Farha fait revivre les souvenirs horribles de la Nakba

Aya Youssef, 8 décembre 2022. En regardant Farha, chaque Palestinien pourra voir sa propre famille perdre sa maison, sa famille et sa terre alors que le film jordanien raconte les horreurs de la Nakba palestinienne de 1948.

Imaginez que vous vous soyez préparé à regarder le film que votre ami vous a vivement conseillé de regarder. Vous préparez le cadre, faites du pop-corn et vous vous asseyez pour regarder. Tout est prêt. Vous allumez votre télévision ou votre ordinateur portable, vous vous connectez à votre compte Netflix, vous cliquez sur le film “Farha” et vous commencez à le regarder.

Il ne fait aucun doute que ce que vous ferez ensuite sera de taper “Nakba” dans la barre de recherche de Google.

Réaliser que tout cela est vrai

À la fin du film, vous aurez le cœur lourd, vous vous sentirez énervé, avec une possible peur des lieux fermés.

Ce qui vous fera vous sentir encore plus mal, c’est de réaliser que les événements décrits dans le film sont basés sur une histoire vraie. Toutes les scènes horribles, les meurtres, les cris et les larmes se sont produits dans la vie réelle.

Les déplacements forcés, les massacres d’enfants et de familles, la saisie de terres et de maisons… “Israël” a fait tout cela pendant la Nakba en 1948 dans le but d’occuper la Palestine, et cela continue encore aujourd’hui.

Imaginer la Palestine avant l’occupation 

« Adieu, adieu ! » On voit Farha, le personnage principal, hurler aux troupes britanniques qui quittent la Palestine. Farha ne connait pas d’autre mot pour exprimer sa colère lorsque les troupes sont chassées de sa patrie.  

Le film vous permet d’avoir un aperçu des Palestiniens avant l’occupation israélienne, ce qui réfute tous les faux récits israéliens selon lesquels la Palestine « n’a jamais existé » ou qu’il n’y a « pas de Palestiniens ».

Prenons l’exemple de Farha ; c’est une jeune fille de 14 ans qui a tout l’avenir devant elle, rêve de devenir enseignante et de construire une école de filles dans son village. Elle veut étudier les mathématiques, les sciences, l’histoire et l’anglais. Elle veut déménager dans la ville où vit sa meilleure amie.

La culture palestinienne méticuleusement décrite dans le film est éblouissante et peut facilement vous enchanter. On ne peut s’empêcher de remarquer les broderies palestiniennes sur les robes des personnages et les chansons palestiniennes que l’on entend à différentes occasions dans le film. Le film vous emmène en voyage à travers toutes les traditions palestiniennes avant l’occupation israélienne.

Rêves brisés

Avant l’attaque israélienne sur le village palestinien, on peut voir Farha assise à côté de sa meilleure amie sur une balançoire alors qu’elles discutent de ce qu’elles veulent devenir quand elles seront grandes.

« Quand je serai grande, je veux devenir… » La meilleure amie de Farha dit et est sur le point de terminer sa phrase lorsque les forces israéliennes envahissent le village. Les bombes et les balles israéliennes interrompuent la scène. Les deux balançoires où étaient assises les deux amies sont maintenant vides car elles se sont enfuies, horrifiées.

Ce qui suit est un désordre et un chaos total dans le village de Farha où tout est soudainement brisé ; les familles, les meilleurs amis, et même les rêves d’enfants de 14 ans.

Après avoir rêvé d’aller à la ville pour aller à l’école, Farha dit maintenant au revoir à son père qui essaie de l’enfermer dans le cellier pour la garder en sécurité. 

Elle est restée coincée dans le cellier pendant des jours, sans eau, sans oxygène, sans salle de bain et sans même un lit pour dormir. Mais surtout, la jeune fille de 14 ans s’est retrouvée à regarder, par un trou dans la porte, une famille entière se faire exécuter par des soldats israéliens. 

Pendant toute la période où Farha est coincée à l’intérieur du cellier, le spectateur ne peut que voir Farha et entendre les sons, que Farha entend, autour du village. On peut entendre les bruits de pas et les balles tirées par les soldats israéliens qui ordonnent aux Palestiniens de sortir de leur maison à coups de pied avant de les tuer.

Pourquoi est-il important de mentionner ces événements ?

