Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 566 / 5.11 – La force internationale aux prises avec une équation impossible

Brigitte Challande, 5 novembre 2025.- Un texte d’Abu Amir le 4.11 : la suite du plan de paix de Trump impossible à mettre en oeuvre entre le marteau de la politique et l’enclume du blocus israélien.

Les proches d’Ali Hasan al-Hashash l’ont pleuré aujourd’hui après son assassinat par des tirs de l’occupation israélienne à l’est du camp de Bureij alors qu’il ramassait du bois de chauffage pour sa famille. (source Quds News Network).

« Il semble que la bande de Gaza, cette petite parcelle de terre assiégée depuis plus d’une décennie et demie, demeure le nœud de la politique internationale et un champ d’épreuve pour les volontés régionales et mondiales. Tandis que le président américain Donald Trump tente de promouvoir un plan de paix qui paraît ambitieux sur le papier, ce projet se heurte à un mur d’obstacles politiques et pratiques, dont le plus épineux est la question du déploiement d’une force internationale capable d’assurer la sécurité sans devenir un instrument au service d’un camp contre un autre.

La réalité à Gaza n’est pas seulement un conflit politique, mais une équation explosive où se mêlent le sang et le blocus, les armes et la politique, la volonté populaire et les intérêts internationaux. Ici, chaque décision prise dans des capitales lointaines peut se répercuter sur le repas d’un enfant ou sur un obus qui tombe sur une maison en ruines.

Les trois conditions du Hamas : des lignes rouges infranchissables

Au cœur de cette équation, le mouvement Hamas a adopté une position claire, transmise au chef du renseignement égyptien : il n’acceptera la présence d’une force internationale que sous des conditions strictes

  1. Que la mission de cette force se limite uniquement aux frontières, sans pénétrer à l’intérieur de Gaza.

  2. Que les armes de la résistance ne soient pas touchées, considérées comme des « armes de défense du peuple palestinien ».

  3. Que la force ne s’ingère pas dans la gestion des affaires internes du territoire.

Avec ces conditions, le Hamas a tracé des lignes rouges que nulle entité internationale ne peut franchir sans risquer une confrontation directe avec lui. Le mouvement estime que toute force dépassant ces limites deviendrait de facto une nouvelle force d’occupation sous un visage international.

Le dilemme international : force pour la sécurité ou protection d’Israël ?

Le déploiement d’une force internationale à Gaza la placerait face à deux choix aussi périlleux l’un que l’autre :

  • soit affronter militairement le Hamas s’il refuse de désarmer, ce qui reviendrait à s’engager dans une guerre ouverte contre un mouvement doté d’une solide expérience de combat.

  • soit apparaître comme une force agissant pour le compte d’Israël, ce qui lui ferait perdre toute légitimité politique aux yeux des peuples de la région.

De plus, toute participation arabe ou islamique à une telle force serait un casse-tête moral : aucun pays ne souhaite que ses soldats soient perçus comme exécutant un agenda israélien sous couvert international. Ainsi, rejoindre cette force serait une véritable “pari politique” dans tous les sens du terme.

Les manœuvres américaines : entre légalité et réalité

L’administration Trump, selon les fuites diplomatiques, s’efforce d’élaborer un cadre juridique pour cette force internationale et cherche à obtenir un mandat des Nations Unies lui conférant la légitimité nécessaire pour agir.

Mais l’histoire montre que le Conseil de sécurité, lorsqu’il s’agit des questions palestiniennes, devient souvent l’arène du veto américain, rendant toute autorisation sujette à blocage.
Des pays tels que la Turquie, le Pakistan, l’Azerbaïdjan et l’Indonésie ont été évoqués comme participants potentiels, mais Israël s’est opposé fermement à tout rôle turc, accusant Ankara de sympathiser avec le Hamas et de s’opposer à sa politique.
Quant à l’Égypte, elle aspire à jouer le rôle de médiateur central et a proposé l’envoi de 5.000 soldats internationaux, appuyés par 3.000 Palestiniens formés pour maintenir la stabilité sécuritaire.

