Partager la publication "La glaçante « politique du poison » d’Israël pour remplacer les Palestiniens par des colons juifs"
Kit Klarenberg, 4 juillet 2023. En septembre 2022, un document choquant a révélé que, pendant la Nakba de 1948, les milices sionistes se sont lancées dans une vaste campagne de guerre chimique et biologique pour expulser les communautés autochtones palestiniennes de leurs terres, ralentir l’avancée des armées arabes intervenantes, et empoisonner les citoyens des États voisins.
Cette utilisation inadmissible d’armes biologiques sur des cibles civiles, qui visait à infecter la population palestinienne locale avec la typhoïde, la dysenterie, le paludisme et d’autres maladies en contaminant les réserves d’eau locales, a fait l’objet d’une dissimulation concertée à l’époque – une dissimulation que l’Etat sioniste a ensuite maintenue pendant des décennies.
Même après sa révélation, les universitaires israéliens qui ont contribué à faire éclater l’histoire se sont efforcés d’en diminuer l’importance, arguant de manière peu convaincante qu’il s’agissait d’une stratégie ratée rapidement abandonnée et oubliée.
Mais les dossiers récemment déclassifiés des Forces de défense israéliennes (Forces d’occupation israéliennes, FIO, ndt) soulignent clairement que ce récit est un mensonge abject. Publiés par le Jewish Settlements Archival Project, une initiative du Taub Center for Israel Studies de l’Université de New York, ils montrent amplement que les occupants israéliens ont utilisé à peu près les mêmes tactiques pour nettoyer ethniquement les zones palestiniennes afin de faire place aux colonies illégales en Cisjordanie, et ailleurs.
Faits sur le terrain
En 1967, Tel-Aviv est sortie victorieuse de la guerre des Six jours (guerre israélo-arabe, ndt) et a effectivement annexé des pans entiers du territoire environnant des États arabes voisins.
L’occupation de ces zones par Israël, et en fait la construction de colonies pour les colons juifs, était et reste absolument illégale au regard du droit international et a été condamnée à plusieurs reprises par les Nations Unies. Au départ, les gouvernements israéliens successifs ont affirmé que les colonies étaient l’œuvre de colons individuels et d’entités non gouvernementales telles que l’Agence juive et l’Organisation sioniste mondiale, et ont insisté sur le fait que l’État n’approuvait ni ne pouvait empêcher leur expansion.
Encore une fois, les articles récemment publiés démontrent clairement qu’il s’agit d’une tromperie délibérée. La piste commence en janvier 1971, lorsque le cabinet du premier ministre israélien de l’époque, Golda Meir, s’est réuni pour discuter de la construction prochaine de colonies. La nécessité d’un secret public sans faille sur ce qui allait se passer était considérée comme primordiale. Au début du sommet, le premier ministre a demandé :
« Avant que nous poursuivions notre discussion, il y a quelque chose que j’aimerais demander. Nous avions l’habitude, pour tout ce qui a à voir avec les colonies, les avant-postes, les expropriations de terres, etc., de le faire et de ne pas en parler. Dernièrement, ce pacte (…) a été rompu, et je demande aux ministres, pour le bien de notre patrie, de s’abstenir, de parler moins et de faire le plus possible. Mais l’essentiel, dans la mesure du possible, est de moins parler. »
Meir a ensuite exigé que les ministres n’assistent pas aux cérémonies d’ouverture des colonies et évitent d’être vus par les médias à proximité des sites. En avril 1972, ce serment de silence est resté très en vigueur, le ministre sans portefeuille Yisrael Galili rappelant à ses collègues du cabinet, lors d’une réunion, de « s’abstenir de traiter de l’affaire dans la presse, car cela pourrait causer des dommages ».
C’est à cette époque que les Israéliens ont commencé à construire la première colonie juive illégale, Gitit, en Cisjordanie. Pour lancer l’entreprise criminelle, il a fallu déplacer les Palestiniens du village voisin d’Aqraba. Le déplacement a d’abord été tenté par la force brute, les soldats de Tsahal exigeant qu’ils quittent la zone pour faire place à une nouvelle zone d’entraînement militaire.
Les Palestiniens les ont ignorés et ont continué à cultiver la terre, alors les forces israéliennes ont endommagé leurs outils. Comme ils refusaient toujours de bouger, les FDI (FOI) ont reçu l’ordre de détruire les récoltes avec des véhicules militaires, et exproprier la population indigène. Les soldats ont trouvé une solution radicale à glacer le sang : un épandeur a fait pleuvoir des produits chimiques toxiques, mortels pour les animaux et dangereux pour les humains, pour précipiter leur départ.
Pourtant, la population d’Aqraba a refusé de bouger ; Tsahal a donc décidé de pousser plus loin sa campagne diabolique. En avril 1972, le commandement central de l’armée a rencontré des représentants du département des colonies de l’Agence juive. Ils ont établi « la responsabilité et le calendrier de la pulvérisation », à une densité telle qu’elle empêcherait les humains et les animaux d’habiter la zone pendant plusieurs jours « par crainte d’empoisonnement.»
