Ce que l’expulsion de Salah Hamouri dit de la France

Yasser Louati, 22 décembre 2022. L’occupant a finalement réussi. L’avocat et défenseur des droits humains Salah Hammouri a été expulsé de sa ville natale vers Paris dimanche 18 décembre sur un vol El Al. Cette décision fait suite à deux décennies de harcèlement de la part d’Israël à l’encontre du natif de Jérusalem, qui avait également passé neuf mois de détention administrative sans procès ni procédure régulière avant son expulsion.

Cette décision unilatérale intervient alors qu’Israël procède à un nettoyage ethnique de Jérusalem pour effacer toute présence palestinienne. Il reste à clarifier pourquoi la France a accepté Hamouri sur son sol étant donné qu’il n’avait pas de passeport. Il semble également impossible que le gouvernement français n’ait pas eu connaissance de son expulsion forcée, et encore moins du vol spécifique sur lequel il serait placé.

De plus, les passagers expulsés sont sous la responsabilité du transporteur et par extension de l’État d’immatriculation de l’avion jusqu’à ce qu’ils soient acceptés par le pays « hôte ».

La France aurait dû refuser de laisser Hammouri arriver sur le sol français afin de ne laisser à Israël aucun autre choix que de revenir avec lui ou, à défaut, de s’engager dans une querelle diplomatique pendant que les frais de stationnement et de manutention à l’aéroport de Roissy se seraient accumulés.

Refuser des passagers n’est pas inconcevable. Emmanuel Macron a précédemment exprimé sa colère envers l’Algérie et la Tunisie pour avoir refusé d’accueillir leurs citoyens après qu’ils aient été expulsés de France et parce qu’il ne pouvait pas les forcer à rentrer dans leurs pays.

Face à la récente expulsion, le ministère français des Affaires étrangères a publié ce qui est un communiqué de presse franchement pathétique, « condamnant l’expulsion de Salah Hamouri ». Comme si les innombrables condamnations des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre d’Israël avaient eu un quelconque effet sur sa politique jusqu’à présent.

En réalité, le gouvernement français a fait le strict minimum pour exprimer son opposition, et sa condamnation officielle semble montrer qu’il souhaite que l’affaire soit classée rapidement, et éviter toute confrontation avec le gouvernement israélien.

Comme l’a déclaré l’ONU, la déportation de Salah Hammouri constitue un crime de guerre. L’article 49 de la convention de Genève et l’article 8 du statut de la Cour pénale internationale (CPI) définissent clairement l’expulsion forcée de personnes de leur patrie. Mais, combien de fois Israël a-t-il été accusé de commettre de tels crimes, en vain ?

En fait, l’affaire Hamouri est une terrible mise en accusation de la politique lâche et hypocrite de la France, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Malgré l’élection du gouvernement le plus à droite à ce jour, Emmanuel Macron s’est empressé d’appeler Benjamin Netanyahou pour le féliciter et lui rappeler les liens solides de la France avec Israël.

Dans le pays, le soutien politique aux Palestiniens est criminalisé, les manifestations sont régulièrement confrontées à la violence policière et le boycott d’Israël est toujours interdit.

Malgré cette déportation choquante, il n’y a toujours aucun signe de changement de la position de la France. En février 2022, en référence aux plans d’Israël d’annexer l’ensemble de Jérusalem, le Premier ministre de Macron, Jean Castex, a déclaré que « c’est la capitale éternelle du peuple juif, je n’ai jamais cessé de le dire » et qu’il est « préoccupé par la résolution des Nations Unies sur Jérusalem qui continue à écarter délibérément et contre toute évidence la terminologie juive du ‘Mont du Temple’ ».

Sous la direction de Macron, la politique étrangère soumise de la France à l’égard d’Israël est claire pour tous, mais en vérité, ce n’est que la dernière itération de l’approche de ses prédécesseurs. Le complexe de culpabilité dont souffre la France en raison de ses politiques antisémites sous Vichy, de sa déportation des Juifs et de sa collaboration avec le régime nazi, continue d’être utilisé pour justifier l’absence de condamnation des crimes d’Israël contre les Palestiniens.

L’expulsion d’Hamouri expose davantage la véritable puissance de la France au niveau mondial. Les discours grandioses des gouvernements français respectifs sur les « droits de l’homme » et leur soutien à une solution à deux États – le mirage de dix ans utilisé pour retarder indéfiniment l’idée même de l’autodétermination palestinienne – dépeignent la France comme un nain sur la scène internationale. Sans compter que cela signifie que le pays est complice des crimes commis contre les Palestiniens.

Les politiques criminelles d’Israël continuent de mettre à nu sa véritable intention : le nettoyage ethnique des Palestiniens. Cette décision d’Israël de déplacer de force Salah Hamouri de sa ville natale est aussi légitime que le droit d’Israël à exister en tant qu’État d’apartheid.

En réponse à cette dernière tragédie, et à toutes les autres commises par Israël, le mouvement de solidarité avec la Palestine doit s’engager dans une approche plus robuste et radicale. Rappeler à un État voyou le droit international et la moralité est aussi efficace que de rappeler à un voyou l’importance de l’État de droit. Le droit international ne signifie rien pour Israël. Après tout, un État établi par des colons européens pour la plupart n’aurait pas pu devenir, et n’a jamais été conçu comme un projet fondé sur l’État de droit et l’égalité entre ses citoyens.

Selon les mots puissants de Salah Hamouri, qui nous rappelle, bien que visiblement marqué et conscient qu’il ne reverra peut-être jamais sa patrie, que « cette machine de destruction appelée Israël ne recule que face à la résistance palestinienne ». Il faut continuer à se mobiliser, « jusqu’à la libération, l’indépendance, et surtout, le retour. »

Article original en anglais sur The New Arab / Traduction MR

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