Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 436 / 16 juin – Jusqu’à quand les habitants de Gaza seront-ils abandonnés à leur sort ?"
Brigitte Challande, 16 juin 2025.- Nous recevons aujourd’hui ce texte d’Abu Amir qui nous pose à toutes et tous cette question. Le silence international n’est plus une simple honte, c’est un crime de complicité. À Gaza, il est interdit de rester, comme il est interdit de partir.
« Jusqu’à quand ? Jusqu’à quand les habitants de Gaza seront-ils abandonnés à leur sort ? Jusqu’à quand la mort restera-t-elle la seule option qui s’offre à eux ? Jusqu’à quand ce peuple sera-t-il condamné à vivre dans l’obscurité, encerclé par les bombardements, la faim et la trahison ?
Dans la bande de Gaza, rien ne ressemble à la vie. C’est le seul endroit au monde où l’on ne bombarde pas uniquement pendant les guerres, mais aussi pendant les jours ordinaires. Pas d’eau, pas de médicaments, pas d’électricité, pas de nourriture. Non pas parce que la nature est cruelle, mais parce que le monde a choisi de l’être.
La famine, autrefois utilisée comme arme d’extermination à l’époque médiévale, est aujourd’hui utilisée à Gaza sous les yeux d’une communauté internationale qui ne cligne même pas des paupières, mais observe et compte.
Combien d’enfants sont morts ? Combien de mères ont perdu leurs enfants ? Combien de familles ont été anéanties ? Ce ne sont que des chiffres dans les bulletins d’information, traités comme des détails marginaux sans aucun lien avec ce qu’on appelle “l’humanité”.
Jusqu’à quand les habitants de Gaza pourront-ils résister à cette impuissance ? Jusqu’à quand continueront-ils à survivre, dans la faim, le déplacement et les massacres ? Jusqu’à quand porteront-ils sur leurs épaules les cercueils de leurs enfants sans trouver personne pour les soutenir ou, du moins, entendre leur douleur ?
Plus de deux millions de personnes vivent des miettes de l’aide humanitaire, qui est parfois bombardée avant même d’arriver, ou empêchée de passer.
Les maisons sont devenues des tombes, les écoles des abris temporaires pour ceux qui ont survécu aux frappes, et les routes des couloirs vers la mort ou l’exil.
Même l’air à Gaza est pollué par la peur. La peur d’un raid soudain, d’un nouveau massacre, d’une alerte de dernière minute annonçant le nom d’un autre enfant mort avant d’avoir fêté son premier anniversaire.
Et malgré tout cela, personne ne bouge. Le silence international n’est plus une simple honte, c’est un crime de complicité.
Les déclarations de condamnation sont devenues une farce morale, et les expressions d’“inquiétude” ne convainquent même plus ceux qui les prononcent.
Le paradoxe douloureux, c’est que les mêmes pays qui prêchent jour et nuit les droits de l’homme restent impuissants – voire parfois complices – quand il s’agit de Gaza.
En tête de ces pays : les États-Unis d’Amérique. Non contents de fournir une couverture politique à Israël, ils lui ont donné tout ce qu’il fallait pour continuer à tuer : des armes, de l’argent, et le droit de veto. Chaque fois qu’une résolution condamnant les massacres est proposée, Washington accourt pour utiliser son veto, comme pour dire : “Tuez-les, nous sommes derrière vous.”
Ce soutien illimité n’est pas seulement une protection politique, mais une autorisation explicite de tuer, un message au monde disant que le sang palestinien ne mérite ni protection, ni compassion, seulement davantage de silence.
Quant au droit des Palestiniens à vivre – ou même à fuir la mort – il est également confisqué.
À Gaza, il est interdit de rester, comme il est interdit de partir. Les points de passage sont fermés, les frontières verrouillées, comme si Gaza n’existait pas sur la carte de ce monde.
L’être humain y est traité non pas comme un être doté de droits, mais comme un simple chiffre assiégé.
Personne ne leur demande : voulez-vous partir ? Voulez-vous survivre ? On suppose simplement qu’ils doivent mourir.
Et dans ce contexte, on ne peut ignorer le rôle de l’Égypte, censée être un soutien pour Gaza, mais qui a choisi de fermer le poste-frontière de Rafah – la seule porte restante pour plus de deux millions de personnes.
Sous prétexte d’“empêcher le déplacement forcé”, même les cas les plus urgents se voient refuser le droit de sortir.
On dit que l’Égypte protège la cause palestinienne, mais en réalité, elle regarde Gaza être exterminée quotidiennement sans ouvrir une porte, ni élever une voix.
Quelle est donc cette cause qu’on prétend défendre au prix du sang de son propre peuple ?
Et quelle souveraineté mérite le respect lorsqu’elle écrase l’humanité d’un peuple entier à ses frontières ?
Ils n’ont laissé aux habitants de Gaza qu’un seul choix : la mort.
La mort sous les bombes, sous les décombres, dans les tentes de déplacés ou dans les files d’attente pour l’aide humanitaire.
La mort en silence.
Ils ne sont pas autorisés à pleurer à haute voix, ni à crier, ni même à protester.
Le monde veut qu’ils meurent tranquillement, sans bruit, sans questions, sans crime reconnu.
Ils meurent, sont comptés comme des chiffres, puis leur histoire est effacée des bulletins d’informations.
Mais la question demeure… »
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025 (partie 1 à 268) Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 5 janvier au 9 mai 2025 (partie 269 à 392)
Partie 393 : 10 mai. Partie 394 : 11 mai. Partie 395 : 11 mai (1). Partie 396 : 12 mai. Partie 397 : 13 mai. Partie 398 : 14 mai. Partie 399 : 15 mai. Partie 400 : 16 mai. Partie 401 : 16 mai (1). Partie 402 : 17 mai. Partie 403 : 18 mai. Partie 404 : 18 mai (1). Partie 405 : 20 mai. Partie 406 : 21 mai. Partie 407 : 22 mai. Partie 408 : 22 mai (1). Partie 409 : 23 mai. Partie 410 : 24 mai. Partie 411 : 25 mai. Partie 412 : 25 mai (1). Partie 413 : 27 mai. Partie 414 : 27 mai (1). Partie 415 : 28 mai. Partie 416 : 29 mai. Partie 417 : 30 mai. Partie 418 : 1er juin. Partie 419 : 1er juin (1). Partie 420 : 31 mai et 2 juin. Partie 421 : 2 juin (1). Partie 422 : 3 juin. Partie 423 : 4 juin. Partie 424 : 5 juin. Partie 425 : 6 juin. Partie 426 : 6 juin (1). Partie 427 : 7 juin. Partie 428 : 8 juin. Partie 429 : 9 juin. Partie 430 : 10 juin. Partie 431 : 11 juin. Partie 432 : 12 juin. Partie 433 : 13 juin. Partie 434 : 14 juin. Partie 435 : 15 juin.
Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFP, Altermidi et sur Le Poing.