Pourquoi Israël étend la guerre de Gaza aux camps de réfugiés de Cisjordanie

Ameer Makhoul, 25 avril 2024. Les camps de réfugiés de Nur Shams (à côté de Tulkarem) et de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie occupée, sont témoins d’une guerre de destruction totale menée par Israël pour déraciner les camps de réfugiés palestiniens, sur le modèle des événements en cours à Gaza qui rappellent la Nakba de 1948.

C’est la vision d’Israël, qui a déclaré, il y a longtemps, une guerre contre l’agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens, Unrwa, avec une apogée pendant la guerre contre Gaza. Se dirige-t-on vers une situation de déplacement forcé en Cisjordanie occupée ?

Les camps de Jénine et de Nur Shams ont été attaqués à plusieurs reprises dans le cadre d’un processus de déracinement qui a commencé avant la guerre contre Gaza. Le nord de la Cisjordanie occupée et la vallée du Jourdain sont depuis longtemps la cible d’une intensification des activités de colonisation.

Selon l’Unrwa, il y a environ 870.000 réfugiés palestiniens en Cisjordanie occupée, dont beaucoup sont entassés dans des camps denses, où les liens communautaires sont forts. Israël considère ces camps comme des incubateurs de la lutte armée palestinienne, dans la mesure où il cherche à éradiquer la question des réfugiés et le droit au retour.

Depuis les attaques du Hamas du 7 octobre et la déclaration de guerre d’Israël à Gaza, de hauts responsables israéliens ont réitéré le mantra d’une longue guerre – une guerre qui durerait des années, et changerait le visage de Gaza et de toute la région. Mais cela ne signifie pas nécessairement que la guerre atteindra ses objectifs ; certains pourraient être atteints, mais cela pourrait aussi devenir une série d’échecs accumulés au fil des années.

Les discussions sur une guerre de plusieurs années vont à l’encontre de la vieille doctrine israélienne des guerres rapides et à court terme cherchant à obtenir un maximum de gains dans le minimum de temps possible et à éviter les répercussions. La guerre contre Gaza est devenue l’une des plus longues de l’histoire d’Israël, rivalisant avec la guerre d’usure contre l’Égypte en 1969-70.

Le but ultime de cette guerre est de mettre fin à la question palestinienne. Elle est combattue sur un seul front, militairement, alors que l’administration Biden consacre d’importantes ressources militaires à un projet de port maritime qui pourrait faciliter le transfert forcé des Palestiniens de Gaza par voie maritime, après que l’Égypte a rejeté les projets d’afflux de réfugiés dans le Sinaï.

Déplacement de masse

Environ 2,3 millions de personnes vivent dans la bande de Gaza densément peuplée. Après qu’Israël ait lancé sa guerre, Rafah était censée servir de point de rassemblement avant un déplacement massif vers le Sinaï – mais le refus de l’Égypte de ce projet a été soutenu par d’autres États arabes, transformant Rafah en un dilemme israélien sans solution.

Une invasion à grande échelle de Rafah aggraverait la catastrophe à Gaza, mais si le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu reculait, il perdrait sa victoire promise de la guerre, qui, selon lui, est à portée de la main.

La guerre contre les camps de réfugiés en Cisjordanie occupée s’aligne sur les plans formulés par le ministre des Finances Bezalel Smotrich : étendre massivement les colonies tandis que les colons se déchaînent à travers le territoire, attaquent les Palestiniens et incendient leurs terres et leurs propriétés – le tout sous la protection de l’armée israélienne.

Stratégiquement frustré et incapable d’atteindre ou d’abandonner ses objectifs de guerre, du moins sous la classe politique au pouvoir, Israël se dirige vers une escalade incontrôlable contre les camps de réfugiés en Cisjordanie occupée, semblable à ce qui se produit à Gaza. L’expansion des colonies ne réussira pas tant que ces camps resteront cohérents intérieurement, et c’est pourquoi Israël s’efforce rapidement de les démanteler.

On peut tirer plusieurs conclusions de la guerre menée par Israël contre les camps de réfugiés de Cisjordanie. Cette tentative de déraciner les réfugiés s’inscrit dans le cadre plus large de la campagne d’annexion de l’État, qui fait également partie intégrante de la guerre contre Gaza.

Des déplacements forcés se produiront probablement en Cisjordanie occupée s’il n’est pas mis fin à ce plan. Nous ne pouvons pas compter sur les États-Unis, qui utilisent leur veto au Conseil de sécurité de l’ONU pour protéger Israël et empêcher la reconnaissance d’un État palestinien – une démarche qui ne sert qu’à mettre en évidence l’isolement et le déclin de l’influence de cette grande puissance mondiale, qui coïncide avec le propre déclin de l’influence régionale d’Israël.

Si elle se produisait, la chute du gouvernement israélien serait considérable, mais elle ne suffirait pas à ouvrir un nouvel horizon aux Palestiniens, puisqu’il n’existe pas de véritable alternative politique à Netanyahu. La politique israélienne est fondamentalement bloquée et tandis que la crise globale du pays s’aggrave, ses dirigeants considèrent l’escalade contre le peuple palestinien comme une issue illusoire.

A ce stade, le renforcement de la présence, de la protection et de la survie du peuple palestinien doit être la priorité absolue.

Article original en anglais sur Middle East Eye / Traduction MR


Ameer Makhoul est un activiste et écrivain palestinien prépondérant au sein de la communauté des Palestiniens de 48. Il est l’ancien directeur d’Ittijah, une ONG palestinienne en Israël. Il a été détenu par Israël pendant dix ans. Son compte X ex-Twitter : Ameer Makhoul أمير مخّول