Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 373 / 24 avril – La femme palestinienne, une combattante dans la guerre de survie"
Brigitte Challande, 24 avril 2025.- Abu Amir nous envoie aujourd’hui un texte sur la force des femmes palestiniennes, à Gaza : un cœur en feu qui ne se brise jamais
« À Gaza, la force ne se mesure pas aux muscles des hommes, mais aux cœurs des femmes. Là-bas, au milieu des ruines, une femme marche dans sa robe brodée, tenant son enfant d’un bras, et dans l’autre, les restes d’une patrie et une blessure invisible. Elle n’est pas une simple image dans un reportage, ni un sous-titre dans un journal télévisé, elle est toute l’histoire — depuis la Nakba de la terre jusqu’à la Nakba de l’âme, depuis le premier mort jusqu’au dernier cri dans une tente de fortune.
La femme palestinienne : d’une Nakba à une défaite, d’un bombardement à une tombe ouverte
Jamais la femme palestinienne n’a été à la marge du conflit ; elle en est le cœur battant. Lors de l’exil forcé en 1948, c’est elle qui a rassemblé les fragments de la famille, cachant les clés des maisons abandonnées dans les plis de sa robe. Lors des intifadas, elle était au premier rang : soignant les blessés, criant dans les funérailles, écrivant les slogans de la résistance sur les murs du cœur avant ceux des rues. Lors de chaque siège, elle était la dernière à manger. Dans chaque tente, la première à bâtir un foyer à partir de rien. Dans chaque guerre, elle était le dernier mur derrière lequel tout le monde se réfugiait, même lorsqu’elle saignait en silence.
Une femme qui marche sur les cendres…
Dans la dernière guerre, la souffrance a dépassé les limites de la raison et du langage. Une femme se retrouve soudainement veuve, mère de quatre orphelins, déplacée sans savoir où aller. Une mère fait une fausse couche à cause des bombardements, ou meurt en tenant son enfant dans ses bras, submergée par la peur. Une adolescente de moins de dix-sept ans est mariée, non par amour, mais pour fuir la misère et l’exil implacable. Une grand-mère avance sur ses béquilles à la recherche d’un médicament introuvable, tandis qu’une petite-fille fait ses devoirs à la lueur d’une bougie dans une tente qui tremble à chaque passage d’avion.
La femme à Gaza ne vit pas, elle survit. Elle survit à la faim, au siège, aux bombardements, à l’effondrement psychologique, à la douleur d’être mère sans pouvoir allaiter, faute de nourriture. Elle perd mari, frère et fils en un instant. Même sa voix – souvent inaudible – est devenue un gémissement intérieur, brûlant dans sa poitrine comme un charbon ardent. Elle ne pleure pas beaucoup… non pas parce qu’elle ne ressent rien, mais parce que les larmes sont un luxe dans un temps où la dignité est égorgée aux portes des frontières fermées.
Des rêves qui ne meurent pas… mais se cachent dans des cœurs incassables
Malgré tout, la femme palestinienne rêve encore. Oui, elle rêve. Elle rêve d’une maison dont elle pourrait fermer la porte sans crainte. D’une cuisine où elle pourrait cuisiner et non se cacher. De finir ses études dans une université intacte, de travailler dans une institution non ciblée, de marcher dans la rue sans devoir se soucier de la prochaine frappe. Elle rêve d’une patrie qui ne l’enterre pas vivante, d’une paix qui ne soit pas proclamée sur son cadavre, et d’une vie où il y aurait de la place pour le rire, pas seulement les larmes.
Certaines femmes à Gaza sont devenues militantes des droits humains, écrivent, documentent, défendent. D’autres sont devenues des leaders de l’action humanitaire, distribuant l’aide malgré la douleur, animant des ateliers de soutien psychologique pour d’autres femmes comme elles, qui luttent pour ne pas s’effondrer. Et il y a celles, invisibles aux médias, qui sont les piliers des foyers, élevant des générations entières dans la résilience, cuisinant chaque jour un repas de dignité avec du pain d’orge et leurs larmes.
La femme qui ne se brise pas… même si elle meurt debout
C’est elle qui grave les noms de ses morts sur les murs de la tente, plante des fleurs autour des tombes parce qu’elle ne peut rien ressusciter. C’est elle qui caresse la tête d’un orphelin en lui disant « je suis ta mère », même si elle n’a rien à lui offrir. C’est elle qui se réveille au bruit des bombes, s’endort au son d’une nouvelle perte, puis se réveille encore, prépare le thé, allume la radio, et dit : « Gaza ne mourra pas ».
La femme palestinienne n’est pas seulement une victime. Elle est témoin d’un des drames humains les plus complexes, une combattante dans la guerre de la survie avec des armes invisibles : patience, prière, amour et foi inébranlable dans la vie au cœur de la mort.
À Gaza, le courage des femmes ne se mesure pas à ce qu’elles font en un instant, mais à ce qu’elles endurent toute leur vie. Ce n’est pas seulement une mère de tué, ni l’épouse d’un prisonnier, ni la fille d’un déplacé. C’est la Palestine elle-même : bombardée chaque jour, mais debout. Assiégée chaque nuit, mais lumineuse. Piétinée dans sa dignité, mais elle se relève, ajuste son voile, prend ses enfants par la main… et continue la route. Car celle qui porte ce nom est une femme. »
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025.
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Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFP, Altermidi et sur Le Poing.