Sur les relations entre la résistance palestinienne et l’Iran

Sayid Marcos Tenório, 25 décembre 2021. Nous avons assisté à un débat sur les raisons qui ont conduit le Mouvement de la résistance islamique (Hamas) à se rapprocher de la République islamique d’Iran, et vice versa, malgré des différences sur certains aspects de la lutte pour la résistance au Moyen-Orient et sur des questions liées à la géopolitique régionale.

Des Iraniennes agitent des drapeaux palestiniens et nationaux lors d’une marche pour condamner les frappes aériennes israéliennes en cours sur la bande de Gaza, Place de la Palestine à Téhéran, le 19 mai 2021. [STR/AFP via Getty Images]

Je pense que la réponse est que le Hamas estime que la cause de la libération palestinienne doit être la question centrale des forces qui luttent pour les droits et la justice. En ce sens, il occupe une place de choix dans ce que l’on appelle l’Axe de la résistance, qui implique l’Iran, la Syrie, le Hezbollah libanais, les Forces de mobilisation du peuple (Kaitab Hezbollah) d’Irak, les Houthis du Yémen, le Jihad islamique palestinien et le Front populaire palestinien, le Front Polisario du Sahara occidental, entre autres mouvements.

Les liens d’amitié, de coopération et de soutien de la République islamique d’Iran avec la résistance palestinienne, bien que peu visibles, n’ont cessé de se resserrer dans le feu de la lutte contre l’occupation coloniale sioniste. Une étape dans le renforcement de ces relations a été symbolisée par un appel téléphonique du ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian, au chef du Bureau politique du Hamas, Ismail Haniyeh, pour féliciter le mouvement à l’occasion du 34e anniversaire de sa fondation, célébré le 14 décembre.

Abdollahian a décrit le Hamas comme un pionnier de la libération de la ville sainte d’Al Quds (Jérusalem) en déclarant : « Aujourd’hui, la résistance joue un rôle clé dans la réalisation des droits historiques du peuple palestinien. » Le ministre iranien a condamné la position de la Grande-Bretagne qui a désigné le Hamas comme un « groupe terroriste », reflétant une position claire de mauvaise volonté envers le peuple palestinien.

Haniyeh a remercié et salué le soutien inestimable de l’ancien commandant de la Force Al Quds, le général Qasem Soleimani, qui est tombé en martyr dans une attaque terroriste américaine près de l’aéroport de Bagdad le 3 janvier 2020. « Nous nous souvenons du général Soleimani avec honneur et apprécions le soutien de la République islamique d’Iran à la cause et à la résistance palestiniennes au fil des années depuis la victoire de la révolution islamique. »

Les relations avec l’Iran ont progressé, plusieurs délégations du Hamas s’étant rendues en Iran pour des entretiens bilatéraux visant à soutenir et à moderniser la capacité militaire de la résistance palestinienne. En janvier 2020, Haniyeh a été la seule personnalité non iranienne à prendre la parole lors des funérailles du général Soleimani lorsqu’il l’a appelé « le martyr de Jérusalem. »

La relation stratégique du Hamas avec l’Iran a provoqué une réaction hostile de la part d’autres puissances régionales, notamment l’Arabie saoudite, l’Égypte et les Émirats arabes unis. Dans le même temps, cette alliance a généré des désaccords avec l’Autorité palestinienne et le Fatah, qui considèrent que la politique des axes régionaux est absolument néfaste pour les Palestiniens et, par conséquent, que le Hamas ne doit pas s’impliquer avec les Iraniens.

Malgré ce soutien, l’Iran n’offre pas un chèque en blanc au Hamas, car cette relation, bien que stratégique, est pleine de complexités, étant donné que les Iraniens ont des réserves et des craintes quant aux relations du Hamas et à la mesure dans laquelle ses institutions peuvent empêcher une plus grande influence iranienne ou une éventuelle dépendance du mouvement vis-à-vis de l’Iran.

Haniyeh s’est engagé dans un dialogue stratégique entre les pays du Golfe, l’Iran et d’autres parties régionales, dont le Hezbollah libanais, afin de redessiner les caractéristiques géopolitiques de la région pour faire face aux défis et aux dangers que cela implique. L’une des conséquences de cet initiative du chef du Hamas a été la réalisation d’exercices militaires conjoints des forces de la résistance palestinienne en décembre 2020, avec la coopération de l’Iran.

Le chef du Hamas à Gaza, Yahia Al-Sinwar, a révélé, lors d’une rencontre avec des journalistes et des militants palestiniens, que l’Iran fournit depuis des années les ressources nécessaires à l’industrialisation militaire des Brigades Izz ad-Din al-Qassam, la branche armée du Hamas. Cette fourniture a eu lieu même dans la période la plus critique de la crise entre le mouvement et l’Iran en raison de la crise en Syrie. Le soutien iranien a permis le développement d’armes stratégiques, y compris des roquettes et des missiles à plus longue portée comme les Ayyash 250-K et les Qassam 400, développés et fabriqués dans le territoire de Gaza et capables d’atteindre Tel Aviv et Haïfa, les deux villes les plus importantes du territoire désigné comme “Israël”.

Le soutien iranien s’est traduit par une intervention directe du général Qasem Soleimani auprès de la direction du Hamas. C’est par l’intermédiaire du général que l’Iran a contribué à équiper la résistance, qui avait les mains vides, permettant ainsi une meilleure confrontation avec le régime sioniste qui, malgré toute son impétuosité, a été contraint d’appeler à un cessez-le-feu lors de l’affrontement de mai 2021 en raison des nouvelles capacités militaires de la résistance et de l’utilisation de ses missiles à plus longue portée.

Pendant ce temps, plusieurs régimes arabes autoritaires ont ouvertement travaillé à saboter à la résistance palestinienne, en ciblant le Hamas et d’autres factions comme le Jihad islamique et le Front populaire et en faisant d’importantes donations à l’Autorité palestinienne, accusée de nuire aux initiatives de la résistance contre l’occupation. Certains de ces régimes, comme l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Égypte, imposent toutes sortes de difficultés aux Palestiniens qui empruntent le passage de Rafah, qui est en fait la seule porte d’entrée et de sortie de Gaza.

Lors de l’échange du 14 décembre, il semble que ces relations se soient encore consolidées, Abdollahian déclarant que « Aujourd’hui, la résistance joue un rôle clé dans la réalisation des droits historiques du peuple palestinien », tandis que Haniyeh a adressé ses salutations chaleureuses et celles du peuple palestinien au leader de la révolution islamique en Iran, Sayyed Ali Khamenei et au président Ebrahim Raisi.

La signification stratégique de cette relation est exprimée dans le message envoyé à Ismail Haniyeh par l’Ayatollah Ali Khamenei lorsqu’il a déclaré que « la République islamique d’Iran, comme par le passé, a un devoir religieux et humain basé sur les principes de la Révolution islamique, et n’épargnera aucun effort pour soutenir le peuple palestinien opprimé et restaurer ses droits et chasser du peuple palestinien le régime sioniste faux et usurpateur. »

Article original en anglais sur Middle East Monitor / Traduction MR

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