Plainte devant la CPI pour génocide et autres crimes (Art. 15.1) – LETTRE D’INFORMATION N° 3

Communication des avocats, 18 novembre 2023. La procédure a bien progressé. Il faut poursuivre et amplifier l’effort pour convaincre le bureau du Procureur.

Ce 18 novembre, la procédure a bien progressé, à partir de cette plainte qui a largement regroupé les ONGs (160) et les avocats (560). La question du génocide du peuple palestinien s’est imposée comme sujet de référence dans le débat international. Les États ont embrayé : la Belgique s’est engagée par une subvention à la CPI pour financer l’enquête ; 5 États (Afrique du Sud, Bangladesh, Bolivie, Comores, Djibouti) ont formellement déposé plainte (« referral »), ce qui change le cadre de la décision pour le procureur.

Nous gardons la même ligne : des actions auprès des organes de la Cour, pour convaincre de la nécessité d’une enquête rapide et approfondie sur le génocide, et une coopération au service des droits des Palestiniens, en offrant compétence et disponibilité. Nous sommes en contact avec le Barreau de Palestine, pour déterminer comment nous pouvons agir au mieux.

1/ La plainte

Vous trouverez joint le texte de la plainte actualisé, en français et en anglais

La plainte regroupe plus de 160 ONGs et 600 avocats. C’est un succès à remarquer, et sans doute le plus fort acte de solidarité internationale dans la profession.

Notre objectif reste inchangé, et c’est la méthode des avocats : analyser une situation de fait, déterminer les règles de droit applicable, dégager une solution, et chercher à convaincre le juge.

2/ Le génocide

À ce jour, nous n’avons trouvé aucune analyse de fond contredisant la thèse de la plainte à savoir la qualification de génocide.

Pour rappel, le droit international distingue le génocide par extermination physique des populations (ex : le génocide juif) et le génocide par destruction de la vie sociale (Statut de la CPI, Art. 6, b) et c)). Dans l’affaire des Rohingyas, la Cour internationale de justice avait retenu un ensemble de critères. Les critères matériels étaient la privation d’eau et d’électricité, l’organisation de la famine, la remise en cause de l’accès aux soins, l’expulsion des maisons d’habitation, les transferts de population, les mauvais traitements et les humiliations… S’ajoutent pour la Palestine des bombardements intenses causant des pertes civiles à plus de 95 %. S’agissant du critère intentionnel, il est caractérisé par les nombreuses déclarations publiques dont le contenu est « déshumanisant ». Le but est de réduire les Palestiniens à une sous-humanité, pour casser leur société et en faire partir le plus grand nombre. La violence des discours actuels n’est que la continuité du déni du droit à l’autodétermination du peuple palestinien. C’est le déni de ce droit à l’autodétermination qui est la racine profonde du génocide.

3/ Gestion des mails et de fichiers

Les journées ont été intenses, et le temps a manqué pour gérer tous les mails et les appels téléphoniques.

Nous allons créer un site internet qui regroupera toutes les infos.

Merci aussi de faire circuler cette lettre à vos réseaux, et merci à ceux qui restent sans nouvelles de se faire connaître pour être inscrits dans les listes. Il existe un appel à m’adresser des mails de témoins. Ces mails ne sont d’aucune utilité, et je vous remercie de mettre fin à ces envois.

4/ Site internet

Nous engageons un travail immédiat, mais également un travail qui va durer, et qui doit être ouvert au plus grand nombre. Aussi, nous avons en préparation un site Internet qui diffusera les documents de procédure, des informations générales, des informations sur le suivi des dossiers, des analyses, une newsletter régulière et qui sera un lieu d’échanges, le tout avec plusieurs traductions. Plusieurs traducteurs ont proposé leurs services.

5/ La procédure

Il reste toujours cette propagande nulle : la Cour ne peut pas se prononcer car Israël n’a pas reconnu la Cour. Cette question a été tranchée par un arrêt du 5 février 2021 de la CPI : la Palestine est un État, avec comme territoires souverains la Cisjordanie, Jérusalem-Est et Gaza, et le gouvernement de Palestine a valablement transféré sa compétence pénale à la Cour. Aucun État n’a fait appel de ce jugement.

Nous sommes dans la phase d’enquête, qui est bien balisée par les méthodes de la Cour. Le principe est que seul le procureur décide.

Deux avancées décisives ont été enregistrées :  

  • Alors que le procureur estimait qu’il n’avait pas le budget, la Belgique a pris un engagement de financement.

