Partager la publication "Comment l’aide internationale a normalisé le siège de Gaza imposé par Israël depuis 15 ans"
Ismail Patel, 20 juillet 2022. En 2005, Israël a annoncé le retrait de ses bases militaires, de ses postes de contrôle et de ses colonies de Gaza. En 2007, un siège a remplacé la fin de la colonisation israélienne directe sur Gaza.
Le siège israélien des 15 dernières années a régi tous les aspects de la vie des Palestiniens, notamment la santé, la mobilité sociale, l’accès aux ressources naturelles, l’électricité, l’eau, les télécommunications et l’économie. Selon un rapport des Nations unies de 2020, le blocus a poussé plus d’un million de Palestiniens de Gaza sous le seuil de pauvreté et a coûté 16,9 milliards de dollars à l’enclave.
Outre le blocus total de Gaza, Israël a mené de fréquentes attaques militaires qui ont fait des milliers de morts, des dizaines de milliers de blessés et qui ont détruit des maisons, des écoles et des hôpitaux.
Ainsi, ce qu’Israël a appelé « retrait » en 2005 était, en fait, l’introduction d’une nouvelle façon implacable d’administrer les plus de deux millions d’habitants de Gaza. L’une des tactiques utilisées par Israël est le contrôle draconien des marchandises entrant et sortant de Gaza. Il a, pendant une période, décidé d’interdire des produits de base essentiels comme le papier, le bois et le ciment.
En 2009, Israël a même refusé les serviettes hygiéniques et le papier toilette. Il l’a fait parce qu’il pouvait le faire sans avoir à rendre de comptes. En 2022, plus de 96 % de l’eau de Gaza est impropre à la boisson. Le taux de pauvreté est de 59 % et le taux de chômage de 45 %.
Le siège israélien a systématiquement empêché les médicaments et le matériel médical d’entrer à Gaza. Cela signifie que les traitements médicaux urgents sont retardés pour les quelques privilégiés et refusés à la majorité. Selon la Commission européenne, environ 80 % de la population dépend de l’aide humanitaire en raison du siège.
Normaliser le siège
La crise provoquée par le siège a fait réagir le monde par un déluge d’aide humanitaire.
Au cours des 15 dernières années, la communauté internationale a fait don de 5,7 milliards de dollars pour venir en aide aux Palestiniens de Gaza. Cette aide humanitaire a sauvé les Palestiniens de Gaza d’un génocide.
Cependant, elle est involontairement devenue un moyen pour Israël de poursuivre le siège et de le normaliser. Elle est venue soutenir ce que Dov Weisglass, en tant que conseiller principal du Premier ministre Ehud Olmert, a dit en 2006 : « mettre les Palestiniens au régime ».
En 2012, il a été révélé qu’Israël avait calculé d’autoriser, sur la base des besoins moyens d’une personne, l’entrée à Gaza de 2.300 calories par jour. C’était juste suffisant « pour ne pas les faire mourir de faim », comme l’a déclaré Weisglass.
La compréhension commune du siège ne reflète donc pas la pratique israélienne et devrait être qualifiée de « politique de siège néo-coloniale ». Celle-ci fonctionne de plusieurs manières.
D’abord, Israël exige que toute aide à Gaza passe par Israël, soit physiquement, soit avec son approbation. Le diktat d’Israël oblige les organisations humanitaires à travailler avec le gouvernement israélien colonialiste. Ces négociations avec Israël par les groupes humanitaires internationaux légitiment implicitement l’autorité coloniale israélienne.
De plus, l’aide étrangère permet à Israël, en tant qu’occupant, de se soustraire à ses responsabilités en vertu du droit international, de la Convention de La Haye et de la Quatrième Convention de Genève, de protéger la population palestinienne et ses biens. Israël se soustrait à son devoir parce que l’aide humanitaire empêche les Palestiniens de mourir de faim.
En fait, Israël se présente comme bienveillant en « permettant » à l’aide humanitaire d’atteindre Gaza tout en resserrant son étau.
La politique néocoloniale de siège d’Israël vise également à détruire l’aide humanitaire généreuse fournie par la communauté internationale. Les attaques et le siège de Gaza par Israël ont causé des dommages économiques de plus de 16 milliards de dollars entre 2007 et 2018, selon l’étude de l’ONU.
Cela signifie que le blocus néocolonial d’Israël a fait en sorte que, pour chaque dollar que la communauté internationale envoie à Gaza, Israël applique des dommages de plus de deux dollars. La politique de siège israélienne crée ainsi un déficit perpétuel, laissant la population de Gaza dans un état de crise humanitaire permanente.
C’est par ces moyens et d’autres moyens néocoloniaux qu’Israël a pu normaliser le siège de Gaza.
Tenir Israël pour responsable
Alors que le blocus de Gaza entre dans sa 16e année, il est temps que la communauté internationale non seulement réforme l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza, mais aussi tienne Israël pour responsable de son siège et de ses nombreuses violations des droits de l’homme.
Pour dénoncer les violations israéliennes et obliger Israël à rendre des comptes, les opérations de secours doivent être menées parallèlement aux revendications politiques. Actuellement, les investissements des organisations internationales dans l’aide humanitaire dépassent de loin les campagnes de lobbying politique, de contentieux, d’éducation et de mobilisation de la société civile.
Il faut exercer une pression soutenue sur les gouvernements pour isoler diplomatiquement et économiquement Israël.
De même, les efforts visant à faire respecter le droit international doivent être soutenus. Il faut exiger d’Israël qu’il compense les ravages qu’il inflige à la population de Gaza et qu’il réponde aux accusations de crimes de guerre.
La société civile doit être éduquée et mobilisée pour se montrer solidaire. Elle doit être prête à faire pression sur ses gouvernements respectifs pour défendre la justice, aider à mettre fin au siège néocolonial israélien et participer aux boycotts.
La tragédie qui se déroule à Gaza n’est pas due à des causes environnementales ou « naturelles », mais elle est conçue et exécutée par Israël. Il convient de le répéter : le taux de pauvreté de Gaza augmente non pas parce que la population est « pauvre », mais parce que les Palestiniens de Gaza sont privés des fruits de leur terre et de leur travail par le siège israélien.
L’aide humanitaire offerte par la matrice israélienne actuelle sera toujours inadéquate. Elle ne permettra jamais aux Palestiniens de Gaza de dépasser le seuil de pauvreté.
Si la compassion humaine lie les individus à la population assiégée de Gaza, il faut reconnaître que sans pression parallèle – juridique, politique, économique, diplomatique – sur Israël, l’aide humanitaire ne pourra pas transformer leurs souffrances en normalité.
Tant qu’il n’y aura pas de mesures tangibles pour mettre fin au siège, l’espoir d’une vie meilleure ou de la liberté pour les Palestiniens de Gaza ne viendra pas de sitôt.
Article original en anglais sur Middle East Eye / Traduction MR
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