Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 439 / 19 juin – Gaza reléguée au second plan face à l’escalade entre Israël et l’Iran"
Brigitte Challande, 20 juin 2025. Le 19 juin, Abu Amir adresse cette analyse conjoncturelle de la situation politique toujours aussi acérée : les morts, de faim, sous les balles ou les bombardements, ne cessent pas et prennent de moins en moins de place dans nos informations, car « Israël est attaqué par l’Iran » !
« La scène politique et militaire au Moyen-Orient a connu des transformations radicales au cours des derniers mois, marquées par une intensification des tensions entre Israël et l’Iran, qui ont désormais monopolisé l’attention régionale et internationale. Bien que la question palestinienne, en particulier celle de Gaza, ait toujours constitué un axe central des discussions politiques et sécuritaires, elle semble perdre de son élan médiatique et politique à mesure que les événements sur le front israélo-iranien s’accélèrent.
L’émergence d’une confrontation directe entre Israël et l’Iran – à travers des attaques de drones, des frappes de missiles ou encore des opérations de renseignement – a fondamentalement modifié les priorités sécuritaires des deux parties, ainsi que celles des puissances régionales.
Les regards sont désormais tournés vers la possibilité d’une guerre régionale généralisée, surtout au vu des menaces et des déclarations enflammées échangées par les responsables des deux pays.
Dans ce contexte de tensions croissantes, le dossier de Gaza semble relégué au second plan, tant dans la couverture médiatique que sur les tables de négociation régionales et internationales. Les événements quotidiens dans la bande de Gaza – y compris le blocus permanent, la détérioration des conditions humanitaires, et les tensions sécuritaires récurrentes – ne font plus les gros titres. Gaza devient, du moins temporairement, un sujet marginal face à la “crise majeure” que représente le conflit israélo-iranien.
Ce recul de l’attention pourrait avoir des conséquences graves. D’une part, il réduit la pression internationale sur Israël pour améliorer les conditions humanitaires dans la bande ou s’engager dans un processus politique significatif. D’autre part, il accentue l’isolement de Gaza et aggrave la souffrance de ses habitants, en l’absence d’initiatives sérieuses pour la reconstruction ou la levée du blocus.
Il faut noter que les factions armées palestiniennes à Gaza, notamment le Hamas, suivent de près l’évolution des tensions entre Israël et l’Iran, sachant que Téhéran est l’un de leurs principaux soutiens. Toutefois, une guerre ouverte entre les deux puissances pourrait placer ces factions face à des choix difficiles concernant leur position dans ce conflit régional, soulevant la question de savoir si elles resteront en retrait ou si elles s’impliqueront dans les développements militaires à venir.
Il est peu probable que le dossier de Gaza reste marginalisé trop longtemps. La persistance de la crise humanitaire dans le territoire pourrait le ramener au premier plan, soit par une nouvelle escalade militaire, soit à travers des démarches diplomatiques visant une résolution politique plus large. Mais pour l’instant, la priorité régionale semble clairement tournée vers le suivi de l’escalade irano-israélienne, reléguant Gaza au statut de “dossier reporté”.
La bande de Gaza connaît un embrasement sur le terrain tout aussi grave
Alors que l’attention régionale et internationale se focalise sur l’escalade entre Israël et l’Iran, la bande de Gaza connaît un embrasement sur le terrain tout aussi grave – voire plus – en termes d’impact humanitaire direct. Les massacres perpétrés contre les civils dans ce territoire assiégé se poursuivent quotidiennement, loin des caméras internationales, et sans aucune action sérieuse de la communauté mondiale.
Depuis ce matin, les forces d’occupation israéliennes ont mené une série de frappes aériennes et d’assauts terrestres sur plusieurs zones de la bande de Gaza, provoquant la mort de 38 Palestiniens. Parmi eux, 16 ont été tués de manière atroce alors qu’ils attendaient de l’aide alimentaire près du “centre de distribution” dans la région de Netzarim, contrôlée militairement par Israël. Plus de 55 autres ont été blessés dans cette même attaque, qui a remis en lumière l’image cruelle de la faim mêlée à la violence, dans une scène tragique rarement égalée dans le monde moderne.
Ce n’est pas un incident isolé : les centres d’aide mis en place par l’occupant sous l’étiquette de “corridors humanitaires” se transforment de plus en plus en pièges mortels collectifs. Ce qui inquiète davantage, c’est que ces points sont gérés par des entreprises privées américaines, actives dans les domaines de la sécurité et du commerce, soulevant de sérieuses interrogations sur les rôles réellement joués sous couvert d’action humanitaire, et sur les entités qui doivent être tenues pour responsables moralement et juridiquement de ces violations flagrantes.
La situation à Gaza ne se résume plus à des scènes de bombardements et de destruction. Elle est désormais marquée par un siège complexe et une politique de famine systématique, où les civils sont confrontés à un dilemme cruel : mourir sous les décombres ou mourir dans les files d’attente pour une aide alimentaire qui n’arrive jamais. Et dans un contexte d’indifférence médiatique et de détournement de l’attention mondiale vers le conflit irano-israélien, Gaza risque de devenir un théâtre ouvert à des crimes de guerre commis en silence.
Le recul de l’intérêt international pour Gaza face à l’escalade israélo-iranienne révèle une faille structurelle du système politique et médiatique mondial. Les priorités de couverture et d’action semblent dictées par la puissance et l’influence, plutôt que par l’ampleur de la souffrance humaine ou la légitimité des causes. Alors que les projecteurs se braquent sur les manœuvres militaires stratégiques entre Téhéran et Tel-Aviv, des millions de Gazaouis sont abandonnés face à la mort, à la destruction, et au blocus, dans un silence assourdissant de la communauté internationale.
La réalité à Gaza ne peut plus être ignorée. Ce qui s’y déroule n’est pas une simple “crise humanitaire”, mais une catastrophe aux dimensions multiples qui exige une réponse urgente, à la fois politique et éthique. Si les grandes crises régionales attirent l’attention du monde, la souffrance des civils à Gaza – des enfants affamés aux familles en quête d’abri – ne doit pas rester dans l’ombre.
Continuer à ignorer cette tragédie ne menace pas seulement la vie des Palestiniens, mais entache la conscience humaine tout entière. »
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025 (partie 1 à 268) Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 5 janvier au 9 mai 2025 (partie 269 à 392)
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Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFP, Altermidi et sur Le Poing.