Partager la publication "Élections, Hamas et cessez-le-feu : Pourquoi ce ne sera pas la dernière guerre d’Israël contre Gaza"
Khaled al-Hroub, 8 août 2022. La dernière agression d’Israël contre la bande de Gaza a causé la mort de 45 civils palestiniens, dont 15 enfants, une coupure totale d’électricité et la destruction de dizaines de maisons et de bâtiments.
Cette attaque s’inscrit dans le cadre de la pratique habituelle d’Israël consistant à « faucher l’herbe », un terme qui désigne la réduction des capacités militaires des factions de la résistance palestinienne.
Traduisant cela en opération militaire, Israël a commencé l’agression le 5 août en assassinant Tayseer al-Jabari, l’un des dirigeants du mouvement du Jihad islamique palestinien (JIP), puis a déclaré que ses objectifs étaient de détruire les bases et les capacités militaires appartenant au mouvement.
Au-delà de ces affirmations classiques se cachent l’opportunisme politique et des considérations électorales internes à Israël. Militairement et stratégiquement, cette série d’agressions fait partie d’une tentative israélienne de diviser le front uni des factions de la résistance palestinienne.
La guerre, ironiquement mais aussi typiquement, a été menée sans aucune objection ou critique internationale sérieuse, camouflée intelligemment par les soi-disant efforts de médiation menés par l’Egypte pour obtenir un cessez-le-feu.
Manœuvres électorales
Le scénario répété consistant à utiliser Gaza et sa population assiégée comme des cartes sur la table politique et électorale israélienne est tout simplement scandaleux en soi et dans la façon dont le monde continue de le tolérer.
Si un gouvernement israélien chancelant ou un premier ministre craint les élections à venir, le raccourci pour renforcer leur position aux yeux des électeurs est d’attaquer Gaza.
Le prétexte est un argument tout trouvé pour protéger la sécurité des Israéliens et frapper les « organisations terroristes ».
Peu importe la quantité de sang palestinien versé, le nombre d’innocents tués et blessés et l’ampleur des destructions infligées, le spectacle continue. Lors de cette dernière agression, le monde a tourné le dos à Gaza pour se concentrer sur la guerre Russie-Ukraine.
Le système antimissile Dôme de fer est très efficace, et peut-être que cette opération à petite échelle limitée au JIP était en partie un exercice d’entraînement sur la technologie actualisée ajoutée aux systèmes du dôme. Le nom de l’attaque, « Opération Breaking Dawn », reflétait une chose que l’actuel gouvernement de coalition Bennet-Lapid espérait assurer – une nouvelle « aube » au pouvoir. Sinon, il n’y a pas eu d’aube à l’échelle des choses.
Dans le cadre d’une stratégie plus large, les généraux israéliens ont tenté, depuis l’opération Ceinture noire sur Gaza en novembre 2019, de diviser le front de la résistance palestinienne. Les Israéliens ont effectivement ciblé uniquement le JIP, mettant le Hamas, le dirigeant de facto de Gaza, dans une position délicate.
La position du Hamas
De son point de vue, le Hamas veut épargner aux Palestiniens de Gaza ce qu’il pourrait percevoir comme une confrontation inutile. Israël espérait que le Hamas ferait pression sur le JIP pour qu’il ne réponde pas aux attaques israéliennes et que le JIP n’écouterait pas et insisterait sur l’engagement – et que cela créerait la division ciblée, et d’éventuels affrontements.
Ce qui s’est passé sur le terrain, cependant, ne correspondait pas aux attentes israéliennes.
Le Hamas a donné le feu vert au JIP pour s’engager, et semble avoir fourni de l’aide et de la logistique, tout en restant « officiellement » désengagé. Les groupes de résistance de la bande de Gaza coordonnent leur travail par le biais de ce que l’on appelle la « salle des opérations commune ».
Les dirigeants du Hamas et du JIP ont maintenu une déclaration commune selon laquelle la salle commande la résistance dans cette série de combats comme elle l’a fait dans les précédentes.
Les deux groupes ont exprimé leur pleine conscience de l’objectif israélien d’enfoncer un coin entre eux, et ont promis de le contrecarrer. De nombreux observateurs à Gaza estiment que le niveau de coordination militaire s’est en fait approfondi au cours de cette série de combats. Le chef du JIP, Ziyad Nakhla, a fait l’éloge du Hamas lors d’une conférence de presse après la déclaration du cessez-le-feu, le 7 août, en déclarant qu’il représentait « l’épine dorsale de la résistance dans la bande de Gaza ».
