Contre la dissolution : la défense du Comité Action Palestine – exposés 1 et 2

Le Comité Action Palestine publie ici des extraits du recours en référé-liberté déposé devant le conseil d’Etat où chaque grief de l’Etat est déconstruit et réfuté.

[…] De manière générale, il est reproché à l’association son antisionisme c’est-à-dire une position politique qui relève de la liberté d’expression. Le décret pointe le caractère supposé radical de cet antisionisme. Or, l’antisionisme en tant que mouvement politique de contestation de la colonisation israélienne ne peut être modéré ou radical. On ne peut pas être en même temps pour et contre le fait colonial.

Ainsi, le journaliste israélien Gideon LEVY écrivait le 18 janvier 2020 dans le quotidien israélien Haaretz :
« Se débarrasser des péchés originels du sionisme et dépeindre une forme de sionisme comme belle et l’autre comme folle est hypocrite et moralisateur. Le groupe de colons
 Gush Emunim (1) n’a rien inventé, pas plus que Bezalel Smotrich ou Israel Harel. Ils ont étudié dans le collège d’aliénation et d’expulsion créé par le parti Mapai, Hashomer Hatzair, le parti Ahdut Ha’avodah, le Palmach et David Ben-Gourion. » « Il n’y a pas de bon sionisme et de mauvais sionisme. Il n’y a qu’un seul sionisme, qui a établi l’État juif en expulsant les Palestiniens par la force. Il l’a fait en 1948 et en 1967, et il le fait encore aujourd’hui. Cela fait tellement de bien de blâmer les colons [des territoires palestiniens occupés après 1967 – NDT], et c’est tellement typique de la gauche sioniste. » (2)

Plus précisément, le décret reproche d’une part à l’association une incitation « à la haine, à la discrimination et à la violence envers des personnes en raison de leur origine juive ».

Le COMITE ACTION PALESTINE dément catégoriquement cette accusation.

En effet, les conceptions et analyses développées par le COMITE ACTION PALESTINE ne reposent que sur des catégorisations politiques et jamais ethniques, raciales ou religieuses. L’association a toujours dénoncé le sionisme qu’il soit le fait des Juifs d’Israël ou de l’Autorité Palestinienne, des Etats occidentaux qui coopèrent ou qui soutiennent Israël, des Etats arabes qui entretiennent des relations stratégiques avec le pouvoir sioniste comme l’Arabie Saoudite ou les Emirats Arabes Unis, d’organisations ou d’intellectuels quelles que soient leurs origines.

Les textes du COMITE ACTION PALESTINE ont toujours été parfaitement clairs sur la distinction entre « colons » et « Juifs » :
« En Palestine, comme ce fut le cas jadis en Algérie, le colon doit être anéanti parce qu’il cherche l’anéantissement du colonisé. Que ce colonisateur soit juif, peu importe. Les Palestiniens n’ont jamais tué des Juifs parce qu’ils étaient Juifs. En revanche, les Occidentaux ont massacré des Juifs parce qu’ils étaient Juifs. » (3)

Le gouvernement prétend d’autre part pouvoir dissoudre l’association sur le fondement de l’article L. 121-1 7° du code de la sécurité intérieure : l’association se livrerait « sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger ».
Il s’agit d’une accusation particulièrement grave et totalement infondée qui ne peut rester sans réponse. Le Comité Action Palestine conteste formellement se livrer à de tels agissements.

En premier lieu, il convient de préciser que l’association, créée en 2004, ou ses membres n’ont jamais fait l’objet de poursuites pénales en plus de dix-sept ans d’existence. Cette accusation est d’autant plus surprenante qu’il est fait état dans la notification d’agissements qui dateraient de 2012, 2016, 2017 et 2021. Dès lors, personne ne peut croire qu’un groupe qui aurait pour but de provoquer des actes terroristes en France ou à l’étranger23 depuis tant d’années n’ait jamais fait l’objet du moindre avertissement ou de la moindre poursuite.

En deuxième lieu, le COMITE ACTION PALESTINE rappelle qu’il a toujours condamné et dénoncé le terrorisme. Le ministre s’est bien gardé de faire état des communiqués et articles de l’association concernant sa position sur ce point. Ainsi, dans un communiqué du 16 novembre 2015 le COMITE ACTION PALESTINE écrivait :
« Le Comité Action Palestine témoigne sa solidarité aux victimes et aux familles des victimes. » (…)
 « Le Comité Action Palestine a toujours dénoncé le terrorisme, qu’il soit l’œuvre d’une organisation ou d’un Etat. Il dénonce le terrorisme qui a frappé à Paris et aussi à Beyrouth, en Syrie, en Palestine où chaque guerre lancée par les sionistes fait des milliers de victimes palestiniennes. La violence aveugle qui frappe les peuples doit être
partout condamnée. »

En troisième lieu, il convient de rappeler que le 7° de l’article L. 212-1 du CSI est clair et exige que le but des agissements de l’association soit de provoquer des actes terroristes.
L’assertion du gouvernement n’est jamais fondée sur des preuves, sur des faits tangibles mais seulement sur des écrits qui montrent ou relaient l’adhésion du peuple palestinien et des peuples dominés en général à des organisations et des leaders de la résistance. Le COMITE ACTION PALESTINE ne glorifie, n’honore ni ne soutient aucune mouvance particulière, n’a de filiation idéologique ou politique avec aucune formation politique en Palestine, mais se montre solidaire du peuple palestinien qui est seul légitime à définir ses organisations représentatives et les personnalités qui symbolisent sa lutte. En ce sens, le COMITE ACTION PALESTINE ne s’est jamais adonné de près ou de loin à une apologie du terrorisme mais a tout simplement exercé son droit à la solidarité avec un peuple sous occupation qui défend sa liberté.
Le ministre met en avant les agissements suivants : la diffusion de communiqués et tracts ouvertement favorables aux organisations terroristes anti-israéliennes, le partage d’articles de presse ou de tribunes favorables à ces mêmes organisations, la diffusion des publications officielles de ces organisations et la légitimation et le cautionnement prétendu d’actes terroristes.
L’association entend revenir sur chacun des éléments cités par le décret, qui malheureusement ne distingue pas, comme le faisait pourtant la lettre d’engagement de la procédure, sur ce point plus rigoureuse, lesquels relèveraient du 6° et lesquels relèveraient du 7° de l’article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure, mais fait masse de deux fondements légaux pourtant distincts.

