Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 434 / 14 juin – Massacres dans l’obscurité : Gaza entre mort et faim"
Brigitte Challande, 15 juin 2025. Abu Amir rend compte de la réalité de la situation le samedi 14 juin, après la coupure pendant plus de 24h des réseaux de communication et d’internet dans la bande de Gaza.
« Alors que l’occupation israélienne a délibérément coupé les réseaux de communication et d’internet dans la bande de Gaza, la ville assiégée s’enfonce de plus en plus dans l’obscurité et l’isolement. Elle a été abandonnée, livrée seule aux formes les plus atroces de meurtre et de répression, sans que le monde ne voie ni n’entende ses gémissements. La coupure des communications n’était pas une simple mesure technique, mais un écran intentionnel pour commettre des massacres loin des caméras, loin des yeux des organisations humanitaires et des médias. En l’absence du regard du monde, les portes de l’enfer se sont ouvertes sur Gaza, et le poids du génocide s’est intensifié — une guerre sans témoins, une agression sans pitié.

« Hommage aux courageux héros des télécommunications à Gaza : ils ont rétabli la connexion internet au milieu des bombardements, au péril de leur vie. Ils ont fait renaître nos voix au cœur d’un génocide silencieux« . Photos Mohammed Hussein, sur son compte X.
Ce matin, Gaza s’est réveillée sur un nouveau chapitre de la tuerie continue : 12 morts et environ 50 blessés suite à un bombardement israélien ciblant des civils innocents rassemblés avec espoir pour attendre des camions d’aide humanitaire dans le nord-ouest de la ville, espérant obtenir de quoi calmer leur faim. Au même moment, la zone de Netzarim, au centre de la bande n’a pas été épargnée par les tirs : les forces d’occupation ont ouvert le feu sur des citoyens attendant l’aide avec la détresse des désespérés. Sept autres personnes ont été tuées, et des dizaines de blessés ont été transportés vers les hôpitaux d’Al-Awda et Al-Aqsa, portant des plaies parfois sans même une compresse pour les couvrir.
Aujourd’hui, Gaza n’est plus simplement une ville sous blocus ; elle est devenue une prison à ciel ouvert, envahie par le chaos, la famine et le désespoir. Pas de nourriture, pas d’eau, pas de médicaments. La faim assiège les gens jusque dans leurs maisons — ou plutôt, dans les ruines de ces maisons détruites par les avions.

« Un fils transporte le corps de son père mort, sur son vélo, après qu’il ait été tué lors d’un point de distribution d’aide. »
La peur s’infiltre à chaque instant dans les cœurs. Chaque quartier est devenu un réservoir de tristesse et de misère, chaque maison un récit suspendu de mort. Les femmes errent dans les rues, les yeux éteints, à la recherche d’un morceau de pain pour nourrir leurs enfants. Elles portent des sacs vides et des cœurs lourds de douleur. Les hommes, eux, attendent dans les files de la mort devant les points de distribution d’aide installés par l’occupation, qui se sont transformés en pièges collectifs : nul ne sait si celui qui attend obtiendra de la nourriture… ou une balle mettant fin à son attente de survie.
Quant aux enfants — ceux qui ne connaissent de l’enfance que le nom —, on les voit fouiller les décharges à la recherche de restes de nourriture ou de quelque chose à vendre pour acheter de quoi survivre. Leurs visages sont pâles, leurs yeux agrandis par l’horreur de ce qu’ils voient, et leurs corps amaigris témoignent d’une faim chronique impitoyable. Leur enfance est volée, minute après minute, sous le fracas des explosions, les cris des mères, le froid et la peur. Ils ne jouent pas. Ils ne rêvent pas. Tout ce qu’ils ont aujourd’hui, c’est un petit espoir : se réveiller vivants le lendemain.
Gaza souffre dans un silence absolu. Elle meurt dans un silence encore plus profond. Personne n’entend sa voix, personne ne se tourne vers sa souffrance. Aucune institution internationale n’est en mesure de protéger les vies, aucun sursaut de conscience mondiale ne vient briser son sommeil. La douleur est devenue le langage quotidien de ses habitants, la dignité piétinée sous les bottes de l’occupant, et le monde se contente d’un silence complice ou de condamnations tièdes qui n’éteignent aucun feu, ne sauvent aucun sang.

Les nouvelles consignes de l’armée génocidaire, le 13 juin : « Les zones en rouge doivent être évacuées. »
Chaque instant qui passe est écrit en lettres de sang. Chaque jour s’imprime dans la mémoire comme un cauchemar collectif interminable.
Ce qui se passe à Gaza n’est pas une simple agression militaire, mais une catastrophe humanitaire, un crime moral et historique à part entière. Ce qui se déroule dépasse toutes les lois, tous les usages, toute logique. Ils ont voulu faire de Gaza un cimetière collectif pour la voix, l’image, et la dignité.
Se taire, c’est participer. Se taire, c’est trahir tous les principes d’humanité et de justice. Gaza n’a pas besoin de mots de condoléances. Elle a besoin d’un cri de conscience, d’une position courageuse, et d’une volonté mondiale de mettre fin à cette hémorragie… avant que la dernière bougie n’y soit éteinte. »
ICI une vidéo qui doit nous faire honte….
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
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Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFP, Altermidi et sur Le Poing.