Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 577 / 16.11 (1) – Urgent : une campagne hivernale de dons"
Brigitte Challande, 17 novembre 2025.- Même les médias le disent, les camps de déplacé.e.s à Gaza sont inondés. L’équipe de l’UJFP lance une campagne pour sauver les déplacés du froid. 16/11.

Des milliers de caravanes destinées à Gaza sont bloquées en Égypte par les Israéliens. | @moayedHarazeen
« Gaza vit aujourd’hui l’un des moments humanitaires les plus sombres de son histoire récente. Un moment où les signes de la faim se mêlent au froid, où l’ardeur du besoin se confond avec la douleur de la perte, et où les souffrances du déplacement s’entrelacent avec la dureté de l’exposition à la rue.
Des centaines de milliers de familles, déplacées à plusieurs reprises au cours de deux années de guerre, n’ont plus rien à offrir pour protéger leurs enfants de la faim, du froid ou des pluies qui ont transformé les camps en boue, en humidité et en inondations. Ce sont des familles épuisées par un cycle de déplacements répétés qui ne leur a laissé ni subsistance ni économies, alors que le taux de chômage a atteint un niveau décrit comme parmi les plus élevés au monde, au point que le chef de famille est devenu incapable d’assurer les besoins les plus simples de sa journée.
Sous cette pression accumulée, la faim s’est transformée en menace quotidienne, en spectre qui poursuit les petits avant les grands. Beaucoup ne trouvent qu’un seul repas qui suffit à peine à leurs enfants, tandis que des milliers de mères attendent leur tour dans de longues files dans l’espoir d’obtenir de quoi apaiser la faim.
Parallèlement à la faim, le froid apparaît aujourd’hui comme un ennemi tout aussi impitoyable. L’hiver frappe aux portes du territoire, apportant vents glacés et pluies abondantes, et les camps de déplacés ne parviennent pas à résister aux tempêtes et aux intempéries. Avec les pluies qui tombent sans interruption pendant plusieurs jours, de vastes zones des camps se sont transformées en marécages où les pieds s’enfoncent, où les tentes sont submergées et où couvertures, vêtements et denrées alimentaires sont endommagés.
Les tentes — ces habitations fragiles qui ne protègent ni de la chaleur ni du froid — sont devenues semblables à des réfrigérateurs où tremblent les corps des enfants, des femmes et des personnes âgées. Le vent traverse les parois, la pluie s’infiltre par le toit, le sol se transforme en boue, et la nuit devient une longue succession d’heures de frisson, de patience et de supplication.
Au milieu de ce tableau douloureux, nos équipes travaillent sans relâche, animées par un sens de l’humanité qui ne s’éteint jamais malgré toutes les circonstances.
Depuis les zones de Mawasi Khan Younis, au sud de la bande de Gaza, où vivent des familles de paysans réparties le long des camps proches de la côte, commence notre histoire quotidienne avec les repas chauds.
Là, dans une atmosphère où l’odeur de la mer se mélange à celle de la boue, nos équipes installent des marmites sur le feu et entament de longues heures de cuisson pour préparer des repas destinés à des centaines de familles qui attendent une chaleur qui réchauffera d’abord leur ventre avant leur corps.
Les équipes de distribution se déplacent d’une tente à l’autre, frappent doucement aux portes usées et livrent la nourriture avec une main empreinte de compassion et un regard chargé de souci et de responsabilité. Voir un enfant tenir son repas chaud avec une joie timide, voir une mère respirer avec soulagement parce qu’elle ne dormira pas affamée cette nuit-là, voilà ce qui nous pousse à continuer malgré les risques et le manque de ressources.
Et cet effort ne s’arrête pas à Khan Younis. Au centre de la bande de Gaza, dans la ville de Deir al-Balah, la même scène se répète mais avec des souffrances encore plus étendues. Cette ville, située au cœur de Gaza, abrite aujourd’hui des centaines de camps débordant de déplacés venus de toutes les directions, vivant au rythme d’une souffrance sans fin.
Dans chaque camp, les mêmes images se succèdent : manque de nourriture, manque d’eau, manque de tentes, manque de couvertures et de vêtements, et manque de toutes les nécessités de la vie. Au cœur de ces conditions, nos équipes ne cessent de travailler chaque jour pour préparer des repas chauds et les distribuer aux familles qui attendent leur tour sous la pluie et le froid.
C’est une tâche difficile, car le nombre de personnes dans le besoin dépasse largement les capacités disponibles, et la douleur dépasse ce que n’importe quelle équipe peut contenir. Mais nous continuons, convaincus que chaque repas qui parvient à un enfant, à une mère ou à un aîné est une petite étape vers la préservation d’une vie.
