Les Brigades de Jénine ont mené une bataille qui inspirera davantage de résistance en Cisjordanie

Robert Inlakesh, 9 juillet 2023. L’opération militaire du régime sioniste à l’intérieur de Jénine était la plus importante depuis 2002, mais n’a pas réussi à ébranler les Brigades de Jénine. Au lieu de détruire le moral des gens à l’intérieur du camp de réfugiés et dans toute la Palestine occupée, c’est tout le contraire qui s’est produit, accordant aux combattants de la résistance une victoire défensive majeure contre l’une des armées les mieux équipées du Moyen-Orient.

Blindé israélien mis hors service par la résistance palestinienne à Jénine, 3 juillet 2023 -Getty Images.

Lorsque le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a appelé, avec son ministre de la guerre Yoav Gallant, à lancer une opération militaire contre Jénine, il est rapidement devenu évident qu’ils n’avaient pas d’objectifs clairs dans la lutte. Dimanche soir, une série de frappes aériennes s’est abattue sur des bâtiments de la ville et du camp de réfugiés de Jénine, tuant plusieurs Palestiniens. Ensuite, l’armée d’occupation a envoyé une importante force terrestre, composée d’un millier de soldats, pour prendre d’assaut le secteur. Des résistants les ont accueillis par des fusillades nourries et les ont ciblés avec des engins explosifs improvisés.

Les forces sionistes ont utilisé des avions de chasse, des drones et des hélicoptères Apache, ils ont également envoyé leurs forces spéciales d’élite et utilisé des armes antichars, en plus des chars et d’autres types de véhicules militaires. De l’autre côté, les brigades de Jénine étaient armées d’armes légères, à savoir des mitrailleuses semi-automatiques, et d’explosifs de fabrication locale.

Malgré les avantages militaires écrasants sur le papier, l’armée d’occupation israélienne n’a pas été en mesure de pénétrer au centre du camp de réfugiés de Jénine, et ses nombreuses tentatives ont été repoussées. Il n’a pas non plus arrêté ou tué les principaux dirigeants des forces de résistance de Jénine, n’a pas réussi à capturer d’importantes caches d’armes, ne confisquant qu’une poignée d’armes à feu et quelques explosifs, dont beaucoup n’étaient pas encore développés ni prêts à fonctionner. Il n’y a pas eu de victoires significatives du renseignement, car les forces d’occupation n’ont réussi à prendre d’assaut que des zones connues du grand public comme étant utilisées par les forces de résistance, le seul élément important étant les tunnels récemment creusés dans le camp.

Qu’est-ce que l’entité sioniste espérait réaliser et pourquoi ?

D’après les déclarations du Premier ministre du régime et ses porte-parole militaires, il semble qu’il y ait eu un objectif général d’affaiblir ce qu’ils appellent le « foyer du terrorisme » et de saper le moral des habitants de Jénine. Ces déclarations de propagande sont conformes à la réalité que leurs forces ont créée sur le terrain, puisque les forces israéliennes ont détruit de nombreuses rues, conduites d’eau et systèmes électriques dans le camp. L’agence Anadolu a rapporté que 80 % des maisons du camp de réfugiés de Jénine ont été endommagées.

Des milliers de réfugiés palestiniens ont été forcés de fuir le camp de réfugiés de Jénine, cherchant refuge dans les installations voisines de l’ONU et, dans certains cas, sont restés dans les rues pendant des heures sans aucun endroit où se cacher. 300 maisons ont été complètement détruites par les frappes aériennes israéliennes, les missiles portés sur l’épaule et les coups de feu. L’hôpital Ibn Sina a également été perquisitionné, tandis qu’un petit groupe de journalistes qui avaient réussi à pénétrer dans le camp, au début de l’attaque israélienne, ont eu leurs caméras détruites par des tirs.

Seuls 8 combattants de la résistance palestinienne ont été tués au cours de la bataille de deux jours, tous issus des Brigades Al-Qods du Jihad Islamique Palestinien (JIP). Ce qui est intéressant à noter, c’est que les Brigades de Jénine sont presque entièrement composées de jeunes âgés de 17 à 24 ans, ce qui se reflète dans la tranche d’âge des combattants qui ont été tués. L’un des combattants revendiqués par les Brigades de Jénine était Nur al-Din Hussam Marshoud, un jeune de 16 ans, tandis que trois autres avaient 17 ans et deux autres avaient 18 et 19 ans, le combattant martyr le plus âgé n’ayant que 21 ans. Les quatre autres tués lors de la bataille de Jénine étaient des civils.

Lorsque l’armée d’occupation a lancé son attaque, elle a probablement cherché à réaliser quelques images en forme de trophées pour parader dans ses médias. Nous avons vu beaucoup de séquences vidéo soigneusement sélectionnées de frappes aériennes et de tirs de missiles portés à l’épaule, en plus d’échanges de coups de feu, partagées par l’armée d’occupation avec les médias israéliens. Il y a également eu des allégations concernant la capture de plus de 1.000 armes, qu’ils ont documentées et également envoyées à leurs médias pour publication. La plupart des « armes » capturées étaient des bonbonnes de gaz qui n’avaient pas encore été transformées en explosifs.

Environ deux semaines avant l’attaque, les Brigades de Jénine avaient réussi à attirer dans une embuscade des véhicules militaires israéliens qui tentaient d’envahir le camp ; ils avaient utilisé des engins explosifs qui ont blessé au moins 7 soldats. Le lendemain, une cellule armée affiliée au Hamas, composée de deux combattants, a attaqué et tué quatre colons israéliens illégaux à l’entrée de la colonie « Eli ». L’action a provoqué une réunion de sécurité entre les responsables sionistes pour envisager une réponse, ce que les ministres extrémistes de Benjamin Netanyahu – comme Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir – demandaient au régime, ainsi que des groupes de colons en Cisjordanie occupée.

