Israël ajoute 100 km supplémentaires de béton au mur de séparation illégal

Yara Alnazer, 7 décembre 2022. Israël a commencé à travailler sur un nouveau tronçon de 100 km de béton pour remplacer l’actuelle clôture de séparation qu’il a installée autour de la Cisjordanie occupée.

Des Palestiniens traversent la barrière de séparation israélienne par une brèche près du village de Far’oun, en Cisjordanie, près de Tulkarem. (Activestills)

Le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, a approuvé en novembre des plans visant à étendre le mur de séparation de 50 km, en plus des 50 km qui ont été approuvés plus tôt cette année et dont la construction a commencé en juin, s’étendant de Salem, près de Jénine, à l’extrémité nord de la Cisjordanie, jusqu’au poste de contrôle de Jabara, au sud de Tulkarem.

La nouvelle construction sera désormais reliée au mur de béton en cours de construction à Jabara et s’étendra au nord vers la ville palestinienne de Kafr Qasim, à l’intérieur d’Israël.

Par ailleurs, Israël a également commencé à démanteler le point de passage commercial d’Al-Muntar, qui a été fermé, dans la clôture entourant Gaza, et va ériger une autre section de béton à sa place.

Contrôler davantage de terres

La section en béton de 100 km fera plus que doubler la section existante de 70 km de murs de 8 m de haut. Dans un avis rendu en 2004, la Cour internationale de justice a jugé le mur illégal au regard du droit international et a demandé à Israël de le démanteler. Environ 500 km sur les 712 km prévus ont été construits jusqu’à présent.

Israël affirme que le mur, en construction depuis 2002, est nécessaire pour mettre fin à une série d’attentats-suicides à l’intérieur du pays pendant la deuxième Intifada.

Mais selon la Commission de colonisation et de résistance au mur, « e mur vise en fait à contrôler la terre et à annexer de grandes parties de la Cisjordanie ». Environ 80 % du mur de séparation s’étend à l’intérieur de la Cisjordanie, et si la construction est achevée sur le tracé prévu, environ 9,4 % de la Cisjordanie sera coupée et effectivement annexée à Israël. En 2013, environ 11.000 Palestiniens de Cisjordanie vivant dans des zones isolées par le mur dépendaient de l’octroi de permis par Israël ou d’arrangements spéciaux pour vivre dans leurs propres maisons.

Gantz affirme que ce dernier ajout concret renforcera la sécurité d’Israël et « apportera une solution à une variété de risques » après plusieurs attaques à l’intérieur d’Israël par des Palestiniens de Cisjordanie au début de l’année, qui ont fait plus d’une douzaine de morts parmi les Israéliens.

« Points de contrôle informels »

On estime que 100.000 Palestiniens de Cisjordanie sans permis de travail constituent la main-d’œuvre à l’intérieur d’Israël, en plus d’environ 130.000 avec des permis.

Les travailleurs de Cisjordanie sans permis traversent souvent plusieurs brèches bien connues du mur de séparation. L’armée israélienne est au courant de l’existence de ces brèches et les travailleurs sont généralement autorisés à passer sans restrictions. Des commerces improvisés et lucratifs se sont même développés le long des brèches, comme des stands de café, de nourriture et de cigarettes.

Mais parmi les dizaines de milliers de travailleurs qui traversent quotidiennement la frontière, certains peuvent être détenus, abattus, battus ou blessés sans raison particulière, et trois ont été abattus et tués cette année.

Selon Ismat Mansour, analyste des affaires israéliennes, les autorités israéliennes doivent se livrer à un exercice d’équilibriste, en répondant aux craintes de l’opinion publique israélienne concernant l'”infiltration” des Palestiniens sans compromettre l’accès à la main-d’œuvre palestinienne informelle dont dépend l’économie israélienne.

« C’est le dilemme auquel elles sont confrontées. D’un côté, ils souhaitent conserver les travailleurs palestiniens, qu’ils aient un permis ou qu’ils entrent par les brèches du mur », explique Mansour à Jerusalem24. « [Mais] lorsque les attaques ont eu lieu, le public israélien s’est alarmé du fait que ces brèches étaient laissées sans surveillance et propices à être exploitées plutôt que d’être bouchées. »

Mais si la construction actuelle en béton est en partie due à la propagande destinée au public israélien, dit Mansour, il y a aussi une tentative de la part des autorités israéliennes de réduire les brèches à des zones qui peuvent être contrôlées.

« Ils veulent qu’il n’y ait que quelques brèches et ils veulent une sorte de supervision et de contrôle, même si c’est de manière invisible. »

« Il y a effectivement des brèches – mais elles seront surveillées, et les Israéliens pourront les contrôler et les fermer quand ils le souhaitent et être en mesure de savoir qui entre et qui n’entre pas. Ces brèches deviendront des sortes de points de contrôle informels. »

Article original en anglais sur Jerusalem24 / Traduction MR