Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 372 / 23 avril – Le désir des Gazaoui.e.s : vivre, sans tutelle ni condition"
Brigitte Challande, 23 avril 2025.– Aujourd’hui, Abu Amir envoie un texte percutant sur ce que veulent les habitants de Gaza et non ce qu’on leur impose.
« À Gaza, les enfants ne naissent pas pour grandir, mais pour lutter afin de survivre. Les femmes ne s’endorment qu’en gardant un œil sur le plafond qui peut s’effondrer à tout moment. Les hommes ne rentrent pas chez eux rassurés, car la mort, dans cette ville, ne demande pas la permission : elle ne distingue ni jeune ni vieux, ni ceux qui portent les armes, ni ceux qui ne lèvent que les mains vers le ciel.
Gaza n’est pas un simple point sur une carte que l’on bombarde et envahit. C’est une ville habitée par des âmes qui s’accrochent à la vie envers et contre tout. Une ville qui rêve, depuis plus de 75 ans, d’une vie simple, juste… simple.
Depuis la Nakba de 1948, les Palestiniens n’ont jamais demandé l’impossible. Ils n’ont pas exigé toute la terre, ni revendiqué toutes les armes, ni rêvé d’un empire. Tout ce qu’ils ont voulu – et veulent encore – c’est qu’on leur laisse ce qui reste de leur patrie. Qu’on leur rende la souveraineté sur leur quotidien, leur pain, et les rêves de leurs enfants.
Mais au lieu d’écouter leurs voix, les décisions sont prises au-dessus de leurs têtes. Leurs cartes sont redessinées sur des tables étrangères, et leurs terres morcelées par des ordres où ils n’ont pas leur mot à dire.
Ce que veulent les habitants de Gaza aujourd’hui, ce n’est ni un luxe, ni un privilège. C’est ce que tout être humain désire : vivre sans être enterré vivant. Que le ciel ne pleuve pas de bombes, que les maisons ne deviennent pas des tombes collectives, qu’ils ne soient pas encerclés par les avions au-dessus, les chars en dessous, et la faim entre les deux.
Ils veulent voir leurs enfants aller à l’école, non être portés sur les épaules. Que le père se préoccupe de réparer la porte de sa maison, et non de creuser la tombe de son fils. Que l’olivier fleurisse au lieu de disparaître sous les chenilles des bulldozers.
Gaza ne veut ni accords politiques conclus dans des hôtels de luxe, ni conférences urgentes qui se terminent par des communiqués fades. Gaza veut que les décisions du monde soient prises avec elle, qu’elle soit entendue, et non confisquée, qu’elle soit vue, et non réduite à un chiffre ou une brève au journal télévisé.
Ses habitants ne veulent pas d’ordres d’évacuation, mais des garanties pour rester. Ils ne veulent pas d’une trêve pour réparer des tentes provisoires, mais une véritable fin de l’agression pour pouvoir revenir chez eux – ou du moins reconstruire une vie sur leur terre encerclée par la mort.
Ils ne veulent pas d’une relocalisation dans le désert, mais veulent rester dans les quartiers où ils ont grandi, même s’ils sont en ruines. Ils ne veulent pas d’une nationalité de rechange, ni d’un nouveau drapeau, mais leur drapeau à eux, leur identité, leur dialecte, les chansons de leurs mariages, et les broderies traditionnelles héritées de leurs grands-mères déplacées.
À Gaza, il est impossible de trouver une personne qui ne rêve pas. Entre les pierres éparpillées dans les rues, il y a le rêve que l’électricité revienne. Dans les files d’attente des femmes devant les centres de distribution, un rêve d’un repas chaud. Dans la voix éraillée du muezzin, un rêve que la mosquée tienne encore debout. Dans les yeux des pêcheurs sur la plage, un rêve d’un bateau qui ne se fera pas tirer dessus. Et même dans le silence d’un enfant qui a perdu toute sa famille, il y a un rêve qu’un jour, quelqu’un l’appellera de nouveau par son nom.
Mais au lieu que ces rêves se réalisent, on impose aux habitants de Gaza la mort… sous une nouvelle forme à chaque fois : une fois par une bombe, une fois par une politique, une fois par un déplacement forcé, une autre par un plan international visant à les « réintégrer » dans des pays qui ne sont pas les leurs. Comme si leur présence sur leur terre était un crime. Comme si défendre leur maison était un acte de terrorisme. Comme si revendiquer leurs droits était un refus de vivre, alors que c’est justement une demande de vie.