Sur l’article intitulé « Tareq Oubrou, l’imam de la République ou la théologie de la soumission » publié le 15 mai 2018.

Selon le décret : « que le Comité Action Palestine s’en prend ouvertement aux représentants du culte musulman qui ne partagent pas sa vision radicale de la résolution du conflit israélo-palestinien ou qui défendent une approche républicaine de la pratique religieuse ; qu’ainsi, M. Tayeb EL MESTARI a publié un dossier de trois pages, intitulé « Tareq Oubrou, l’imam de la République ou la théologie de la soumission » ; que le 15 mai 2018, le CAP a publié sur son site Internet une charge virulente contre E, qualifié de « ventriloque du pouvoir » pour avoir déclaré, en 2014, au sujet du conflit israélo-palestinien, que « rien ne doit justifier les appels directs ou indirects à la haine et à l’importation de ce conflit sur le territoire » ; que M. Tayeb EL MESTARI a également déploré la conception libérale de l’islam de Tareq OUBROU, « inféodée » à la loi républicaine »

Le décret qualifie l’article de « charge virulente ». Ce n’est absolument pas l’analyse de l’association. C’est un article de sociologie politique, qui tente de démêler les deux faces de l’imam Tareq OUBROU en tant qu’intellectuel : « Tareq Oubrou a une tête à deux faces : le théologien et le politique ».

La thèse est que la dimension politique a pris le pas sur le rôle religieux de l’imam, brouillant ainsi la neutralité que devrait lui imposer sa fonction religieuse.

Dans cet article, contrairement à ce que pourrait laisser croire les termes du décret, la question palestinienne n’est abordée que de manière marginale et prise en tant qu’exemple illustrant cette fausse neutralité de sa fonction religieuse, comme il sera constaté à la lecture intégrale de l’article (4).
L’association relève que l’imam, en renvoyant dos à dos Palestiniens et Israéliens, colonisés et colonisateurs, semble oublier que le conflit est incontestablement asymétrique.
En ce sens, l’expression « rien ne doit justifier les appels directs ou indirects à la haine et à l’importation de ce conflit sur le territoire » est très vague. S’adresse-t-elle aux soutiens des Palestiniens ou aux soutiens d’Israël comme le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France ou la Ligue de Défense Juive dont les militants ont été à plusieurs reprises condamnés par la justice pour des faits de violence ? Que signifie « appels directs ou indirects à la haine » ?

L’expression « ventriloque du pouvoir » entend montrer que l’intellectuel Tareq OUBROU s’aligne sur les positions du gouvernement sans recul critique (« inféodé ») au regard de la situation en Palestine où les colonisés ont le droit de se défendre et à ce titre ne peuvent être mis sur le même plan que les colonisateurs.
Cet article ne « déplore » à aucun moment la « conception libérale » de l’imam en question. Elle ne constitue en rien l’objet de l’article. L’objet de l’article s’en tient à l’imbrication des dimensions politiques et religieuses de la fonction d’imam incarnée par Tareq OUBROU.

Une fois de plus, rien dans cet article ne démontre une quelconque incitation à la haine, il relève simplement de la liberté d’expression.

[…]

Extrait du recours déposé le 29 mars 2022 devant le Conseil d’Etat via le cabinet Bourdon&Associés, suite au décret présidentiel du 9 mars 2022 de dissolution de l’association.

(1)  Mouvement politique et messianique israélien créé afin d’établir des colonies juives en Cisjordanie après 1967.

(2) « Shaking off Zionism’s original sins and portraying one form of Zionism as beautiful and the other as insane is hypocritical and self-righteous. The settler group Gush Emunim didn’t invent anything, nor did Bezalel Smotrich or Israel Harel. They studied in the college of alienation and expulsion established by the Mapai party, Hashomer Hatzair, the Ahdut Ha’avodah party, the Palmach and David Ben-Gurion. / There is no good zionism and no bad zionism. There is one zionism, wich established the Jewish state by forcibly expelling the Palestinians. It did this in 1948 and in 1967, and it has been doing so to this day. It feels so good to blame the settlers, and it’s so typical of the Zionist left. »

(3) Article « Face au sionisme pas un seul pas en arrière » du 25/11/2015.

(4) Article intitulé « Tareq Oubrou, l’imam de la République ou la théologie de la soumission » publié le 15/05/2018

Source : Comité Action Palestine

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Exposé 5 : https://ismfrance.org/index.php/2022/04/26/contre-la-dissolution-la-defense-du-comite-action-palestine-expose-5/

Exposé 4 : https://ismfrance.org/index.php/2022/04/23/contre-la-dissolution-la-defense-du-comite-action-palestine-expose-4/

Exposé 3 : https://ismfrance.org/index.php/2022/04/22/contre-la-dissolution-la-defense-du-comite-action-palestine-expose-3/

Exposés 1 et 2 : https://ismfrance.org/index.php/2022/04/21/contre-la-dissolution-la-defense-du-comite-action-palestine/