Avec la hausse du nombre de déplacés et l’expansion de la destruction, nous avons compris que la nourriture seule ne suffit plus. Les camps manquent aujourd’hui du strict minimum pour affronter l’hiver : des tentes neuves pour remplacer les tentes déchirées, des bâches pour se protéger de la pluie, des couvertures pour réchauffer les corps, des vêtements d’hiver pour protéger les enfants de la maladie, et des moyens simples pour rendre la vie un peu moins dure.
C’est pourquoi nos équipes, en collaboration avec les responsables des camps, ont lancé ces derniers jours une vaste campagne visant à recenser avec précision les besoins de chaque camp. Nous passons d’une tente à l’autre, notons les familles les plus vulnérables, comptons les enfants, identifions les tentes nécessitant une intervention urgente et établissons de longues listes de besoins qui exigent une réponse rapide avant que l’hiver n’arrive avec toute sa rigueur.
Depuis Gaza meurtrie, depuis le cœur de la douleur, du froid, de la faim et de la boue, nous lançons un appel de détresse au monde.
Un appel qui sort de la poitrine de mères tremblant pour leurs enfants.
Un appel qui émane d’hommes ayant perdu la capacité de protéger leurs familles.
Un appel issu de camps entourés d’eau de toutes parts.
Un appel porté par des enfants qui ne rêvent que d’un repas chaud, d’une couverture et d’une tente qui ne laisse pas pénétrer la pluie.
Nous lançons la campagne hivernale de dons. Une campagne qui vise à sauver ce qui peut l’être avant que le froid ne devienne plus intense et que le danger ne se rapproche. L’hiver à Gaza n’est pas une simple saison passagère, mais une bataille quotidienne menée par les déplacés sans arme, sans refuge et sans moyens.
Ce que nous pouvons fournir aujourd’hui — des bâches, des tentes, des couvertures, des vêtements et des repas chauds — peut être la différence entre une vie sauvée et une vie perdue. Chaque don, même petit, est une chaleur qui pénètre dans une tente, une nourriture qui remplit l’estomac d’un enfant, une tranquillité qui s’installe dans le cœur d’une famille attendant un petit miracle pour continuer à tenir.
Nous nous trouvons aujourd’hui face à un devoir humanitaire : ce n’est ni un choix ni un luxe, mais une responsabilité envers des vies qui cherchent la moindre lueur de sécurité au milieu de cette longue nuit.
Depuis Gaza, qui continue de résister malgré tout, nous élevons notre voix dans un appel sincère, né au cœur de la souffrance et de la tragédie.
Soyons tous une seule main dans cette campagne.
Agissons ensemble pour apporter un souffle de chaleur et de vie à ces camps épuisés.
Par notre effort commun, nous pouvons maintenir la flamme de la vie allumée dans des tentes rongées par le froid, qui menace d’éteindre ce qu’il en reste de force. »
Photos et vidéos : Distribution de repas aux familles du camp d’Al Fajr (camp de fermiers) / Distribution de repas aux familles du camp d’Al-Hilal
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix. *Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance. Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
Partie 541 : 6 octobre. Partie 542 : 7 octobre. Partie 543 : 7 octobre (1). Partie 544 : 8 octobre. Partie 545 : 9 -10 octobre. Partie 546 : 9-10-11 octobre. Partie 547 : 11-12 octobre. Partie 548 : 13 octobre. Partie 549 : 14 octobre. Partie 550 : 15 octobre. Partie 551 : 16 octobre. Partie 552 : 17 octobre. Partie 553 : 18-19 octobre. Partie 554 : 19-20 octobre. Partie 555 : 21 octobre. Partie 556 : 22 octobre. Partie 557 : 24 octobre. Partie 558 : 25-26 octobre. Partie 559 : 26 octobre. Partie 560 : 27 octobre. Partie 561 : 28 octobre. Partie 562 : 29 octobre. Partie 563 : 31 octobre. Partie 564 : 2 novembre. Partie 565 : 3 novembre. Partie 566 : 4 novembre. Partie 567 : 4 novembre (1). Partie 568 : 6 novembre. Partie 569 : 7 novembre. Partie 570 : 8-9 novembre. Partie 571 : 9-10 novembre. Partie 572 : 11 novembre. Partie 573 : 13 novembre. Partie 574 : 14 novembre. Partie 575 : 14 novembre (1). Partie 576 : 16 novembre;
* Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025 (partie 1 à 268) * Témoignages du 5 janvier au 9 mai 2025 (partie 269 à 392) * Témoignages du 10 mai au 5 octobre 2025 (partie 393 à 540)
Pour participer à la collecte "Urgence Guerre à Gaza" : HelloAsso.com Les témoignages sont publiés sur UJFP / Altermidi / Le Poing