Les habitants de Gaza ne veulent pas être une simple affaire discutée par des porte-paroles, ni un « sujet » dans le journal de 20 heures. Ils veulent simplement être vivants. C’est tout. Respirer, aimer, rire, gagner leur vie, se marier, avoir des enfants, construire une maison, planter un arbre, rentrer chez eux sans sang sur leurs vêtements.
À Gaza, ce qu’on leur impose, c’est la mort. Ce qu’ils veulent, c’est la vie. Ce qu’on leur propose, c’est l’exil. Ce qu’ils demandent, c’est le droit de rester. Ce que l’on dit au monde, c’est que cette ville doit être vidée. Alors que la vérité est que chaque pierre y raconte une histoire, chaque mur détruit porte une mémoire, et chaque palmier témoigne de ceux qui ont résisté… non seulement par les armes, mais aussi par l’amour, l’espoir et l’appartenance.
Alors à ceux qui décident du sort de Gaza derrière des portes closes : écoutez ce que veulent vraiment ses habitants. Ne pariez pas sur leur silence, ni sur leur fatigue, ni sur leur exode. Gaza, malgré toute cette destruction, continue de dire au monde : nous ne sommes pas que des victimes… nous sommes les détenteurs d’un droit, et nous voulons vivre. »
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025.
Partie 270 / 6 janvier ; Partie 271 / 7 janvier ; Partie 272 : 8 janvier ; Partie 273 : 10 janvier ; Partie 274 / 11 janvier ; Partie 275 / 11 janvier (1) ; Partie 276 : 12 janvier ; Partie 277 : 13 janvier ; Partie 278 : 14 janvier. Partie 279 : 15 janvier. Partie 280 : 16 janvier. Partie 281 : 16 janvier (1). Partie 282 : 17 janvier. Partie 283 : 18 janvier. Partie 284 : 18 janvier/1. Partie 285 : 19-20 janvier. Partie 286 : 22 janvier. Partie 287 : 22 janvier (1). Partie 288 : 23 janvier. Partie 289 : 23 janvier (1). Partie 290 : 25 janvier. Partie 291 : 26 janvier. Partie 292 : 27 janvier. Partie 293 : 28 janvier. Partie 294 : 28 janvier (1). Partie 295 : 29 janvier. Partie 296 : 30 janvier. Partie 297 : 31 janvier. Partie 298 : 1er février. Partie 299 : 1er février (1). Partie 300 : 2 février. Partie 301 : 4 février. Partie 302 : 5 février. Partie 303 : 6 février. Partie 304 : 7 février. Partie 305 : 7 février (1). Partie 306 : 8 février. Partie 307 : 9 février. Partie 308 : 10 février. Partie 309 : 11 février. Partie 310 : 12 février. Partie 311 : 14 février. Partie 312 : 15 février. Partie 313 : 15 février (1). Partie 314 : 18 février. Partie 315 : 18 février (1). Partie 316 : 18 février (2). Partie 317 : 19 février. Partie 318 : 20 février. Partie 319 : 21 février. Partie 320 : 22 février. Partie 321 : 23 février. Partie 322 : 24 février. Partie 323 : 25 février. Partie 324 : 27 février. Partie 325 : 28 février. Partie 326 : 1er mars. Partie 327 : 5 mars. Partie 328 : 6 mars. Partie 329 : 9 mars. Partie 330 : 10 mars. Partie 331 : 11 mars. Partie 332 : 12 mars. Partie 333 : 13 mars. Partie 334 : 14 mars. Partie 335 : 15 mars. Partie 336 : 16 mars. Partie 337 : 16 mars (1). Partie 338 : 18 mars. Partie 339 : 18 mars (1). Partie 340 : 19 mars. Partie 341 : 20 mars. Partie 342 : 21 mars. Partie 343 : 22 mars. Partie 344 : 23 mars. Partie 345 : 25 mars. Partie 346 : 26 mars. Partie 347 : 27 mars. Partie 348 : 28 mars. Partie 349 : 29 mars. Partie 350 : 30 mars. Partie 351 : 31 mars. Partie 352 : 1er avril. Partie 353 : 3 avril. Partie 354 : 3 avril (1). Partie 355 : 4 avril. Partie 356 : 5 avril. Partie 357 : 5 avril (1). Partie 358 : 6 avril. Partie 359 : 7 avril. Partie 360 : 9 avril. Partie 361 : 10 avril. Partie 362 : 11 avril. Partie 363 : 12 avril. Partie 364 : 15 avril. Partie 365 : 16 avril. Partie 366 : 17 avril. Partie 367 : 18 avril. Partie 368 : 18 avril (1). Partie 369 : 18 avril (1). Partie 370 : 19 avril. Partie 371 : 21 avril.
Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFP, Altermidi et sur Le Poing.