Jeunes, audacieux et en colère : la renaissance de la cause palestinienne menée par la jeunesse

Mohamad Hasan Sweidan, 2 novembre 2023. Depuis des années, l’idée dominante est que la cause palestinienne perd son emprise sur les jeunes générations. Cette perception découle de la conviction qu’à mesure que la mondialisation resserre son emprise, la jeunesse d’Asie occidentale, en particulier en Palestine occupée, pourrait être de plus en plus déconnectée de ses racines historiques et de ses affiliations nationales.

Des manifestants défilent à San Francisco contre le soutien américain au nettoyage ethnique en cours dans les territoires palestiniens par Israël, le samedi 14 octobre. (Sonia Waraich – East Bay Echo)

Avec la diffusion des idées libérales, beaucoup ont spéculé que les opportunités économiques, les progrès technologiques et la visibilité mondiale détourneraient leur attention de la cause palestinienne. Certains prévoyaient même que la jeune génération se retournerait contre la résistance armée à l’occupation sioniste, en raison de la petite vague de normalisation arabo-israélienne.

Mais les événements récents, en particulier la guerre génocidaire israélienne contre Gaza soutenue par les États-Unis, ont montré une histoire différente. Trois semaines d’atrocités incessantes ont ravivé la flamme de l’identité palestinienne, garantissant qu’au moins trois générations restent unies contre « l’ordre fondé sur des règles » de l’Occident et soutiennent toute résistance contre l’État d’occupation.

La jeunesse en Asie occidentale

Avant l’opération militaire Déluge d’Al-Aqsa menée par le Hamas le 7 octobre, beaucoup pensaient que les jeunes Arabes penchaient davantage vers la normalisation des relations avec Israël, privilégiant la prospérité économique plutôt que la solidarité avec les Palestiniens opprimés.

Cependant, le contraste frappant entre les États arabes alignés sur l’Iran, aux prises avec les sanctions et l’insécurité, et les pays arabes qui ont normalisé leurs relations et jouissent d’une meilleure qualité de vie a amené la jeunesse à remettre en question les vieilles hypothèses sur la résistance.

Le rôle joué par la jeunesse arabe après les événements du 7 octobre a renforcé la nécessité d’affronter Israël. Les comportements de Tel-Aviv, à la criminalité, l’agression et les mensonges exacerbés, ont embarrassé ses partenaires arabes et remettent désormais en question le discours qui cherchait à séparer le Hamas du reste de la population palestinienne.

Selon les divisions générationnelles du Pew Research Center basées sur l’âge, les jeunes générations d’aujourd’hui peuvent être classées en deux groupes, et les enfants actuels peuvent être classés dans une seule catégorie :

*génération Y : nés entre 1981 et 1996

*génération Z : nés entre 1997 et 2012

*génération Alfa : nés entre 2012 et 2025

Après le lancement du Déluge d’Al-Aqsa, l’Occident a tenté de cadrer le récit autour de l’événement spécifique – en laissant de côté le contexte historique – en cherchant à caractériser le Hamas comme ISIS, et en soulignant le « droit à l’auto-défense » d’Israël contre le « terrorisme ». Ironiquement, ce sont les actions brutales d’Israël qui ont contrecarré ces efforts, entraînant la mort de plus de 8.525 Palestiniens, dont 3.542 enfants et plus de 2.000 femmes [chiffres au 2.11, ndt].

Ce bilan dévastateur a suffi à qualifier Israël de véritable auteur du terrorisme, et les images de martyrs innocents, en particulier d’enfants, sont devenues un symbole puissant dans la défense des droits des Palestiniens.

Agents du changement

Ce qui est vraiment remarquable, c’est que les leaders des nouveaux récits sont les jeunes des générations Z, Y et Alpha. En tirant parti des réseaux sociaux et en s’adressant directement à leurs pairs, ils ont transmis au monde les plaintes du peuple palestinien. Beaucoup avaient une connaissance limitée de la Palestine, mais leur sens non filtré de la justice a alimenté leur colère collective contre le nettoyage ethnique en cours par Israël en Palestine.

Les réseaux sociaux ont également donné naissance à une nouvelle forme de journalisme, connue sous le nom de journalisme citoyen. Les individus ordinaires sur le terrain sont devenus des journalistes de première ligne, partageant des mises à jour audio et vidéo en direct qui marginalisent efficacement les reportages d’actualité grand public. Lorsque les médias traditionnels ne parviennent pas à fournir une image complète, des plateformes comme X et Instagram sont devenues des sources d’informations inestimables. Par exemple, au cours des deux premiers jours de l’offensive de Gaza, plus de 50 millions de messages ont inondé la plateforme X et ont fourni une couverture en temps réel des événements sur le terrain.

Sur les réseaux sociaux, la jeune génération joue un rôle crucial dans la sensibilisation à la cause palestinienne, galvanisant les gens du monde entier à répercuter leur indignation. Aujourd’hui, dans de nombreux pays, les populations descendent dans la rue pour protester, boycottant les entreprises qui soutiennent Israël et exprimant leur solidarité sur une grande variété de plateformes de réseaux sociaux.

Des vidéos défendant les droits des Palestiniens sont diffusées dans des dizaines de langues et atteignent des millions de personnes. Quelques semaines après l’agression, des hashtags comme #فلسطين et #إسرائيل ont été visionnés des milliards de fois sur TikTok, ce qui a conduit les États-Unis à faire pression sur Meta pour qu’elle interdise les comptes influents soutenant la cause palestinienne.

