Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 357 / 5 avril (1) – À Gaza, il y a encore ceux qui travaillent, qui sèment, qui enseignent, envers et contre tout."
Brigitte Challande, 6 avril 2025.– Le 5 avril au soir, nous recevons encore, comme chaque fin de semaine, le compte rendu des actions qui persistent pour soutenir la population quoi qu’il arrive.
« Crise alimentaire à Gaza : une famine programmée
Alors que la guerre israélienne contre la bande de Gaza se poursuit, les habitants vivent l’une des crises humanitaires les plus graves de leur histoire récente. Une crise qui dépasse la douleur pour devenir une menace existentielle directe : la faim. Depuis des années, Israël applique une politique méthodique de blocus et de privation envers les habitants de Gaza. Mais ce qui se passe aujourd’hui dépasse toutes les prévisions, même pour une population habituée à résister face à l’oppression.
Avec l’intensification de l’agression, toutes les boulangeries de Gaza ont cessé leur activité, faute de farine, d’électricité et de gaz. L’odeur du pain chaud a disparu des matins des foyers. Le pain a déserté les tables. Les files d’attente devant les rares points de distribution rappellent désormais les scènes de famine dans les régions les plus pauvres du monde. Dans les marchés, la farine se fait rare, et son prix a été multiplié – lorsqu’elle est disponible. Cette crise a exacerbé la souffrance des habitants et poussé des centaines de personnes à manifester dans les rues de Gaza ces derniers jours, réclamant la fin de la guerre, l’ouverture immédiate des points de passage, et la fourniture urgente de produits alimentaires de base, à commencer par la farine.
Des points de passage fermés : une strangulation économique et alimentaire lente
La fermeture des points de passage n’est plus seulement une mesure sécuritaire : elle est devenue une arme meurtrière utilisée contre plus de deux millions de personnes. Le maintien de la fermeture du poste de Kerem Shalom – unique point d’entrée pour l’alimentation et les médicaments – a paralysé toutes les opérations humanitaires, provoquant une crise alimentaire grave et imminente. Si cette fermeture perdure dans les semaines à venir, Gaza plongera dans une véritable famine, avec tout ce que cela implique en termes de chaos et d’effondrement social.
Les centres de distribution alimentaire… tombent les uns après les autres
De nombreux centres de distribution gérés par des organisations internationales ou locales ont fermé au cours des dernières semaines, soit en raison de l’épuisement des stocks, soit à cause des bombardements ou de l’interruption des chaînes d’approvisionnement. Selon des estimations de terrain, les centres encore ouverts risquent de cesser leurs activités dans un délai d’un mois maximum, à moins d’une réouverture urgente des points de passage et de la reprise de l’entrée des denrées essentielles.
L’UJFP… une bouée de sauvetage pour les familles d’agriculteurs à Abou Taïma
Malgré cette réalité sombre, le programme alimentaire lancé par l’UJFP continue de tenir bon sur le terrain. Il distribue des repas complets à des dizaines de familles d’agriculteurs dans la région d’Abou Taïma – une zone agricole gravement touchée par les bombardements, les déplacements et l’effondrement du marché local. Ce programme permet à ces familles de survivre, même sous blocus extrême. Mais l’alerte est bien là : ce programme aussi fait face à de grandes difficultés d’approvisionnement. Et si le blocus et la politique de faim se poursuivent, cet effort remarquable est lui aussi menacé, tout comme tout ce qui reste de vie à Gaza.
Nous espérons que cette catastrophe prendra fin bientôt, car la faim, lorsqu’elle se propage, ne tue pas seulement – elle engendre le chaos, la criminalité, et précipite les sociétés vers l’effondrement moral et social. Nous l’avons vu durant cette guerre : les gens se retrouvent entre le marteau du besoin et l’enclume de la dignité.
Crise de l’eau… la soif dans les bras de la mort
La crise alimentaire n’est pas la seule à hanter les nuits des Gazaouis. Depuis le début de l’agression le 7 octobre, Israël cible délibérément les infrastructures vitales, à commencer par le secteur de l’eau. L’armée israélienne a détruit un grand nombre de puits, de conduites principales, de stations de pompage, de traitement et de distribution à travers la bande de Gaza. Des milliers de familles ont perdu l’accès à l’eau potable ou à l’eau utilisable au quotidien, et des scènes de soif extrême sont apparues dans plusieurs régions du territoire.
Les habitants ont été contraints de consommer de l’eau salée ou polluée, ce qui a provoqué une augmentation des maladies gastro-intestinales et cutanées, en particulier chez les enfants. En l’absence d’électricité, les pompes ne fonctionnent plus, et les citernes vides sont devenues une image quotidienne douloureuse.
Face à cette crise, l’UJFP met en œuvre des projets vitaux pour fournir de l’eau aux populations des zones les plus touchées, notamment à Khuza’a et à Abou Taïma. Là-bas, des projets ont été mis en place pour garantir l’eau nécessaire aux habitants : stations de dessalement à petite échelle, distribution d’eau potable, et soutien à l’irrigation pour sauver ce qui reste de la production agricole locale. Les équipes poursuivent leur travail quotidiennement pour garantir un minimum vital, dans une véritable lutte contre la soif – un autre visage de la guerre.
