Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 408 / 22 mai (1) – Gaza : une famine moderne, délibérée sous le regard du monde

Brigitte Challande, 23 mai 2025.- Le 22 Mai Abu Amir nous rappelle que la famine et la malnutrition dans la bande de Gaza sont une catastrophe humanitaire en plein jour sous le regard du monde entier. Dans cette situation, les équipes soutenues par l’UJFP continuent de distribuer des paniers alimentaires.

« La bande de Gaza traverse actuellement l’une des crises humanitaires les plus dévastatrices de son histoire, où la famine et la malnutrition frappent les corps de centaines de milliers de civils, dans un cauchemar sans fin. Cette catastrophe ne résulte ni de catastrophes naturelles ni d’une pénurie mondiale de ressources, mais bien d’un blocus méthodique imposé depuis des années, qui s’est intensifié ces derniers mois à des niveaux sans précédent.

Pénurie aiguë de denrées alimentaires de base

Le blocus total imposé à la bande de Gaza a provoqué une rupture des chaînes d’approvisionnement alimentaire, laissant les marchés vides des produits alimentaires essentiels. La viande, les produits laitiers, les céréales et les légumes ne sont disponibles que très rarement, et leurs prix sont hors de portée pour la majorité des citoyens, dont beaucoup ont perdu leurs sources de revenus. La farine, l’huile et le sucre – composants de base de l’alimentation – sont devenus des denrées rares, vendues au compte-goutte lorsqu’elles sont disponibles. Les familles se contentent de miettes, et certaines ne trouvent rien d’autre que du pain et de l’eau pour nourrir leurs enfants.

Chiffres alarmants sur la malnutrition

Des rapports récents d’organisations humanitaires et médicales internationales indiquent que plus de la moitié des enfants de Gaza de moins de cinq ans souffrent de malnutrition, qu’elle soit aiguë, modérée ou chronique. Environ 45 % des enfants présentent une malnutrition aiguë, leurs corps s’amaigrissent de jour en jour, les muscles fondent, les os ressortent, et la peau perd sa couleur et sa vitalité.

Chez les nourrissons, les indicateurs montrent une augmentation effrayante des cas d’insuffisance pondérale et de retard de croissance. Les mères allaitantes souffrent de déshydratation sévère et d’un déficit calorique aigu, ce qui nuit à leur capacité à allaiter ou même à prendre soin de leurs enfants. Les femmes enceintes ne reçoivent pas le minimum nutritionnel nécessaire au développement des fœtus, entraînant des naissances prématurées et des taux élevés de mortalité néonatale.

Repas limités et eau contaminée

Plus de 70 % des foyers dans la bande de Gaza ne peuvent se permettre qu’un seul repas par jour, souvent pauvre en valeur nutritive. Certaines familles survivent pendant des jours avec uniquement du thé et du pain sec, tandis que d’autres sont contraintes de consommer des feuilles de plantes sauvages.

La situation est encore aggravée par la crise de l’eau. Le système d’eau potable et d’assainissement s’est effondré sous le blocus, et 97 % de l’eau est désormais impropre à la consommation. Les mères utilisent de l’eau salée ou contaminée pour préparer les repas, exposant leurs enfants à des maladies intestinales graves.

Insécurité alimentaire et mort lente

Selon les rapports du Programme alimentaire mondial, plus de 80 % des habitants de la bande de Gaza vivent dans un état d’« insécurité alimentaire aiguë », le plus haut niveau dans la classification onusienne de la faim avant la famine généralisée. L’impossibilité de faire entrer l’aide humanitaire depuis des mois, le manque de carburant et d’énergie ont conduit à l’arrêt des cuisines caritatives et des boulangeries collectives, autrefois bouée de sauvetage pour certaines familles.

Les médecins des hôpitaux de campagne – à peine fonctionnels – témoignent de cas bouleversants : des enfants de deux ans pesant à peine 5 kilos, ou des bébés mort-nés à cause de la malnutrition maternelle. Des mères rapportent avoir vu leurs enfants mourir dans leurs bras, faute de nourriture.

