Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 440 / 20 juin – Dans une situation humanitaire catastrophique des initiatives locales persistent

Brigitte Challande, 21 juin 2025.- L’UJFP continue de soutenir des actions humanitaires dont Abu Amir nous rend compte comme chaque semaine, ce 20 juin.

« La bande de Gaza connaît une crise humanitaire sans précédent, qui ne cesse de s’aggraver chaque jour en raison du blocus en cours et de l’interdiction imposée par l’armée israélienne d’acheminer des denrées alimentaires et du carburant, ce qui a conduit à une famine généralisée parmi la population. Dans les rues de Gaza, il est devenu courant de voir des dizaines de civils – personnes âgées, enfants et femmes enceintes – s’effondrer d’épuisement et de malnutrition.

Certains parviennent à se relever difficilement, d’autres perdent la vie dans un silence douloureux.

Ce que nous entendions autrefois sur la mort par la faim dans des endroits lointains du monde est désormais une réalité amère vécue à Gaza. Jamais nous n’aurions imaginé en arriver là, et pourtant, nous faisons chaque jour nos adieux à des vies innocentes emportées par la faim. Telle est la dure réalité qu’on ne peut plus ignorer.

Face à cette catastrophe humanitaire étouffante, l’UJFP, avec la participation de quelques institutions humanitaires et d’initiatives locales, déploie de grands efforts pour fournir le strict minimum aux populations sinistrées. Les équipes préparent quotidiennement des repas dans de simples cuisines de terrain, où de grandes quantités de nourriture sont cuisinées, puis distribuées aux familles de la zone d’Al-Mawasi à Khan Younès, où se concentrent un grand nombre de déplacés. Malgré le manque de ressources, nous nous efforçons de livrer des denrées alimentaires, des légumes et quelques produits de première nécessité aux familles les plus vulnérables. Nous collaborons en permanence avec des initiatives locales et d’autres acteurs pour coordonner la distribution et couvrir régulièrement certains camps et zones marginalisées.

Cependant, cet effort collectif, malgré son importance, ne couvre qu’une infime partie des besoins réels, en raison du nombre important de personnes dans le besoin et de la détérioration rapide de la situation. De nombreuses familles attendent des heures dans l’espoir d’obtenir un seul repas qui suffira pour toute une journée, et parfois, nous devons nous excuser car les quantités disponibles ne suffisent pas. Les défis deviennent chaque jour plus grands, notamment à cause de la pénurie de carburant et des difficultés de transport et de distribution.

Malgré cela, nous continuons tant que possible, animés par notre devoir humanitaire et la conviction que chaque repas livré peut sauver une vie menacée par la faim.

Ce qui se passe aujourd’hui à Al-Mawasi, à Khan Younès et dans d’autres régions de Gaza, reflète l’ampleur tragique de la crise humanitaire que vit le peuple palestinien, soumis à un blocus étouffant et à une absence quasi totale des conditions de vie dignes. Alors que le système humanitaire s’effondre sous nos yeux et que les solutions durables sont absentes, les petites initiatives de terrain comme celles menées par l’UJFP et les autres institutions humanitaires restent un dernier souffle de vie, apportant un brin d’espoir et un reste de dignité aux sinistrés. Ces efforts ne suffisent certes pas à combler l’immense fossé entre les besoins et la réponse, mais ils incarnent le plus noble visage de la solidarité humaine et une détermination inébranlable face à l’impuissance et à la négligence internationale.

Face à une réalité qui empire jour après jour, nous croyons que la résignation n’est pas une option, et que chaque geste, aussi modeste soit-il, chaque repas préparé et distribué, est une position morale et un acte de résistance face à l’oubli et au silence. Nous ne livrons pas que de la nourriture ; nous portons un message : l’humanité est toujours là, et la conscience du monde n’est pas totalement morte. La poursuite de ce travail dépend du soutien des sociétés libres et des consciences vivantes à travers le monde, car la tragédie que nous vivons aujourd’hui ne peut être résolue uniquement par des initiatives individuelles, mais exige une mobilisation collective à grande échelle pour mettre fin à cette hémorragie humaine continue.

Enfin, nous lançons un appel urgent à toutes celles et ceux qui peuvent aider : ne sous-estimez pas la valeur de votre contribution, car peut-être que votre repas sauvera un enfant de la faim, et peut-être que votre parole réveillera une conscience endormie. Nous faisons de notre mieux, mais nous ne pouvons pas y arriver seuls. Aujourd’hui, plus que jamais, nous avons besoin d’une position humanitaire collective pour sauver ce qui reste de vie, de dignité au milieu de cette catastrophe.