Pour envoyer un message audacieux contre la stratégie israélienne de division et de contrôle, le JIP a baptisé son attaque défensive « Opération Unité des Fronts ». Cette opération visait à souligner le lien entre la résistance dans la bande de Gaza et les autres formes de résistance dans des villes telles que Jénine et Naplouse en Cisjordanie, où le JIP a pris une part active au cours de l’année écoulée.
L’effort d’unification des factions de résistance à travers la Palestine a atteint son apogée lors de l’opération « Epée de Jérusalem » de l’année dernière, lorsque le Hamas et le JIP ont joint leurs rangs pour défendre Jérusalem. L’année suivante, l’esprit de résistance dans toute la Palestine historique a prévalu, y compris parmi les Palestiniens à l’intérieur de la ligne verte. Ce sentiment collectif a rendu Israël extrêmement inquiet.
Cette dernière guerre s’inscrit dans le cadre des efforts visant à briser les liens nationaux de résistance, sur le plan opérationnel et aux yeux des Palestiniens.
La médiation de l’Egypte
L’autre aspect commun des attaques israéliennes sur Gaza concerne les efforts de médiation de l’Égypte.
De nombreux Palestiniens ont exprimé leur colère face à ce qu’ils ont perçu comme un mécanisme de tromperie et non de médiation. En effet, alors que l’Égypte donnait l’impression que des efforts étaient en cours pour éviter une escalade, Israël a planifié et exécuté l’assassinat du chef du JIP.
Avant l’assassinat, Israël a arrêté Bassam al-Saadi, un autre chef du JIP du camp de réfugiés de Jénine. Le JIP a menacé de tirer sur les villes israéliennes adjacentes à la bande de Gaza si Saadi n’était pas libéré.
Selon des critiques palestiniens, Israël a manipulé et utilisé la médiation égyptienne pour empêcher le JIP de prendre l’initiative, et pour gagner le temps nécessaire à l’organisation de son attaque.
Comme aucune critique officielle n’est venue du Caire en réponse à la tromperie israélienne, des questions ont été soulevées pour savoir si l’Égypte avait été informée ou non par Israël de son projet d’attaque.
L’Égypte apparaît comme un pacificateur crucial pendant et après chaque guerre israélienne sur la bande de Gaza. Mais au vu du peu de bénéfices que les Palestiniens retirent de la diplomatie égyptienne, les véritables intentions du Caire semblent être ailleurs.
L’Égypte refuse d’approvisionner la bande de Gaza en électricité, la laissant à la merci d’Israël. Le carburant dont Gaza a besoin provient d’Israël à un prix élevé, quand Israël le veut et en quantités calibrées, qui correspondent aux politiques israéliennes de pression et d’écrasement.
Étouffement silencieux
Les précédents accords de cessez-le-feu négociés par l’Égypte ont été violés par Israël et les accords sur la libération des prisonniers, dont l’Égypte était censée être le garant, ont également été rompus par Israël sans que l’Égypte ne réagisse.
En l’absence de levier régional et d’un rôle, le gouvernement d’Abdel Fattah el-Sisi s’accroche à sa soi-disant médiation comme seul moyen visible d’être impliqué dans la diplomatie régionale, empêchant d’autres pays comme la Jordanie, la Turquie ou le Qatar d’intervenir peut-être plus efficacement.
L’Égypte de Sisi se soucie moins du sort des deux millions de Palestiniens, sans parler de leur résistance, que de se projeter, et principalement auprès des États-Unis, comme un acteur régional important.
La fin de cet assaut brutal contre la bande de Gaza était la bienvenue, d’autant plus que les gens ordinaires souffrent sans cesse. Malheureusement, ce ne sera pas la dernière guerre contre Gaza et les Palestiniens. Faucher l’herbe est une grande stratégie israélienne qui s’applique aux Palestiniens partout.
À Gaza, cependant, succomber à l’équation israélienne du « calme pour le calme » implique la poursuite de l’occupation, de la misère, de la pauvreté et des conditions inhumaines pour sa population – calmement !
Cela signifie revenir à l’étouffement tranquille de deux millions de personnes, à qui l’on n’a offert que deux options : soit mourir en hurlant dans la guerre, soit mourir en silence sous le siège.
Article original en anglais sur Middle East Eye / Traduction MR
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