Les scènes de brutalité israélienne sur les réseaux sociaux ont abouti à des critiques généralisées et sans précédent à l’égard des États-Unis, un partenaire clé dans les plans de guerre de Tel-Aviv, de la part de la jeunesse juive américaine. Des milliers de voix juives critiques se sont élevées pour condamner la politique de Washington. Au lieu de s’effacer, la cause palestinienne reprend de l’ampleur dans le monde entier, défiant les intentions de Washington et de Tel Aviv.

Influence sur la jeunesse occidentale

Selon un récent sondage publié par le Daily Mail, seules 40 % des personnes interrogées âgées de 18 à 29 ans ont une opinion négative du groupe de résistance palestinien Hamas. Malgré les efforts d’Israël pour qualifier le Hamas d’EI, plus de la moitié des jeunes interrogés ne partagent pas ce point de vue. Le même sondage indique que 32 % ont une vision négative d’Israël, tandis que seulement 24 % pour cent ont une vision positive. Il est important de noter que parmi les jeunes, ceux qui ont une vision négative d’Israël sont plus nombreux que ceux qui ont une vision positive.

Un sondage Axios aux États-Unis révèle que moins de la moitié des jeunes interrogés (48 %) pensent que le pays devrait soutenir Israël. En revanche, ce pourcentage augmente considérablement parmi les personnes interrogées plus âgées, atteignant 83 % parmi ceux nés entre 1946 et 1964. Un autre sondage réalisé par Generation Lab montre que 48 % des étudiants américains interrogés ne blâment pas le Hamas pour les événements du 7 octobre.

Un sondage Quinnipiac montre que 51 % des électeurs de moins de 35 ans ne soutiennent pas l’envoi d’armes et d’équipements militaires en Israël en réponse à l’opération du Hamas, contre 77 % pour les 50 ans ou plus.

De plus, le Centre d’études politiques américaines de l’Université Harvard a mené une enquête sur la guerre en Palestine auprès des personnes interrogées âgées de 18 à 24 ans, avec les principales conclusions suivantes :

*47 % pensent que le Hamas a ciblé l’armée d’occupation lors de l’opération Déluge d’Al-Aqsa et non les civils.

*41 % pensent que les combattants du Hamas sont des militaires et non des terroristes.

*48 % sont du côté du Hamas et non d’Israël. (Cela monte à 91 % pour les 55-64 ans)

*Bien que 62 % pensent que les actions du Hamas sont criminelles, 52 % pensent que le meurtre de 1.200 civils israéliens par le Hamas peut être justifié en raison de l’injustice infligée aux Palestiniens.

*46 % pensent que les cabinets d’avocats ne devraient pas refuser d’embaucher des étudiants en droit qui soutiennent le Hamas et les attaques contre des civils israéliens.

*48 % s’opposent à la politique de l’administration Biden à l’égard d’Israël.

*54 % pensent que l’Iran n’a rien à voir avec l’attaque du Hamas du 7 octobre.

*59 % pensent qu’Israël a eu tort de couper l’électricité, l’eau et la nourriture dans la bande de Gaza afin de récupérer ses prisonniers.

*Seuls 30 % pensent que les États-Unis devraient soutenir Israël dans la guerre contre Gaza.

*45 % pensent qu’Israël a bombardé l’hôpital baptiste dans la bande de Gaza.

*Seulement 24 % pensent que les médias américains rapportent les événements à Gaza de manière équitable.

*60 % pensent que les États-Unis ne devraient pas intervenir militairement si l’Iran frappe Israël.

Commentant ces chiffres, Mark Penn, PDG de Stagwell et président de la Fondation Harris-Ball, déclare que « la guerre entre Israël et le Hamas n’est pas une question divisée selon des lignes de parti, mais sur la base de l’âge ».

Rachel Janvaza, experte de la culture politique de la jeune génération, suggère que « les seniors sont profondément traumatisés par la fracture générationnelle, mais cette tension couve depuis un certain temps sur les réseaux sociaux et dans les universités – qui jouent tous deux un rôle très puissant dans la façon dont les jeunes voient le monde. » D’autres dénigrent cette évolution – Brad Polombo, dans un article pour Newsweek, estime : « La génération Z ne va pas bien. »

Les événements récents mettent en évidence la résilience des jeunes palestiniens dans la préservation de leur identité et la défense de leurs droits. Ils ont exploité des moyens innovants pour maintenir la pertinence du récit palestinien à l’échelle mondiale, grâce à la solidarité des jeunes d’Asie occidentale qui portent les griefs palestiniens à l’opinion publique mondiale via diverses plateformes de réseaux sociaux, dans toutes les langues.

L’impact de ces événements sur la jeune génération continuera probablement à façonner leurs opinions et à influencer les décisions futures, et a aujourd’hui le potentiel d’influencer l’opinion internationale et de modifier la politique étrangère.

Article original en anglais sur The Cradle / Traduction MR

A propos de l’auteur : Mohamed Sweidan est chercheur en études stratégiques, écrivain pour différentes plateformes médiatiques et auteur de plusieurs études dans le domaine des relations internationales. Mohamed se concentre principalement sur les affaires russes, la politique turque et la relation entre la sécurité énergétique et la géopolitique. Son compte X : @mhmdsweidan