Les Palestiniens refusent de quitter le nord de Gaza après qu’Israël a ordonné un transfert forcé

Rayhan Uddin, 13 octobre 2023. Les Palestiniens refusent de quitter leurs foyers après que l’armée israélienne a ordonné vendredi à tous les civils du nord de Gaza, soit plus d’un million de personnes, d’évacuer vers le sud de l’enclave assiégée dans les 24 heures.

Dans le tract que l’armée israélienne a largué il y a peu sur la ville de Gaza, il est fait référence à une zone d’aide humanitaire située à l’extrême sud, à côté de la frontière égyptienne. Il semble que les habitants de Tel-Aviv considèrent ce qui se passe comme une opportunité historique pour les projets de Nakba. (Source)

L’armée israélienne a déclaré vendredi dans un communiqué que les civils devaient quitter la ville de Gaza, dans le nord, et qu’ils ne seraient pas autorisés à revenir « jusqu’à ce que nous le disions » et jusqu’à ce qu’« une déclaration l’autorisant soit publiée ».

« Civils de la ville de Gaza, évacuez vers le sud pour votre propre sécurité et celle de vos familles et éloignez-vous des terroristes du Hamas qui vous utilisent comme boucliers humains », a déclaré l’armée.

« Les terroristes du Hamas se cachent dans la ville de Gaza, à l’intérieur de tunnels sous les maisons et à l’intérieur de bâtiments peuplés de civils innocents de Gaza. »

Mais de nombreuses personnes refusent de quitter leur foyer, craignant une répétition de la Nakba de 1948, lorsque des centaines de milliers de Palestiniens ont été expulsés de leurs terres et sont toujours des réfugiés plus de sept décennies plus tard.

Salim Ayoub, un Gazaoui de 65 ans, a déclaré à Middle East Eye que « ce qui se passe aujourd’hui est une répétition de ce qui s’est passé en 1948. »

« J’en ai discuté avec mes enfants, et nous avons décidé de ne pas partir. Nous ne quitterons pas le nord de Gaza pour aller vers le sud parce que nous ne voulons pas nous retrouver à nouveau sans abri », a-t-il ajouté.

Naama Hazem, 20 ans, vit avec sa famille dans le quartier de Daraj, dans la ville de Gaza.

« Nous sommes plus de 20 personnes dans l’immeuble. Mon grand-père refuse de sortir et dit qu’il préfère mourir chez lui », a-t-elle expliqué à MEE.

« Nous avons pris la décision de ne pas nous séparer, même si cela signifie que nous mourrons ensemble. En fait, même si nous pensions partir, nous n’aurions nulle part où aller. Nous n’avons aucun parent dans le sud. »

Les Palestiniens du nord de Gaza ont déjà été déplacés ces derniers jours à cause de la campagne de bombardements israéliens.

Maha Hussaini, correspondante de MEE,  a déjà quitté son domicile dans le nord suite aux ordres d’expulsion forcée.

Un autre journaliste de MEE sur le terrain a déclaré que cela « ressemble actuellement à une deuxième Nakba » et que « de nombreuses familles quittent désormais leur domicile ».

Les Nations Unies ont appelé Israël à annuler l’ordre d’évacuation.

« Les Nations Unies considèrent qu’il est impossible qu’un tel mouvement ait lieu sans conséquences humanitaires dévastatrices », a déclaré Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l’ONU.

« Les Nations Unies appellent vivement à ce que tout ordre de ce type, s’il est confirmé, soit annulé, afin d’éviter ce qui pourrait transformer ce qui est déjà une tragédie en une situation calamiteuse. »

L’Organisation mondiale de la santé a déclaré qu’Israël obligeant les personnes gravement malades à Gaza, y compris celles qui sont sous assistance respiratoire, à déménager équivaut à une « condamnation à mort ».

Une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU sur la guerre israélo-palestinienne a été convoquée vendredi.

« Deuxième Nakba »

Le Hamas a lancé samedi une attaque surprise sur plusieurs fronts contre les colonies israéliennes, tirant des milliers de roquettes et envoyant des combattants en Israël par voie terrestre, aérienne et maritime. Plus de 1.300 Israéliens ont été tués et environ 130 personnes ramenées en captivité à Gaza.

Les forces israéliennes ont répondu cette semaine en déployant un barrage de frappes aériennes sur la bande de Gaza qui ont tué au moins 1.500 personnes, pour la plupart des femmes et des enfants.

Les appels à l’évacuation forcée surviennent alors qu’Israël a rassemblé des chars près de la frontière avec Gaza en prévision d’une invasion terrestre attendue de l’enclave – la première incursion de ce type depuis plus de 9 ans.

Les Palestiniens pensent que cet ordre fait partie d’un plan visant à déplacer ses habitants vers le sud, jusqu’à ce qu’ils soient forcés de quitter complètement Gaza et de passer la frontière égyptienne en tant que réfugiés.

Jeudi, des Palestiniens de Gaza ont déclaré à MEE que le projet d’ouvrir un couloir humain permettant aux civils de fuir vers la région égyptienne du Sinaï s’apparenterait à une « seconde Nakba ».

Plus de 700.000 Palestiniens ont été envoyés en exil en 1948 et eux et leurs descendants n’ont jamais été autorisés à revenir.

Beaucoup de ces familles palestiniennes se sont retrouvées à Gaza et l’ordre de départ actuel rappelle des souvenirs historiques du nettoyage ethnique de 1948.

Plus de 60 % des habitants de Gaza sont déjà des réfugiés d’autres régions de Palestine.

« Je ne soutiens pas l’idée d’une réinstallation dans le Sinaï », a déclaré à MEE Ali Abdel-Wahab, un analyste de données et chercheur qui vit dans la bande de Gaza assiégée.

« Les Palestiniens qui ont vécu des guerres et des souvenirs de la Nakba espèrent que cela ne se reproduira plus. »

Article original en anglais sur Middle East Eye / Traduction MR

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