Les événements de la Nakba palestinienne et tout ce qui s’est passé par la suite, des massacres aux déplacements forcés et aux vols de terres, ne sont pas bien documentés, et même ceux qui le sont ne trouvent pas une plateforme aussi énorme que Netflix pour être diffusés en continu ; ils ne parviennent pas à atteindre des millions de personnes et s’effaçent ainsi avec le temps. 

Les histoires de la Nakba sont généralement transmises d’une génération à l’autre, mais les personnes qui ont vécu la Nakba ne sont pas en mesure aujourd’hui de documenter les crimes israéliens par elles-mêmes. La génération de la Nakba a travaillé dur pour préserver le droit au retour des Palestiniens, et si l’on demande à un Palestinien de 80 ans s’il croit toujours, après tout ce temps, qu’il retournera en Palestine, il répondra oui, en effet. 

Mais, malheureusement, les voix de cette génération particulière s’estompent au fil des années. C’est pourquoi il est crucial de documenter les crimes israéliens pendant la Nakba, et que les génétations à venir comprennent que la Palestine est une terre occupée.

Farha donne aux réfugiés palestiniens, en particulier à la jeune génération qui n’a pas eu l’occasion d’entendre l’histoire de la Nakba de la bouche de son grand-père, de sa mère ou de son père, la possibilité d’entendre et de voir ce que leur famille a vécu. 

Farha donne la chance à chaque Palestinien d’avoir un aperçu des souvenirs douloureux de la Nakba. Toute personne qui croit en la lutte des Palestiniens pour la liberté aura la chance de vivre une expérience que personne ne souhaite vivre dans la vie réelle.

Alors pourquoi les Israéliens sont en colère ?

Chaque fois qu’un nouveau massacre israélien est révélé, l’occupation est furieuse. Et quelle est son arme de prédilection ? L’antisémitisme, bien sûr.

Alors que le film ne fait aucunement référence au peuple juif, de nombreux Israéliens ont ressenti le besoin de mener des campagnes de dénigrement contre Farha sous prétexte d’ « antisémitisme ».

Ces campagnes ne sont pas seulement virtuelles. Certains responsables israéliens ont pris le temps de condamner le film et de demander son retrait de Netflix.

Les faits racontés par le film ont tellement dérangé le ministre israélien de la Culture qu’il a déclaré qu’il « dépeignait des mensonges et des calomnies », les mêmes mensonges et calomnies sur lesquels son entité d’occupation est basée.

Le fait que les tueries et les massacres de masse perpétrés par “Israël” soient dénoncés n’est pas nouveau. L’année dernière, les médias israéliens ont révélé que des soldats israéliens ayant pris part au massacre de 1948 dans le village palestinien de Tantura ont admis avoir tué en masse des civils palestiniens.

Un réalisateur israélien a recueilli les témoignages de soldats israéliens qui étaient présents lors du massacre dans un film documentaire intitulé “Tantura“.

Et ce sont les seuls massacres qui sont mentionnés. On ne peut qu’imaginer le nombre de massacres commis par “Israël” pendant plus de 70 ans d’occupation illégale, impitoyable et sanguinaire.

Et ce n’est qu’une histoire…

La Nakba palestinienne a entraîné le déplacement forcé et le meurtre de millions de personnes dont le public ne sait rien. Nombreux sont ceux qui, comme le père de Farha, ont promis de revenir mais ne l’ont jamais fait et dont le destin reste inconnu jusqu’à ce jour.

Il y a beaucoup d’autres histoires douloureuses à raconter… Des Palestiniens qui ont vu pire, des Palestiniens qui ont souffert davantage et des Palestiniens qui ont tout perdu.

Farha n’est pas seulement un film que l’on peut laisser au fond de son esprit et oublier. C’est le bon côté de l’histoire et, plus important encore, il est vu par une nouvelle génération qui témoignera de la brutalité de l’occupation israélienne.

En regardant le film, gardez à l’esprit que Farha est réelle ; Farha est une personne réelle ; Farha a traversé toutes ces souffrances ; Farha ne sait toujours rien de son père ; Farha a été forcée de quitter sa patrie ; et surtout, Farha et beaucoup d’autres comme Farha existent et leurs histoires seront racontées, que l’occupation le veuille ou non…

Article original en anglais sur Al-Mayadeen / Traduction MR