  • Alors que les États-membres restaient indifférents, cinq États (Afrique du Sud, Bangladesh, Bolivie, Comores, Djibouti) ont formellement déposé plainte (« referral ») devant le procureur de la CPI, le 17 novembre. Cela change la question de l’enquête : le procureur doit se prononcer en fonction de ces demandes, et non pas seulement de son propre chef.

Ce 16 novembre, les rapporteurs spéciaux de l’ONU ont demandé aux États d’agir « pour prévenir le génocide du peuple palestinien ». Les États pourraient prendre l’initiative d’une procédure aux fins de mesures urgentes devant la Cour Internationale de Justice. À ce jour, ce n’est pas le cas, et, pour notre part, nous continuons notre effort devant la Cour Pénale Internationale.

Ce 18 novembre, se tient la première réunion de travail avec le Barreau de Palestine, pour déterminer les moyens de la meilleure coopération.

Le 22 novembre, nous avons une réunion de travail avec l’équipe du bureau du procureur en charge de la Palestine. Nous ferons un point détaillé.

5/ Plaintes des victimes

Nous préparons les premiers dossiers de victimes. Ces dossiers sont bien imparfaits, vues les circonstances sur place, mais la destruction des documents d’identité et des preuves après des bombardements ne doit pas être une facilitation de l’impunité.

Sur le plan procédural, en cas de décès, les membres de la famille sont recevables à agir en justice. Selon la jurisprudence, et vu les extrêmes violations du droit, nous pouvons soutenir que si aucun membre de la famille n’est en situation d’agir un proche est recevable. Aussi, ces obstacles ne sont que d’apparence, et les dossiers pourront être complétés par la suite.

Je confirme notre disponibilité pour instruire et rédiger les premiers dossiers de plainte des Palestiniens. Nous aurons une première série de dossiers qui seront présentés au bureau du Procureur de la CPI lors de notre réunion du 22 novembre (plaintes de particuliers, et du directeur de hôpitaux).

Si vous avez des contacts à Gaza, et à partir de renseignements minimaux, nous pouvons faire le lien, et commencer à travailler.

6/ Plaintes des témoins

Le statut de la Cour permet à toute personne de se porter témoin de crimes ressortant de la compétence de la Cour, et qui appellent une réponse juridictionnelle. Toute personne peut ainsi s’adresser au procureur de la CPI pour apporter des informations, des éléments de preuve ou des analyses.

Le procureur décide seul… mais pas de manière arbitraire, et parmi les critères qu’il doit observer, figure « l’intérêt pour la justice ». Aussi, il s’agit de démontrer que cette agression génocidaire contre le peuple palestinien heurte les consciences et pas seulement des analyses des juristes, et que chacun demande que la justice réponde à ces violences.

Il n’existe pas de lettre type. A chacun d’exprimer sa conviction de citoyen. C’est la sincérité qui compte.

La lettre peut être individuelle ou collective. Il n’y a pas de plan, ni de formulation imposée : seulement l’expression sincère d’une double conviction, à savoir la gravité des violations du droit et le nécessité de voir la justice se prononcer, pour mettre fin à cette impunité qui est la première cause des crimes, et pour défendre des droits individuels et collectifs des Palestiniens, par une application ferme du principe d’égalité. Il faut une date et une signature.

En revanche, nous décommandons d’adresser les lettres directement au bureau du procureur. Ce serait inefficace. Nous préconisons de les adresser à : complainticc@gmail.com

Nous laisserons le texte intact, sauf s’il contient des mentions illicites, et nous assurerons un envoi groupé au directeur. Toutes les lettres seront rendues disponibles.

Faites part de votre engagement pour la cause auprès du procureur !

7/ Témoignages

Nous serons très attentifs à recevoir le plus grand nombre de témoignages directs des Palestiniens, pour retracer ce qu’a été le vécu de cette tragédie humaine. Vous pouvez collecter les preuves, et nous allons rapidement mettre en place un procédé pour les recevoir.

8/ Pétition

Nous attendons le résultat de la réunion avec le bureau du procureur, et nous proposerons ensuite le texte d’une pétition, en plusieurs langues.

9/ Avocats – Experts

Travailler à 600 n’est pas une chose facile… et c’est notre défi, notre armée d’avocats n’ayant pas le droit de décevoir les Palestiniens.

