Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 333 / 13 mars – La guerre vole la joie du ramadan"
Brigitte Challande, 14 mars 2025. Hier 13 mars, Abu Amir envoie un texte qui demande où est le ramadan, en ce mois de mars 2025.
« Un ramadan passé dans les couloirs des hôpitaux où blessés et malades souffrent
Sur un lit délabré dans l’un des hôpitaux de Gaza, la jeune Mariam, 13 ans, accueille le mois de ramadan avec une douleur physique et psychologique indescriptible. Elle vivait avec sa famille dans la région de Zanna, à l’est de Khan Younis, avant que la guerre ne les oblige à se réfugier dans un camp à l’ouest de la ville. Ce déplacement forcé n’a pas suffi à la protéger. Une frappe aérienne israélienne a ciblé une zone voisine, et des éclats d’obus l’ont grièvement blessée à la jambe, causant de multiples fractures et blessures profondes.

Rupture du jeûne, 13 mars 2025 (photo compte Instagram ramallah.mix)
Des mois se sont écoulés depuis son accident. Mariam a subi plusieurs interventions chirurgicales, mais elle a encore besoin d’opérations complexes pour une greffe osseuse et la pose d’un implant en titane, des soins indisponibles dans les hôpitaux de Gaza. Le système de santé y est en crise profonde en raison des bombardements israéliens constants, des restrictions sévères qui empêchent l’entrée d’équipements médicaux et de médicaments, ainsi que des entraves imposées aux équipes médicales spécialisées qui souhaitent entrer dans le territoire.
Un ramadan dans la tristesse… Des traditions effacées
Mariam passe ce Ramadan enfermée dans un hôpital, incapable de bouger, privée des rituels du jeûne qu’elle pratiquait depuis son enfance. Les larmes aux yeux, elle confie : « Pour moi, Ramadan, c’était les prières à la mosquée et les jeux avec mes amies après l’iftar. Mais la guerre nous a tout pris, même la joie. »
Chaque année, Mariam aidait sa mère à décorer la maison avec des lanternes et des guirlandes lumineuses. Elle adorait rendre visite à sa grand-mère et passer du temps avec ses proches. Aujourd’hui, elle vit dans l’attente d’un traitement à l’étranger. Avec amertume, elle ajoute : « Ce n’est pas le ramadan que je connaissais. Où est la joie ? Où sont les repas de famille ? Ici, à l’hôpital, nous, les blessés, mangeons seulement ce que les médecins nous autorisent à consommer. »
Une crise sans fin… Un système de santé à l’agonie
Mariam n’est pas un cas isolé. Des milliers de blessés sont alités dans les hôpitaux de Gaza, où les lits sont vétustes, les équipements insuffisants, et les traitements inaccessibles. Le système hospitalier fonctionne à moins de 50 % de sa capacité en raison du manque de médicaments, de carburant pour les générateurs, et de la destruction des infrastructures médicales.
La situation sanitaire à Gaza est désastreuse. Des milliers de patients attendent d’être transférés à l’étranger pour des soins spécialisés, mais les restrictions israéliennes rendent ces évacuations très difficiles. Pour quitter Gaza via le passage de Rafah, une autorisation de sécurité israélienne est nécessaire, une procédure lente et complexe qui a déjà coûté la vie à de nombreux malades en attente de traitement.
Selon les organisations médicales, plus de 25.000 blessés et malades ont un besoin urgent d’être évacués vers des hôpitaux à l’étranger. Parmi eux, des nouveaux-nés atteints de maladies graves, mais les autorités israéliennes retardent ou refusent systématiquement leurs autorisations de sortie, mettant ainsi leur vie en danger.
Où est ramadan ? Gaza détruite, privée de vie
Non loin de Mariam, un autre enfant, Omar, trois ans, est allongé dans l’unité des grands brûlés après avoir été grièvement blessé alors qu’il se trouvait avec sa famille dans la région d’Al-Mawasi, au sud de Gaza.

Repas près des ruines d’une mosquée à Beit Lahia, au nord de la bande de Gaza. Capture image vidéo anas.fteiha
Son père, qui a dû fuir avec sa famille à sept reprises depuis le début de la guerre, décrit leur détresse : « Ce n’est pas le ramadan que nous connaissons… Plus de maison, plus de stabilité, même la nourriture est devenue un luxe inaccessible… La guerre nous a tout pris. »
Ce ramadan à Gaza est marqué par la destruction et la faim. Les marchés sont pratiquement vides, les prix des denrées alimentaires ont atteint des niveaux exorbitants, et de nombreuses familles ne peuvent plus subvenir à leurs besoins. Des milliers de personnes ont perdu leur emploi, et l’aide humanitaire ne suffit pas à répondre aux besoins de base.
Vidéo de l’incendie d’un entrepôt de nourriture par l’armée d’occupation.
« Nous décorions nos maisons pour célébrer ramadan », raconte la mère d’Omar avec tristesse. « Mais maintenant, nous n’avons plus de maison, plus de décorations… Même les mosquées où nous faisions la prière du Tarawih ont été détruites. »
Un espoir de soins à l’étranger… Une attente interminable
Mariam, Omar et des milliers d’autres malades espèrent encore pouvoir être évacués à l’étranger pour recevoir des soins et retrouver une vie normale. Un médecin de l’hôpital Nasser affirme que les autorités israéliennes ne respectent pas leurs engagements concernant l’évacuation des blessés. Il explique que, selon l’accord de cessez-le-feu, 150 patients devaient être autorisés à quitter Gaza chaque jour, mais ce quota n’a jamais été respecté.
Le médecin ajoute que même lorsque des autorisations sont accordées, certaines sont annulées à la dernière minute, empêchant des malades, y compris des nouveaux-nés, de recevoir des soins vitaux. Il avertit que si cette situation perdure, des milliers de patients risquent de rester bloqués pendant des années, sans espoir de guérison.
Un ramadan sans visage dans une Gaza meurtrie
À Gaza, ramadan n’est plus un mois de prière et de réjouissance. Ici, c’est le ramadan des blessés cloués sur des lits d’hôpital, des familles vivant sous des tentes, des pères sans emploi, et des enfants ayant perdu leur maison et leurs rêves.
Mariam, Omar et tant d’autres n’aspirent qu’à une vie normale, mais la guerre et le blocus les privent même des droits les plus élémentaires. Alors qu’ils demandent « Où est ramadan ? », la réponse se perd entre la destruction, la faim et l’attente sans fin.
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025.
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Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFP, Altermidi et sur Le Poing.