L’histoire de Menachem Begin : du fasciste, au terroriste, au meurtrier de masse au lauréat du… prix Nobel de la paix !

Hussam Abdelkareem, 1er septembre 2022. Né en 1913 à Brest-Litovsk, en Russie (aujourd’hui Biélorussie), Menachem Wolfovitch Begin grandit en Pologne, où se trouve à l’époque la plus grande population juive du monde et où le mouvement sioniste est très actif pour promouvoir l’idée d’un “État juif” en “Terre promise”. Cependant, le jeune Begin choisit de rejoindre la branche d’extrême-droite du sionisme (connue plus tard sous le nom de sionisme révisionniste), dirigée et inspirée par un autre activiste sioniste d’origine russe, Vladimir Jabotinsky. À l’âge de 16 ans, Begin rejoint le Betar, un mouvement paramilitaire de jeunesse de type fasciste fondé par Jabotinsky. En 1932, Begin devient un dirigeant du Betar en charge du département de l’organisation. Bien que Begin soit diplômé en droit de l’université de Varsovie en 1935, il n’a jamais exercé cette profession et s’est totalement concentré sur sa carrière sioniste. 

L’année 1939 est cruciale dans la vie de Menachem Begin. Après que l’Union soviétique a signé un pacte avec l’Allemagne nazie, l’appareil de sécurité de Staline (NKVD) détient tous les dirigeants et militants sionistes en Pologne, les soupçonnant d’être loyaux envers les Britanniques ou d’être des agents de ces derniers. Begin est arrêté et envoyé en prison en Sibérie en 1940. Ce n’est qu’après l’invasion de l’Union soviétique par les Allemands en 1941 et l’amélioration des relations soviéto-britanniques que Begin est libéré de prison. La Grande-Bretagne décide d’utiliser l’armée polonaise (dont le pays est sous occupation allemande) du général Wladyslaw Anders dans ses efforts de guerre au Moyen-Orient. Les Britanniques s’entendent avec Staline et les unités de l’armée polonaise sont évacuées d’URSS en 1942. L’armée d’Anders (polonaise) a d’abord été envoyée en Iran, puis transférée en Irak, et de là en Palestine où environ 53.000 soldats ont été regroupés. L’intention des Britanniques était de les envoyer en Égypte pour qu’ils se joignent aux opérations militaires britanniques contre les forces allemandes, qui avançaient depuis l’ouest (Libye) au cours de l’été 1942. Ces détachements polonais qui sont arrivés en Palestine étaient opérationnellement subordonnés au commandement britannique et le but du regroupement était de les recycler en tant que force de combat en Afrique du Nord, et la Palestine était une route de transit pour eux. Sur ces 53.000 soldats, au moins 4.300 étaient juifs. Une partie importante de ces soldats juifs a fait défection et a décidé de rester en Palestine. L’un d’entre eux était Menachem Begin (bien que sa biographie officielle indique qu’il a été réformé de l’armée polonaise).

En Palestine, Begin ne perd pas de temps. En 1943, peu après sa désertion de l’armée polonaise, il est nommé commandant de l’Irgoun Zvai Leumi (Etzel), l’organisation terroriste représentant le mouvement sioniste révisionniste Jabotinsky. Ce groupe d’extrême droite prône une version violente du sionisme qui ne laisse aucune place au compromis avec les Arabes. Selon la doctrine de l’Irgoun, la Palestine est la terre des juifs uniquement et les Arabes doivent aller ailleurs. Même les Britanniques ont leur part de l’inimitié d’Etzel. Bien que la Grande-Bretagne ait été le principal promoteur du projet sioniste en Palestine dès le début (et ait publié la déclaration Balfour en 1917, promettant aux sionistes une « patrie juive » en Palestine), cela ne suffisait pas à l’Irgoun et aux héritiers de Jabotinsky ! L’approche pragmatique de l’administration britannique en Palestine et ses manœuvres entre toutes les parties ont provoqué la colère de l’Irgoun dirigé par Begin, en particulier lorsque les Britanniques ont imposé des quotas pour les immigrants juifs en Palestine afin de réguler le processus.

En février 1944, sous la direction de Begin, l’Etzel appelle à la révolte contre les autorités du Mandat britannique et entame une série d’actions militaires qui se poursuivront jusqu’en 1948. Au cours de cette période, Begin a commandé les opérations de l’Etzel, notamment le bombardement de l’hôtel King David à Al-Quds occupée (1946), l’attaque de la prison d’Acre (1947) et l’assassinat du diplomate suédois et médiateur de l’ONU en Palestine, le comte Bernadotte (1948). Ce qui a conduit les Britanniques à placer Begin en tête de leur liste de terroristes les plus recherchés.

