Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 589 / 5.12 – ‘Un hiver au chaud’ dans quatre camps de Gaza"
Brigitte Challande, 6 décembre 2025.- Les équipes s’efforcent d’abriter de l’hiver les déplacés : quand le froid hurle dans les tentes de Gaza et que la compassion naît dans le cœur des donateurs – 5 décembre.
« Dans des nuits où seul le hurlement du vent brise le silence, frappant les parois usées des tentes, et dans des camps épuisés par la pluie et alourdis par la boue, est née l’initiative Un Hiver au chaud, lancée chaque hiver par UJFP, et qui a vu le jour au cœur même de la guerre, au milieu des cris des veuves et de la douleur des enfants dormant à même le sol glacé, le ventre vide, les yeux levés vers le ciel comme s’ils imploraient sa miséricorde. Gaza s’enfonce peu à peu sous les eaux de pluie et sous les cendres de la destruction, et les tentes tout au long de la bande de Gaza s’étendent comme des livres ouverts sur des pages de souffrance.
Dans ces instants où les mots deviennent impuissants devant la dureté du paysage humain, l’UJFP a décidé de porter la chaleur de ses propres mains et de s’avancer vers ce qui reste des terres occidentales du secteur, vers des camps dressés sur le sable, sans infrastructures, sans sécurité, sans rien sinon la volonté de survivre. Leurs habitants ont été déplacés de force, leurs maisons détruites et leurs vies réduites en poussière ; ils se retrouvent étrangers dans leur propre terre, se réfugiant dans une tente qui ne les protège ni de la pluie, ni du froid, ni de la peur. Et lorsque les pluies tombent violemment, les tentes cessent d’être des abris et deviennent des marécages où le froid pèse sur la poitrine comme une pierre. Les mères posent leurs mains sur le corps de leurs enfants pour les protéger de la brutalité du vent, tandis que les pères regardent le ciel, impuissants, n’ayant pour seule arme que la prière.
Au cœur de cette scène éprouvante, l’initiative apparait comme un souffle de vie, comme une main posée sur l’épaule des déplacés pour leur rappeler que l’humanité n’est pas morte, et que la chaleur peut revenir même lorsque les vents balaient tout sur leur passage. Le début a pris place dans les camps des agriculteurs déplacés de Khuza‘a, Abou Taïma et ‘Abassan, à l’est, qui se sont installés dans la zone côtière d’Al-Mawasi à Khan Younès, là où les vagues frappent le rivage avec la même intensité que la peur et la perte frappent leurs cœurs. L’équipe y a ciblé quatre camps surpeuplés de milliers de familles : le camp Al-Somoud, dont le nom reflète l’attachement des habitants à la vie malgré tout ; puis le camp Al-Baraka pour les orphelins, où les enfants ayant perdu leurs parents lèvent les yeux vers le ciel comme s’ils cherchaient leurs visages dans les nuages ; ensuite le camp Al-Joud, où les gens, malgré la pauvreté et l’injustice, continuent de partager un même morceau de pain ; et enfin le camp Al-Fajr, où chaque matin naît malgré la longueur et le poids de la nuit.
Au cours de cette mission, portant des centaines de bâches plastiques, 400 bâches ont été distribuées aux familles dont les tentes luttaient contre la pluie comme des navires percés au milieu d’une tempête. Chaque bâche est comme un acte de sauvetage, protégeant les enfants de l’eau qui s’infiltre dans les couvertures et trempe leurs petits corps frêles. L’équipe ne s’est pas arrêtée là : elle a réparé et restauré des dizaines de tentes pour des femmes ayant perdu leurs maris et se retrouvant seules à lutter pour la survie de leurs enfants. Chaque fois que l’équipe entrait dans une tente pour la réparer, la femme levait les mains vers le ciel, en pleurant, et disait : « Quand nous vous voyons, nous savons que nous ne sommes pas seules. » Ces mots se mêlent au son de la pluie et aux gémissements du vent, créant un moment humain inoubliable, un moment qui dit que la compassion est encore possible, et que la solitude qui a envahi les déplacés depuis leur expulsion peut être percée d’une ouverture de lumière.
À chaque pas, l’équipe avance dans la boue qui colle à leurs pieds et les alourdit, comme pour leur dire que le chemin est difficile mais qu’il en vaut la peine. Ils se dépacent entre les tentes comme s’ils portaient les cœurs des gens entre leurs mains, car chaque tente est une histoire, chaque histoire une blessure, et chaque blessure a besoin d’un geste de guérison. Les prières des femmes ne cessent pas, s’élevant comme un fil de lumière au-dessus de toute cette obscurité. Les mères lancent des youyous malgré leurs larmes, sourient malgré la douleur : « Vous êtes ceux qui nous redonnent le sentiment que nous avons encore de la valeur. »
Pendant ces longues heures passées dans les camps, il semble que la chaleur ne provient pas seulement des bâches distribuées, mais du sentiment que quelqu’un entend la plainte des déplacés, les voit, se tient à leurs côtés. Cette initiative est bien plus qu’une aide hivernale ; c’est un message humanitaire adressé au monde entier : qu’à Gaza, il y a des cœurs qui battent encore, malgré tout, et que la solidarité n’est pas un mot, mais un acte qui se vit dans la boue, dans les larmes, dans la sensation que la vie s’est effondrée soudainement entre les mains des gens.
Et pourtant, tout ce qui a été accompli jusqu’ici n’est que le début du chemin. Cette campagne, dont l’étincelle a été allumée dans ces quatre camps, n’est que la première étape d’un long voyage ; elle se poursuivra chaque semaine en ciblant un nouveau camp, jusqu’à ce que la chaleur atteigne chaque tente grelottante, chaque enfant se cachant derrière sa mère pour fuir la pluie, chaque vieillard ayant perdu la chaleur de sa maison et de ses souvenirs. À chaque nouvelle étape, à chaque nouveau camp, le besoin de générosité se renouvelle, car la vérité que l’on ne peut ignorer est que vos dons sont ce qui apporte la chaleur aux corps de ces familles ; ce sont vos dons qui transforment un morceau de plastique en toit protégeant un enfant, qui transforment un geste humain en une vie entière.
C’est pourquoi, aujourd’hui, nous avons un besoin urgent de davantage de soutien, afin de poursuivre ce que nous avons commencé, pour qu’aucune tente ne reste sans couverture, qu’aucun enfant ne dorme sur un lit mouillé, qu’aucune mère ne soit forcée de ravaler ses larmes faute de pouvoir protéger ses enfants du froid de la nuit. À chaque don reçu, nous ressentons qu’une nouvelle main s’est tendue pour sauver un petit cœur de la froideur, et que l’humanité du monde n’est pas encore éteinte. Et lorsque l’équipe a quitté la dernière tente du camp Al-Fajr, le sol était encore boueux, le ciel toujours couvert, mais les visages des gens brillaient d’une nouvelle lumière : la lumière de l’espoir, de la chaleur née de la peur. L’initiative n’était pas simplement une bâche tendue au-dessus d’une famille, mais un véritable hiver au chaud, un hiver qui rend à l’être humain son humanité et lui dit : Nous sommes avec vous… nous ne vous abandonnerons pas. »
Photos et vidéos ICI.
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix. *Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance. Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
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* Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025 (partie 1 à 268) * Témoignages du 5 janvier au 9 mai 2025 (partie 269 à 392) * Témoignages du 10 mai au 5 octobre 2025 (partie 393 à 540)
Pour participer à la collecte "Urgence Guerre à Gaza" : HelloAsso.com Les témoignages sont publiés sur UJFP / Altermidi / Le Poing