La municipalité de Gaza a entamé la réparation des lignes électriques endommagées dans plusieurs quartiers de la ville, dans le cadre des efforts déployés pour rétablir les infrastructures essentielles (d’autres photos sur Quds News Network).

Des positions divergentes : entre acceptation et réticence

Le paysage régional est loin d’être homogène : la Jordanie a exprimé son refus catégorique de toute participation militaire à Gaza, tandis que l’Allemagne a posé des conditions strictes à toute éventuelle contribution. Pour Berlin, il ne s’agit pas seulement d’envoyer des troupes, mais de s’engager dans un bourbier complexe sans issue prévisible.

De plus, l’idée même d’une « force consensuelle » semble presque irréalisable, faute d’un accord politique ou opérationnel sur sa nature, ses missions ou son financement.

La scène palestinienne intérieure : entre division et pari sur l’extérieur

À l’intérieur de Gaza, les Palestiniens vivent une crise humanitaire étouffante qui s’aggrave de jour en jour. Entre les coupures d’électricité, la rareté de l’eau, la dégradation des services de santé et l’effondrement des infrastructures, la vie quotidienne est devenue une épreuve de survie douloureuse. Pourtant, pour beaucoup, la résistance reste le symbole de la dignité et du refus de la soumission, tandis que d’autres estiment que le blocus et la division politique condamnent Gaza à la destruction perpétuelle.

Un avenir incertain : qui entrera à Gaza, et sous quel mandat ?

La question demeure sans réponse : qui entrera à Gaza ?
S’agira-t-il d’une force onusienne acceptée par toutes les parties, ou d’une coalition restreinte imposant le fait accompli ? Et sous quel mandat opérera-t-elle ? Pour protéger les civils ou pour contrôler la résistance ?

Les réponses à ces interrogations détermineront l’avenir de Gaza, et peut-être celui de la cause palestinienne tout entière. Ce qui est certain, c’est que toute solution qui ne prend pas en compte la dignité du peuple palestinien et son droit à l’autodétermination ne sera qu’encre sur papier, balayée par les vents des rivalités régionales.

Gaza debout malgré l’obscurité

En fin de compte, Gaza demeure un symbole de résilience humaine et politique, une ville encerclée de fils barbelés et de résolutions internationales, mais qui continue de battre malgré tout.
Les plans peuvent changer, les cartes peuvent être redessinées, mais ce qui ne changera pas, c’est la détermination des Gazaouis à rester, malgré la faim, les bombardements et l’abandon international.

Aujourd’hui, Gaza n’est pas seulement une question politique, mais un miroir tendu au monde, révélant l’hypocrisie des discours humanitaires lorsqu’ils sont mis à l’épreuve d’une terre qui respire sous les décombres.
Et dans ce tableau sombre, une question demeure, plus douloureuse que toutes les autres : le monde cherche-t-il vraiment une paix juste ou simplement un silence durable sur les ruines de Gaza ? »


Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :

*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.

Partie 541 : 6 octobre. Partie 542 : 7 octobre. Partie 543 : 7 octobre (1). Partie 544 : 8 octobre. Partie 545 : 9 -10 octobre. Partie 546  : 9-10-11 octobre. Partie 547 : 11-12 octobre. Partie 548 : 13 octobre. Partie 549 : 14 octobre. Partie 550 : 15 octobre. Partie 551 : 16 octobre. Partie  552 : 17 octobre. Partie 553 : 18-19 octobre. Partie 554 : 19-20 octobre. Partie 555 : 21 octobre. Partie 556 : 22 octobre. Partie 557 : 24 octobre. Partie 558 : 25-26 octobre. Partie 559 : 26 octobre. Partie 560 : 27 octobre. Partie 561 : 28 octobre. Partie 562 : 29 octobre. Partie 563 : 31 octobre. Partie 564 : 2 novembre. Partie 565 : 3 novembre. Partie 566 : 4 novembre.

* Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025 (partie 1 à 268)
* Témoignages du 5 janvier au 9 mai 2025 (partie 269 à 392)
* Témoignages du 10 mai au 5 octobre 2025 (partie 393 à 540)
Pour participer à la collecte "Urgence Guerre à Gaza" : HelloAsso.com
Les témoignages sont publiés sur UJFP / Altermidi / Le Poing