Sous le vernis rhétorique d’Abu Dis

Ramona Wadi, 23 mai 2023. En 2019, le soi-disant « accord du siècle » de l’administration Trump a révélé l’hypothèse que la ville d’Abus Dis soit la capitale de la Palestine comme alternative à la revendication du peuple palestinien sur Jérusalem. Israël avait jeté les bases de l’annonce avec sa déclaration unilatérale antérieure selon laquelle Jérusalem resterait sa capitale « indivise ».

L’émoi concernant Jérusalem avait plus à voir avec la dérision générale vis-à-vis de l’ancien président américain Donald Trump, qu’avec les droits politiques du peuple palestinien. Avec l’annexion sur la table, quelles étaient les chances que les Palestiniens conservent un jour, de toute façon, la moindre terre, sans parler des droits ? Abu Dis n’a toujours été qu’un vernis rhétorique couvrant les véritables enjeux, y compris le fait qu’Israël ne renoncera pas à sa position sur Jérusalem, tout comme il continuera à usurper d’autres territoires palestiniens, y compris Abu Dis.

Le Times of Israel a rapporté que le comité de planification et de construction du district de Jérusalem a donné son approbation initiale pour la construction de 400 nouveaux logements à Abu Dis, élargissant une petite enclave de colons juifs dans la ville. Stratégiquement, les colonies juives d’Abu Dis relieront les colonies existantes à proximité, assurant ainsi une contiguïté territoriale à Israël tout en érodant davantage l’hypothétique État palestinien, ainsi que la lointaine possibilité de sa création.

Les médias israéliens ont déclaré que la construction de la colonie juive à Abu Dis « tuerait toute chance que la ville soit considérée comme un foyer convenable pour une capitale palestinienne ». Cet argument est erroné. Les Palestiniens ont déjà rejeté l’idée d’Abu Dis comme capitale. Ce que les médias auraient dû déclarer, c’est que les colonies juives d’Abu Dis contribueront à la fragmentation territoriale de ce qui reste de la terre palestinienne. La prétendue préoccupation des Palestiniens de perdre une capitale hypothétique vise à couvrir l’expansion coloniale de peuplement bien plus pertinente et sérieuse de l’État d’occupation.

Ateret Kohanim, une organisation d’extrême-droite soutenue par des bienfaiteurs américains, est propriétaire des bâtiments qui abritent actuellement dix familles de colons juifs à Abu Dis. Feu Irving Moskowitz, un médecin américain d’origine polonaise, avait aidé à l’achat des bâtiments et avait également contribué financièrement à établir la présence de colons juifs dans les quartiers palestiniens proches de Jérusalem-Est. En 2015, des articles ont révélé que Moskowitz avait utilisé des sociétés fictives pour dissimuler son acquisition de biens en Cisjordanie occupée en vue de les utiliser comme future colonie juive. Toutes les colonies d’Israël, et les colons qui y vivent, sont bien sûr illégales au regard du droit international.

La capitale hypothétique est donc bien éloignée du récit qui se déroule actuellement. Les Palestiniens sont confrontés, depuis des décennies, à un accaparement au cours duquel l’implication internationale dans la colonisation de leur terre, dans ce cas par des millionnaires sionistes américains, ne montre aucun signe de ralentissement. Abu Dis est un exemple récent de complicité coloniale, où des organisations d’extrême-droite disposant d’un financement important et d’idéologies extrémistes découvrent que l’actuel gouvernement israélien d’extrême-droite offre une opportunité de s’étendre sur le territoire palestinien, alors même que l’administration Biden continue de publier ses vaines mises en garde contre une nouvelle expansion des colonies.

Ateret Kohanim a défendu les plans de colonisation : « L’importance d’établir et de développer le quartier est de créer un bouclier pour Jérusalem contre les ambitions palestiniennes. » Quel bouclier, et quelles ambitions, quand les Palestiniens sont confrontés à des défis insurmontables du fait de déplacements forcés ? Le discours sécuritaire d’Israël est une fois de plus utilisé par les organisations de colons. À l’opposé du spectre, l’ONU reste silencieuse sur ce réseau de complicité coloniale qui continue de priver les Palestiniens de leur terre. Toute pertinence qu’Abu Dis aurait pu avoir était uniquement en relation avec l’administration Trump, démontrant que la communauté internationale a déjà supprimé la pertinence palestinienne de la terre palestinienne.

Article original en anglais sur Middle East Monitor / Traduction MR

[writers slug=ramona-wadi]