Certains ont signé la plainte comme un geste d’appui, alors que d’autres veulent s’impliquer dans un travail construit. Attention, il y a une phase urgente maintenant, mais ce sera un travail dans la durée, et nous trouverons nos équilibres dans ce travail dans la durée.

10/ Réunion du 25 novembre ouverte à toutes et tous

Vous êtes toutes et tous invités à participer à une réunion d’information.

Samedi 25 novembre 2023 de 14h à 17h – Espace Paul Eluard, 2 place Marcel Pointet – 93240 Stains

Merci vivement à la municipalité de Stains qui nous accueille.

Une connexion Zoom sera mise en place avec traductions.

La réunion est ouverte à tous et les avocats peuvent venir avec la robe pour une photo de groupe.

11/ Premiers travaux

Commençons toutefois l’organisation par une série de travaux sur les thèmes suivants :

  1. D’une manière générale

    1. Histoire de la Palestine

    2. Histoire de Gaza

    3. La mise en place et la gestion du blocus de Gaza

    4. Les conséquences économiques et sociales du blocus de Gaza

  1. Droit général

    1. Le droit à l’autodétermination

    2. Le droit à la résistance armée

    3. Le statut des combattants de la résistance

    4. Le régime général de la légitime défense

    5. L’impossibilité pour Israël d’évoquer la légitime défense pour l’ordre dans les territoires occupés

    6. Israël et le DIH

    7. Israël et les conventions sur les droits de l’homme

    8. Les prisonniers palestiniens

    9. Jérusalem

  1. Le crime de génocide

    1. Analyse de base

    2. Étude exhaustive des textes

    3. Étude exhaustive de la jurisprudence

    4. Publications doctrinales

  1. Le crime de génocide du peuple palestinien

Éléments matériels

    1. Les plans de la guerre

    2. L’eau

    3. L’énergie

    4. L’alimentation

    5. L’accès aux soins

    6. Les attaques contre les hôpitaux

    7. Les destructions d’immeubles d’habitation

    8. Les destructions de mosquées

    9. Les transferts forcés de population

    10. Les attaques contre les équipements de l’ONU

    11. Les destructions de biens civils sans justifications militaires

    12. Les traitements inhumains et dégradants

    13. Armes utilisées

    14. L’usage des bombes au phosphore

    15. Bilans et chiffres sur la santé

Éléments intentionnels

    1. Déclarations de M. Netanyahou

    2. Déclarations d’autres responsables politiques et militaires

    3. Déclarations des alliés

    4. Projet de transferts de populations

    5. Déclarations anciennes montrant les racines du génocide

Merci de faire connaitre le sujet sur lequel vous souhaitez travailler. Le sujet est librement traité par chaque groupe, avec de la documentation et des analyses.

Pour la documentation, toujours commencer par celle de l’ONU.

Il s’agit d’être à point sur tous les sujets, afin de rédiger dès que possible une volumineuse synthèse, montrant que l’enquête est parfaitement gérable. Le piège va être de nous opposer une enquête infaisable vue la multiplicité des évènements. Or,

  • l’ouverture d’une enquête, la mise en évidence des charges accusatoires, et les mandats d’arrêts ne se situent pas au niveau de preuve nécessaire pour un jugement ;

  • tous les éléments principaux du crime de génocide sont largement établis, permettant une vision juste de cette criminalité d’État.

12/ Structuration

Globalement, nous en resterons à la dynamique d’un groupe, avec la production d’actes juridiques et de documentation, engagée pour la défense des droits des Palestiniens.

S’agissant des avocats, il faudra – ce n’est pas urgent – créer une association pour être identifié comme un interlocuteur vis-à-vis des tiers. Ce regroupement dans une association permettra de distinguer l’expression à titre individuel et celle qui engage le groupe. Par ailleurs, ce regroupement des avocats signifiera que nous en restons strictement aux actes de notre profession et à notre déontologie. Le groupe ne deviendra pas une ONG. Il ne traite ni de la politique, ni de la religion et n’organise pas des actions de solidarité. Il en reste aux bases du métier d’avocat, éclairé par un « comité des sages » qui regroupe les Bâtonniers et les intellectuels qui se sont fait connaitre comme volontaires.

13/ Financement

Le principe, fort, est que l’engagement pour la cause est pro bono. 

Toutefois, l’ampleur du travail à accomplir et les frais peuvent justifier une indemnisation. Il sera aussi proposé une cagnotte, et les règles de fonctionnement.