Les appels des mères : cris face au silence mondial

Dans les ruelles des camps de déplacés, sous des tentes délabrées qui ne protègent ni du soleil brûlant ni du froid de la nuit, des milliers de mères à Gaza vivent une souffrance quotidienne résumée en une seule question : « Comment nourrir mes enfants aujourd’hui ? » Chaque matin, elles se réveillent avec rien d’autre que l’espoir fragile et les larmes comme seules compagnes. Là, au cœur de la douleur, résonnent leurs appels porteurs d’une souffrance inimaginable, des voix désespérées qui supplient un monde resté sourd.

Les mères de Gaza ne demandent rien d’autre que de nourrir leurs enfants. Elles ne réclament ni richesses ni confort, mais simplement une bouchée de pain pour apaiser la faim de leurs petits qui hurlent la nuit de douleur. L’une d’elles, portant un enfant frêle d’à peine un an, déclare :

« Mon bébé ne pleure pas parce qu’il est malade, mais parce qu’il a faim… et je n’ai rien pour lui, pas de lait, pas de nourriture, même pas d’eau potable. »

La tragédie est d’autant plus insoutenable pour les mères veuves, qui ont perdu leur mari sous les bombes ou par des tirs de snipers. Désormais seules pour subvenir aux besoins de leur famille, elles sont parmi les plus touchées par ce cauchemar. Sans soutien, la maternité devient un combat quotidien pour la survie.

Oum Ahmad, une veuve rencontrée dans un centre d’hébergement au sud de Gaza, témoigne :

« Je croyais que perdre mon mari était la pire chose qui pouvait m’arriver… mais je me trompais. Le pire, c’est de voir mes enfants mourir de faim, sans pouvoir rien faire. Je ne peux pas travailler, il n’y a pas de nourriture, chaque jour est une lutte pour survivre. »

Leurs appels ne cessent, élevés d’abord vers le ciel, puis lancés à la conscience mondiale :

« Sauvez-nous, nos enfants meurent lentement. Nous avons besoin de nourriture, de lait, d’un peu d’espoir. »

Ces paroles, répétées par des mères dans de nombreux témoignages de Gaza, dévoilent des femmes en larmes, des enfants au regard vide au visage émacié, quémandant une nourriture qui n’arrive pas.

Les veuves, en particulier, portent un fardeau inhumain. Ce qui devait être un refuge d’amour est devenu un poids que les mères portent en essayant de sauver leurs enfants de la famine. Beaucoup n’ont eu d’autre choix que d’envoyer leurs enfants mendier ou travailler dans la rue pour une bouchée de pain.

Dans d’autres scènes déchirantes, une mère a échangé sa couverture contre un kilo de lentilles, tandis qu’une autre a offert ce qu’il restait de ses ustensiles de cuisine pour obtenir du lait en poudre.

Les mères de Gaza n’ont plus rien à offrir, sauf leur voix, qui crie au nom de l’humanité :

« Assez ! Ouvrez les frontières, laissez-nous vivre. Nos enfants ne sont pas impliqués dans la politique, ils veulent juste manger. »

La tristesse habite désormais chaque détail de leur quotidien, même dans les regards de leurs enfants qui semblent poser à leur mère une question silencieuse et douloureuse : « Quand mangerons-nous ? »

Mais cette voix, malgré sa force et son amertume, ne trouve personne pour l’entendre. Le monde est distrait, la communauté internationale se contente d’exprimer sa « préoccupation », tandis que les ventres des enfants de Gaza se vident et que les bras des mères s’alourdissent de chagrin. Si les consciences ne se réveillent pas, ces cris se transformeront bientôt en élégies sur de petites tombes creusées par les larmes de mères affamées.

Le rôle des équipes de l’UJFP dans la distribution de paniers de légumes aux familles d’agriculteurs sans soutien dans le sud de la bande de Gaza

Face à la dégradation dramatique de la situation humanitaire dans la bande de Gaza due au blocus étouffant et à la politique de famine systématique, les efforts des équipes de l’UJFP ont émergé comme une lueur d’espoir dans les ténèbres. Leur intervention de terrain ciblée s’est concentrée sur une des catégories les plus marginalisées et vulnérables : les familles d’agriculteurs ayant perdu leur soutien familial.