Les Israéliens se sont rapidement concentrés sur les groupes armés constituant les Brigades de Jénine, avec des appels généralisés au sein du régime sioniste et de son opinion publique pour lancer une opération militaire reproduisant « l’opération Bouclier défensif » de 2002, une attaque qui avait entraîné le meurtre d’environ 500 Palestiniens et le démantèlement des enclaves de la résistance, lors de la Seconde Intifada. Initialement, Netanyahu et son ministre de la guerre, Yoav Gallant, ont refusé d’approuver une invasion du nord de la Cisjordanie. Il semble qu’au lieu de cela, l’assaut de dimanche ait été considéré comme une option plus sûre avec moins de répercussions possibles.

Qu’est-ce qui a motivé la décision du Premier ministre israélien de lancer une attaque contre Jénine de cette manière ? Il peut y avoir eu quelques facteurs en jeu, y compris la pression croissante pour agir contre les Brigades de Jénine qui se sont renforcées au cours du mois dernier, et le désir d’infliger un coup qui ralentirait la croissance des groupes mais ne causerait pas de contrecoup significatif.

Il pourrait aussi y avoir la conviction que le groupe armé Repaire des Lions de la vieille ville de Naplouse s’était calmé, nombre de ses combattants s’étant rendus aux services de sécurité de l’Autorité palestinienne.

La dernière considération est importante car elle montre que le niveau de menace de Naplouse semble être moindre en ce moment, bien que le Repaire des Lions ne subisse pas réellement de coup dur et soit devenu simplement plus silencieux que d’habitude sur une période de quelques mois, ce qui pourrait rapidement changer.

Les succès de la résistance à Jénine ont été nombreux. Pour commencer, le régime sioniste admet que les brigades de Jénine ont réussi à éliminer le capitaine David Yehuda Yitzhak, de l’unité des forces spéciales d’Egoz ; des preuves vidéo et photographiques suggèrent également qu’au moins quatre soldats israéliens ont été tués, malgré le refus de l’armée israélienne de le reconnaître. Un certain nombre de photos ont émergé, montrant des blessures infligées par des coups de feu à des soldats israéliens, tandis que l’armée d’occupation admettaient des blessures, en raison de l’utilisation d’engins explosifs contre des véhicules militaires. Il n’a pas été confirmé combien de véhicules ont été endommagés par des explosifs, cependant, des preuves vidéo et photographiques suggèrent que de nombreux véhicules ont été mis hors service et/ou ont été frappés par de grosses explosions.

Ensuite, il y a d’autres résultats, comme contrecarrer les tentatives israéliennes de pénétrer profondément dans le camp de réfugiés de Jénine, s’engager dans des combats rapprochés et réussir à forcer les soldats israéliens à se retirer, et réussir à maintenir le taux de pertes parmi les combattants de la résistance relativement bas. Même pour les journalistes qui ont suivi de près les Brigades de Jénine au cours des dernières années, la bataille qu’ils ont menée était extrêmement surprenante, surtout compte tenu du manque d’accès à des armes de pointe et de l’expérience d’entraînement limitée de nombreux combattants. Lundi soir, lorsque des milliers de réfugiés ont fui le camp de Jénine, tout le monde s’attendait au pire, un chef des Brigades de Jénine ayant même enregistré un message pour anticiper sa mort et le martyre de ses compagnons de combat. Au lieu de subir un massacre, les forces de la résistance ont remporté une victoire historique, ayant infligé des pertes à une force militairement supérieure et survivant à une tentative de les écraser.

Les Brigades Nasser Salahudeen ont également annoncé le début de leurs actions militaires à l’intérieur de la Cisjordanie, lors de la bataille de Jénine. Les brigades Salahudeen avaient été présentes plus tôt cette année lors d’un défilé militaire organisé par les brigades de Jénine, mais sont depuis restées silencieuses. Les brigades Salahudeen sont le troisième groupe armé le plus puissant à l’intérieur de la bande de Gaza et leur participation à la lutte contre les forces d’occupation sionistes en Cisjordanie représente un autre problème pour l’armée israélienne.

En plus de tout cela, des attaques de représailles ont été menées à Hawara contre des soldats israéliens, il y a également eu des tirs à al-Khalil, près du camp de réfugiés d’Aqbat Jabr, au poste de contrôle de Qalandia et vers la colonie de Beit El près d’al-Bireh. La plus importante de toutes a été l’attaque à la voiture bélier et à l’arme blanche de ‘Tel-Aviv’, perpétrée par un membre du Hamas.

Ce que l’attaque de ‘Tel-Aviv’ a suggéré, c’est que toute la prémisse de l’assaut de l’armée israélienne sur Jénine était incorrecte. La ligne de propagande de l’entité sioniste était qu’elle empêchait les attaques contre ‘Tel-Aviv’ en poursuivant les Brigades de Jénine alors que leur attaque contre Jénine n’a fait que créer plus d’attaques de revanche et a démontré que de telles opérations de loup solitaire n’ont rien à voir avec les groupes armés, ou du moins qu’ils ne les ont pas planifiées. Les groupes armés à l’intérieur de la Cisjordanie, à l’exception peut-être du groupe Repaire des Lions, sont presque entièrement défensifs et n’opèrent qu’à l’intérieur de leurs propres zones. Quant à l’idée que l’attaque de l’armée d’occupation détruirait les esprits des habitants de Jénine, c’est tout le contraire qui s’est produit.

Article original en anglais sur Al-Mayadeen / Traduction MR

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