C’est pendant la guerre israélo-arabe de 1948 que Menachem Begin a commis son crime le plus horrible. Ce fut un massacre. En avril 1948, Menachem Begin, accompagné d’un grand nombre de militants de l’Irgoun, est entré dans le village arabe de Deir Yassin, à la périphérie de la Palestine occupée. Le village était paisible et ses habitants étaient des civils non armés. Les assaillants ont sauvagement massacré au moins 200 habitants, dont des femmes et des enfants, fait exploser des maisons avec des personnes à l’intérieur et tiré sur des gens au hasard. Ils ont également fait des prisonniers et les ont chargés dans des camions qui ont fait le tour d’Al-Quds occupée pour un « défilé de la victoire ». La nouvelle du massacre de Deir Yassin s’est rapidement répandue en Palestine, poussant des centaines de milliers de Palestiniens des villages voisins à fuir par crainte de subir le même sort. Menachem Begin n’a jamais regretté le massacre, ni présenté d’excuses pour celui-ci. Dans son autobiographie intitulée La Révolte, il a déclaré que ses troupes qui sont entrées dans le village ont « donné des avertissements » aux Arabes, et a ajouté froidement, « les civils qui n’avaient pas tenu compte de nos avertissements ont subi des pertes inévitables » !

Après la déclaration du soi-disant “État d’Israël”, Menachem Begin dépose les armes et ordonne à ses militants de l’Irgoun, ainsi qu’à d’autres groupes de droite comme le Lehi, de rejoindre les forces sionistes traditionnelles, la Haganah, et ensemble, ils forment l’armée israélienne. Il crée un parti politique, le Hirut, pour refléter son idéologie d’extrême droite et expansionniste. Il est resté le chef de l’opposition pendant 29 ans. Ce n’est qu’en 1967, lorsque “Israël” est sur le point de lancer son agression contre les pays arabes, que Begin rejoint le gouvernement d’ « union nationale ».  

En 1977, Begin remporte les élections générales en “Israël” sous la coalition du Likoud et prend le pouvoir. Son ascension coïncide avec le coup d’État du président égyptien Anouar el-Sadate contre les politiques nassériennes et sa poussée vers les États-Unis et “Israël”. Au cours de ses négociations avec l’Egypte, Begin fait preuve de beaucoup d’obstination et d’extrémisme dans ses exigences. Il a pratiquement refusé d’offrir tout règlement raisonnable au problème palestinien, à part une « région autonome » où les Palestiniens peuvent prendre en charge les soins de santé et les services municipaux sans aucune forme de souveraineté.

Ce n’est que la volonté de Sadate d’accepter toutes les conditions imposées par Begin au nom de la récupération du désert du Sinaï par l’Égypte qui a fait aboutir les négociations. Le résultat fut un traité de paix très avantageux pour “Israël” qui comprenait un retrait nominal du Sinaï. Begin a reçu le prix Nobel de la paix, conjointement avec Sadate.

Cependant, l’idée même de « concéder » des terres aux Arabes était détestable et amère pour Begin. Il est vrai que le Sinaï ne faisait pas partie de la Palestine historique, mais il était néanmoins la possession d'”Israël” depuis 1967, et dans l’esprit de Begin, ce qui est conquis par la force doit rester entre les mains des juifs, soutenant que les frontières d'”Israël” ne sont déterminées que par la portée de son armée. Avec ce contexte idéologique, Begin a décidé qu’il avait besoin d’une « compensation ». Et ce fut le Liban. En juin 1982, cinq semaines seulement après le retrait des forces israéliennes du Sinaï, Begin déchaîne sa fureur sur le Liban et ordonne à son armée de l’envahir. Le monstre sioniste ne s’est pas arrêté avant d’avoir occupé la capitale du Liban et de l’avoir complètement détruite. Ce n’est qu’à ce moment-là que Begin a estimé avoir reçu la compensation appropriée pour sa « concession » dans le Sinaï.

Mais les choses ne se sont pas passées comme Begin le souhaitait. Un nouveau mouvement de résistance nationale libanaise s’est développé et a commencé à s’attaquer à l’armée d’occupation israélienne, de manière très courageuse et efficace. Le nombre de victimes militaires israéliennes a augmenté au fil du temps jusqu’à atteindre la barre des 1.000 (soldats morts). Avec chaque soldat mort, le chagrin de Begin augmentait, et l’impact psychologique sur lui fut énorme. Le choc fut rude car il ne voulait pas et ne s’attendait pas à ce que ses camarades soldats subissent ce sort. Le caractère de Begin s’est aigri et ses relations avec les autres, y compris les fonctionnaires du gouvernement et de l’armée, se sont tendues.

Begin entra alors dans un état dépressif sévère qui l’obligea à se retirer chez lui pendant une semaine entière, au cours de laquelle il ne participa à aucune réunion avec des représentants du gouvernement ou de l’armée. Son état psychologique s’est aggravé pendant qu’il était dans cet isolement, à tel point qu’il a cessé de se raser la barbe et même de manger ! Tout s’est terminé lorsque Begin a envoyé un petit message au président israélien consistant en quelques mots : « Je présente ma démission du poste de premier ministre ! »

La seule chose que Menachem Begin fit dans ses derniers jours en tant que politicien actif fut de choisir son successeur. Begin a regardé autour de lui pour trouver quelqu’un qui pourrait être chargé de « garder Israël » après lui. Il n’a pas trouvé plus extrémiste et puritain que son ancien camarade de l’Irgoun, Yitzhak Shamir, et lui a donc confié le poste avec un conseil : « Ne rend pas la “Terre d’Israël” aux Arabes ! »

Article original en anglais sur Al-Mayadeen / Traduction MR

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