L’Agence juive a été chargée de trouver un avion, ce qu’elle a fait auprès de Chemair, une entreprise locale de pulvérisation des cultures. Le but explicite était de « détruire la récolte » des Palestiniens et de les expulser de force de la région à perpétuité. Le mois suivant, la destruction était si importante que le maire d’Aqraba a écrit au ministre de la Défense Moshe Dayan. Il a spécifié que le village comptait 4.000 habitants, qui jusqu’à récemment avaient cultivé « 145.000 dunams de terres agricoles ». Maintenant, après que « les autorités » aient brûlé du blé et confisqué des terres, les Palestiniens se retrouvaient avec seulement 25.000 dunams. « Les dégâts sont insupportables (…), comment pourrons-nous subvenir à nos besoins ? », écrit le maire désespéré. Les forces d’occupation israéliennes ont fini par s’emparer des terres en mai 1973. Elles ont demandé à Tel-Aviv l’autorisation de « saisir la terre dans le but d’établir une colonie », ce qui leur a été accordé. Trois mois plus tard, la construction commençait.
‘Couvrez-vous’
Alors que les gouvernements israéliens encourageaient et facilitaient en secret la création de colonies illégales, il est clair qu’il y eut à plusieurs reprises une certaine dissidence interne sur la question.
En 1974, le chef de l’administration des terres d’Israël a entamé des démarches pour établir une nouvelle colonie juive en Cisjordanie, Ma’aleh Adumim, avant que le gouvernement n’ait pris une décision officielle à ce sujet. L’ancien général de Tsahal devenu représentant à la Knesset, Meir « Zarro » Zorea, a activement fait pression sur l’Agence juive pour qu’elle alloue un budget approprié à l’initiative, suggérant à l’organisation « d’acheminer l’argent vers les activités de colonisation et d’obtenir une couverture après un certain temps, lorsque je demanderai l’approbation du budget ».
Cependant, lors d’une réunion du cabinet qui a suivi, le ministre du Logement de l’époque, Yehoshua Rabinovitz, consterné, a déclaré : « Il n’y a pas de budget, et je ne sais pas comment le travail peut avoir commencé sans que ce soit discuté entre nous ». Le Premier ministre Yitzhak Rabin a tenté de le calmer en déclarant : « C’est pour cela que nous nous réunissons en ce moment ».
« Nous pourrions clarifier cette question ici, mais je ne suggère pas de le faire aujourd’hui. Je sais que cela ne suit peut-être pas les règles les plus nettes, mais je suis favorable à ce que ces travaux d’infrastrure commencent », a-t-il ajouté.
Plus tard, le susmentionné Yisrael Galili a pressé les ministres de définir Ma’aleh Adumim comme « une zone de classe A », pour lui accorder, ainsi qu’à sa population de colons juifs, de plus grands avantages du gouvernement, bien qu’elle se situe dans un territoire illégalement occupé. Le gouvernement israélien accordant officiellement à la colonie cette classification équivalait, par définition, à une approbation de facto, en contradiction avec sa position officielle.
« Je suis surpris que vous ne compreniez pas que tout ce sujet est l’une des méthodes ingénieuses pour atténuer un processus qui pourrait être très dangereux en interne en Israël », a expliqué Galili.
Ces communications choquantes sont restées cachées pendant un demi-siècle avant que le Jewish Settlements Archival Project (projet d’archives des colonies juives) ne les rende publiques. Il est presque inévitable qu’un grand nombre d’autres documents incriminants restent scellés dans les coffres de Tsahal. Les archives révélées se terminent à l’été 1977 et, en janvier 2023, il y avait 144 colonies juives illégales en Cisjordanie, dont 12 à Jérusalem-Est, abritant 450.000 colons.
Voler autant de terres et déplacer tant de personnes dans le processus fut une vaste entreprise qui a fréquemment rencontré une résistance locale acharnée, qui se poursuit aujourd’hui. Compte tenu de l’efficacité de la guerre chimique et biologique dans le vol de terres palestiniennes pendant tant d’années, il n’y a aucune raison de penser que cette approche odieuse n’a pas été employée encore et encore au fil des ans.
Article original en anglais sur The Cradle / Traduction MR
Note ISM-France : Depuis 1967, l’occupation israélienne se sert de la Cisjordanie occupée comme d’une décharge massive de déchets dangereux et toxiques. 60% des déchets israéliens y finissent, empoisonnant les nappes phréatiques, en violation flagrante (une de plus) des lois internationales relatives à la protection de l’environnement. En 2018, on comptait 98 décharges israéliennes en Cisjordanie occupée, sans compter les dizaines de sites d’enfouissement utilisés par les colonies et non officiellement reconnus.
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