L’éducation en temps de guerre… une résistance silencieuse
Au cœur de cet enfer ouvert, les habitants de Gaza n’ont pas abandonné ce qu’ils ont de plus précieux : l’éducation. Tandis que tout est bombardé, les enfants continuent de fréquenter de petites classes improvisées, ou s’assoient dans les coins à relire leurs vieux livres. Car ici, apprendre n’est pas un luxe, mais un acte de résistance et de survie.
C’est dans cette optique que l’UJFP soutient l’éducation, notamment pour les enfants des familles d’agriculteurs de la région d’Abou Taïma, via le centre éducatif qu’elle a créé et continue de faire vivre. Ce centre est devenu un refuge sûr pour les enfants déplacés ou ayant perdu leur foyer. Il leur offre un environnement éducatif accueillant, rempli d’activités et de cours, et leur procure un sentiment de stabilité dans le chaos.
À Gaza, l’éducation ne consiste pas seulement à mémoriser des leçons, mais à préserver l’esprit, la conscience, et le droit de rêver, de planifier, et de se relever. Tout comme l’UJFP garantit la nourriture et l’eau, elle croit fermement que l’éducation est la troisième forme de subsistance, tout aussi indispensable.
Gaza ne meurt pas, mais elle saigne
Malgré tout, Gaza est encore vivante. Elle résiste à la faim, à la soif, et tient à éduquer ses enfants au milieu des ruines. Mais cette vie est menacée. Chaque jour, ses racines tremblent. Tout retard dans l’ouverture des points de passage ou dans l’acheminement de l’aide est un crime contre plus de deux millions d’êtres humains. Tandis que nombre d’organisations s’effondrent, l’UJFP continue de lutter en silence, protégeant ce qu’il reste de dignité, et maintenant les gens en vie grâce à l’espoir.
Peut-être ne pouvons-nous pas arrêter la guerre. Mais nous pouvons empêcher la famine. Peut-être ne pouvons-nous pas reconstruire les infrastructures. Mais nous pouvons reconstruire les âmes, et préserver la dignité.
À Gaza, il y a encore ceux qui travaillent, qui sèment, qui enseignent… envers et contre tout.
Photos et vidéos :
Fournir des repas aux familles d’agriculteurs
Fournir de l’eau aux résidents de la région d’Abu Taima
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025.
Partie 270 / 6 janvier ; Partie 271 / 7 janvier ; Partie 272 : 8 janvier ; Partie 273 : 10 janvier ; Partie 274 / 11 janvier ; Partie 275 / 11 janvier (1) ; Partie 276 : 12 janvier ; Partie 277 : 13 janvier ; Partie 278 : 14 janvier. Partie 279 : 15 janvier. Partie 280 : 16 janvier. Partie 281 : 16 janvier (1). Partie 282 : 17 janvier. Partie 283 : 18 janvier. Partie 284 : 18 janvier/1. Partie 285 : 19-20 janvier. Partie 286 : 22 janvier. Partie 287 : 22 janvier (1). Partie 288 : 23 janvier. Partie 289 : 23 janvier (1). Partie 290 : 25 janvier. Partie 291 : 26 janvier. Partie 292 : 27 janvier. Partie 293 : 28 janvier. Partie 294 : 28 janvier (1). Partie 295 : 29 janvier. Partie 296 : 30 janvier. Partie 297 : 31 janvier. Partie 298 : 1er février. Partie 299 : 1er février (1). Partie 300 : 2 février. Partie 301 : 4 février. Partie 302 : 5 février. Partie 303 : 6 février. Partie 304 : 7 février. Partie 305 : 7 février (1). Partie 306 : 8 février. Partie 307 : 9 février. Partie 308 : 10 février. Partie 309 : 11 février. Partie 310 : 12 février. Partie 311 : 14 février. Partie 312 : 15 février. Partie 313 : 15 février (1). Partie 314 : 18 février. Partie 315 : 18 février (1). Partie 316 : 18 février (2). Partie 317 : 19 février. Partie 318 : 20 février. Partie 319 : 21 février. Partie 320 : 22 février. Partie 321 : 23 février. Partie 322 : 24 février. Partie 323 : 25 février. Partie 324 : 27 février. Partie 325 : 28 février. Partie 326 : 1er mars. Partie 327 : 5 mars. Partie 328 : 6 mars. Partie 329 : 9 mars. Partie 330 : 10 mars. Partie 331 : 11 mars. Partie 332 : 12 mars. Partie 333 : 13 mars. Partie 334 : 14 mars. Partie 335 : 15 mars. Partie 336 : 16 mars. Partie 337 : 16 mars (1). Partie 338 : 18 mars. Partie 339 : 18 mars (1). Partie 340 : 19 mars. Partie 341 : 20 mars. Partie 342 : 21 mars. Partie 343 : 22 mars. Partie 344 : 23 mars. Partie 345 : 25 mars. Partie 346 : 26 mars. Partie 347 : 27 mars. Partie 348 : 28 mars. Partie 349 : 29 mars. Partie 350 : 30 mars. Partie 351 : 31 mars. Partie 352 : 1er avril. Partie 353 : 3 avril. Partie 354 : 3 avril (1). Partie 355 : 4 avril. Partie 356 : 5 avril.
Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFP, Altermidi et sur Le Poing.