimum des revendications nationales, ne met pas fin à la guerre, et n’ouvre aucune porte à la vie. Une trêve conditionnée à la reddition, sous le sabre de la guerre permanente.

Pendant ce temps, les ordres d’évacuation ont été élargis à l’est, au sud et au nord, et le « cordon sécuritaire » qu’Israël cherche à imposer pour avaler Gaza a resserré son étau. La ville de Rafah – dernier refuge pour les déplacés –, devenue un champ de ruines, est tombée entièrement entre les mains de l’armée israélienne. Depuis l’effondrement de la précédente trêve, plus de 1.500 Palestiniens ont été tués, des centaines de milliers déplacés, et la vie s’est arrêtée dans plus de 80 % du territoire. Les médicaments sont introuvables, l’eau est contaminée ou absente, et la farine est devenue un produit du marché noir, accessible uniquement à ceux qui ont survécu à la mort pour faire face à la faim.

Pendant ce temps, les négociations se déroulent sous la tutelle de la politique américaine. Le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, l’a déclaré ouvertement : « Il est temps d’ouvrir les portes de l’enfer sur le Hamas, nous ne mettrons fin à la guerre qu’après sa destruction totale ». Itamar Ben Gvir a rejoint ce chœur sanglant, affirmant que la dernière déclaration du Hamas représentait « une opportunité en or pour réaliser le rêve israélien d’occuper Gaza et d’appliquer le plan Trump de réinstallation des Gazaouis dans d’autres pays ». Quant au Premier ministre Netanyahou, il est resté un instant silencieux avant de recevoir de ses ministres un « feu vert pour tuer » : « L’ordre est entre vos mains », lui ont-ils dit.

Et au milieu de tout cela, les habitants de Gaza demeurent les victimes silencieuses. Déchiquetés par les bombes, rongés par la faim, trahis par des trêves fragiles qui ne servent qu’à offrir à l’armée israélienne l’occasion de se repositionner – non d’arrêter le bain de sang. Le mot « trêve » ressemble désormais à une bouffée d’oxygène dans une salle de réanimation : il ne signifie pas guérison, mais seulement un report de l’annonce du décès.

À Gaza, la guerre n’est plus seulement faite de missiles et d’avions. C’est une guerre contre la mémoire, contre la terre, contre la vie elle-même. Et les négociations ne sont plus un espace d’espoir, mais une scène absurde jouée sur les cadavres d’enfants. À Gaza, la trêve est devenue le dernier mur entre la vie et la mort – un mur qui s’effondre un peu plus à chaque instant… révélant une blessure que personne au monde ne veut vraiment regarder. »


Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :

*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.

*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.

Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.

Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025.

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Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFPAltermidi et sur Le Poing.