Continuité du travail éducatif et soutien aux élèves malgré l’agression

Malgré les bombardements incessants et la peur omniprésente dans la bande de Gaza, les centres éducatifs de l’UJFP poursuivent leur mission dans les zones d’Al-Mawasi à Khan Younès et à l’ouest de Nuseirat, convaincus que l’éducation est un droit fondamental qui ne disparaît pas, même dans les circonstances les plus sombres. Malgré les dangers environnants, les enfants continuent de fréquenter ces centres, encouragés par leurs parents qui considèrent l’éducation comme une bouée de sauvetage pour l’avenir de leurs enfants, ce qui les pousse à surmonter la peur et à prendre le risque de les envoyer en classe.

Ces centres s’attachent, en plus de l’enseignement académique, à offrir un soutien psychologique et social aux enfants à travers diverses activités qui aident à atténuer les effets du traumatisme et de la guerre. À l’école « Le Premier Pas », des activités récréatives et sportives sont organisées régulièrement. Récemment, l’école a mis en place un événement sportif en coordination avec un terrain de sport au centre de Nuseirat, où un match de football a été disputé par des élèves âgés de 13 à 17 ans leur permettant de jouer et de se défouler.

Cette initiative a été une véritable opportunité pour ces jeunes de libérer leur énergie physique et émotionnelle, et d’échapper, ne serait-ce que temporairement, à la peur et à l’anxiété qui rythment leur quotidien.

Au cœur de la mort et de la destruction, les centres éducatifs se dressent comme une première ligne de défense de l’humanité de ce peuple, aussi importante que toute ligne de front militaire.

Tandis que la machine de guerre israélienne tente de déchirer le tissu social de Gaza, ces centres insistent pour rester des phares lumineux dans l’obscurité de la guerre. Ils ouvrent leurs portes chaque matin malgré le danger, et accueillent des élèves qui ne portent dans leurs cartables que leurs rêves et leur volonté.

La poursuite de leur mission éducative au milieu des bombardements est une affirmation forte que ce peuple refuse de se briser, et qu’il s’accroche au droit sacré de ses enfants à l’éducation, un droit que ni la guerre ni le blocus ne peuvent abolir. Les enfants qui fréquentent ces centres y vont avec de petits pas, mais fermes, défiant la peur, l’horreur et la destruction. Ils portent leurs cahiers et leurs stylos comme des outils de survie, comme pour dire au monde : « Nous écrirons notre avenir, quelles que soient les tempêtes. »

Quant aux parents, bien qu’ayant perdu leur sécurité et leur stabilité, ils sont animés par une foi inébranlable que l’éducation est leur seul moyen de protéger leurs enfants de la perdition, voire de préserver ce qui reste de leur patrie. À chaque leçon donnée, chaque activité organisée, chaque sourire dessiné sur le visage d’un enfant, la guerre est vaincue, ne serait-ce qu’un instant. La connaissance n’est pas un privilège, c’est un acte de résistance. Les enseignants ne sont pas de simples éducateurs, mais des soldats qui portent sur leurs épaules la responsabilité de bâtir une nation debout parmi les ruines, criant au monde qu’elle ne mourra pas.

L’éducation à Gaza perdure, non pas parce que les conditions le permettent, mais parce que la volonté est plus forte que toutes les conditions. »

Photos et vidéos du travail humanitaire ICI, des programmes éducatifs ICI.


Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :

*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.

*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.

Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.

Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025 (partie 1 à 268)

Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 5 janvier au 9 mai 2025 (partie 269 à 392)

Partie 393 : 10 mai. Partie 394 : 11 mai. Partie 395 : 11 mai (1). Partie 396 : 12 mai. Partie 397 : 13 mai. Partie 398 : 14 mai. Partie 399 : 15 mai. Partie 400 : 16 mai. Partie 401 : 16 mai (1). Partie 402 : 17 mai. Partie 403 : 18 mai. Partie 404 : 18 mai (1). Partie 405 : 20 mai. Partie 406 : 21 mai. Partie 407 : 22 mai. Partie 408 : 22 mai (1). Partie 409 : 23 mai. Partie 410 : 24 mai. Partie 411 : 25 mai. Partie 412 : 25 mai (1). Partie 413 : 27 mai. Partie 414 : 27 mai (1). Partie 415 : 28 mai. Partie 416 : 29 mai. Partie 417 : 30 mai. Partie 418 : 1er juin. Partie 419 : 1er juin (1). Partie 420 : 31 mai et 2 juin. Partie 421 : 2 juin (1). Partie 422 : 3 juin. Partie 423 : 4 juin. Partie 424 : 5 juin. Partie 425 : 6 juin. Partie 426 : 6 juin (1). Partie 427 : 7 juin. Partie 428 : 8 juin. Partie 429 : 9 juin. Partie 430 : 10 juin. Partie 431 : 11 juin. Partie 432 : 12 juin. Partie 433 : 13 juin. Partie 434 : 14 juin. Partie 435 : 15 juin. Partie 436 : 16 juin. Partie 437 : 17 juin. Partie 438 : 18 juin. Partie 439 : 19 juin.

Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFPAltermidi et sur Le Poing