Cette semaine, les équipes sur le terrain ont distribué 100 paniers de légumes frais à ces familles, dans un geste humanitaire exceptionnel visant à combler une partie du déficit alimentaire croissant.

L’opération s’est étendue aux camps de déplacés et aux zones sinistrées du sud de Gaza, en particulier dans le gouvernorat de Khan Younès, où les familles s’entassent sous des tentes dans des conditions inhumaines. Les familles ont été sélectionnées avec soin suite à un recensement effectué par les volontaires qui se sont concentrés sur les foyers ayant perdu leur soutien financier – une population désormais totalement privée de revenus et extrêmement vulnérable à la famine.

Les paniers contenaient diverses légumes de base comme des pommes de terre, tomates, concombres, aubergines, poivrons doux et piments. Ces éléments essentiels permettent de composer des repas nutritifs pour contrer la malnutrition, notamment chez les enfants et les femmes allaitantes. Les quantités distribuées étaient suffisantes pour couvrir les besoins alimentaires de plusieurs jours.

Cette action n’était pas une simple distribution alimentaire, mais aussi un moment d’écoute des souffrances exprimées directement par les bénéficiaires. Les équipes ont recueilli des témoignages poignants de mères et de veuves racontant leur lutte quotidienne pour nourrir leurs enfants, affirmant que ces paniers étaient « une bouée de sauvetage dans un moment désespéré ».

Une mère, veuve d’un agriculteur tué dans une frappe aérienne et vivant dans un camp informel à Mawasi Khan Younès, raconte :

« Depuis des jours, nous ne vivions que de thé et de pain rassis. Il n’y avait plus un seul légume à la maison, et aucun moyen d’en acheter. Quand le panier est arrivé, c’était comme si la vie nous revenait. »

Une autre, mère de cinq enfants, dont l’un souffre de malnutrition, ajoute :

« Je n’ai plus la force de crier ou de pleurer. Quand les équipes sont arrivées avec les paniers, j’ai pleuré de soulagement. J’ai senti qu’on ne nous avait pas oubliés. »

Malgré des ressources limitées et des risques sécuritaires élevés, les équipes de l’UJFP ont insisté pour mener cette initiative par devoir moral et humanitaire envers les populations sinistrées. L’opération a été réalisée selon des critères de transparence et d’équité, sans discrimination, en se concentrant sur les plus touchés selon une évaluation rigoureuse.

Cette intervention est un modèle d’efficacité de l’action humanitaire de terrain en situation de crise complexe. Son impact ne se mesure pas uniquement au nombre de paniers distribués, mais à la portée de l’aide aux plus vulnérables, à la dignité retrouvée, redonnée à ces familles oubliées.

Ce qui se passe à Gaza n’est pas qu’une crise humanitaire, c’est un crime commis en plein jour sous les yeux du monde. Cette famine moderne n’est pas due à un manque de ressources, mais à un siège et à une politique de famine délibérée utilisant la nourriture comme arme. Tandis que les mères restent impuissantes devant les ventres vides de leurs enfants, et que les familles meurent en silence, c’est l’humanité même qui est mise à l’épreuve – et la conscience mondiale demeure muette. »

Photos et vidéos ICI.


Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :

*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.

*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.

Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.

Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025 (partie 1 à 268)

Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 5 janvier au 9 mai 2025 (partie 269 à 392)

Partie 393 : 10 mai. Partie 394 : 11 mai. Partie 395 : 11 mai (1). Partie 396 : 12 mai. Partie 397 : 13 mai. Partie 398 : 14 mai. Partie 399 : 15 mai. Partie 400 : 16 mai. Partie 401 : 16 mai (1). Partie 402 : 17 mai. Partie 403 : 18 mai. Partie 404 : 18 mai (1). Partie 405 : 20 mai. Partie 406 : 21 mai. Partie 407 : 22 mai.

Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFPAltermidi et sur Le Poing